Une page-souvenir en hommage à
Georges Garavarentz décédé en 1993
Page en hommage à Georges Garvarentz grâce au
Site d'un fan d'Aznavour



  • "Pendant près de trois décennies, nous avons écris avec Georges Garvarentz, mon beau-frère, mon complice, mon ami, nombre de chansons que vous avez entendu et qui ont souvent été des succès. Georges Garvarentz nous a quittés. Mais à l'époque où il était à l'hôpital, je lui ai fait porter un piano parce que je sais que les compositeurs sont comme les poètes, ils aiment s'exprimer jusqu'à leur dernier souffle. Je lui ai aussi laissé un texte sur lequel il a composé une musique comme d'habitude bien-sûr. C'est la dernière chanson que nous avons écrite avec Georges. Je l'ai intitulé Ton doux visage."
    Charles Aznavour, Palais des Congrès 1994



  • Lu dans le CD "Chansons de films - Musiques de Georges Garvarentz"
    "Georges Garvarentz était mon double, je ne pourrai jamais le remplacer" Charles Aznavour

    La mère de Charles Aznavour a eu comme professeur de lettres Kevork Garvarentz. Ce poète, auteur de l'hymne national d'Arménie, a eu un fils en 1932, prénommé Georges. Lorsque la famille Garvarentz se fixe en France, Georges s'éprend d'Aïda Aznavourian, soeur de Charles, qu'il épouse le 17 septembre 1965. Il forma avec Charles un autre couple, artistique celui-là, puisque Georges compose les partitions de nombreux textes du chanteur : Prends garde à toi (1956), Et pourtant (1962), Il faut saisir sa chance (1962), Retiens la nuit (1962), Paris au mois d'août (1966)... Parallèlement, Garvarentz a mené une carrière de compositeur pour le cinéma à commencer par Un taxi pour Tobrouk en 1960.

    "Mes premiers souvenirs de Georges Garvarentz remontent à 1956-1957. C'est par ma soeur, Aïda Aznavour, que j'ai fait sa connaissance. Elle me dit un jour: "J'ai rencontré un jeune compositeur très talentueux. Tu devrais travailler avec lui !". A priori, je n'écris pas spontanément de chanson avec un inconnu. Donc, j'ai confié à Garvarentz un texte auquel je ne tenais pas particulièrement. C'était une sorte d'essai, de test. Le résultat m'a aussitôt convaincu. Aïda ne s'était pas trompée. On connaît la suite : Georges Garvarentz a épousé mes textes et ma soeur.

    Comment définir Garvarentz ? C'était un type très humain, altruiste, toujours prêt à aider les gens autour de lui, à solutionner leurs problèmes. Très vite, j'ai pris conscience de son rôle dans ma vie, celui d'un alter égo musical, d'un vrai frère de création. Quand il composait, il travaillait à la fois sur mes paroles et sur ma voix. IL avait toujours mon timbre, mon phrasé, ma tessiture bien en tête... Quand je découvrais sa musique avec mes mots, j'étais souvent surpris. Il me fallait une ou deux écoutes pour constater la justesse absolue de son travail. Si je devais imager, je dirais que Garvarentz ressemblait à une fontaine à mélodies. Les idées de thèmes lui venaient très facilement. En revanche, ce qui lui prenait du temps, c'était l'harmonisation. Ses musiques grouillent d'harmonies inattendues, de changements de tonalité qui vous donnent l'impression d'envolées extraordinaires. Dans plusieurs chansons, les modulations sont assez ahurissantes. En cela, Georges était un compositeur d'une grande richesse harmonique, qualité assez rare chez les mélodistes. Lui, c'était une pointure, mélodiquement et harmoniquement. Je crois qu'on peut parler d'une marque de fabrique, d'un sceau Garvarentz.

    Un point précis nous séparait : Georges se passionnait pour la musique de film, moi pas du tout. On est tributaire d'un metteur en scène, d'une situation, d'un minutage, etc. Moi, j'aime disposer d'une liberté totale. Georges, lui, trouvait sa liberté dans les contraintes de l'image, au service des autres. Il adorait dialoguer avec les cinéastes, les convaincre de la nécessité de tel ou tel tempo, de mettre en avant tel instrument soliste. Souvent, il les bousculait pour essayer de les emmener plus loin. Du coup, au départ, les relations étaient tendues. Les metteurs en scène montraient leur agacement: "Il veut prendre mon fauteuil ou qui ?". Généralement, très vite, ils comprenaient que Georges s'activait dans leur intérêt. Qu'il ne travaillait pas seulement à leur place mais qu'il pensait à leur place : où glisser la musique, comment la faire intervenir, à quel niveau la mixer par rapport aux dialogues et aux bruits. D'où des rapports d'amitié, de fidélité qui se sont forgés au fil des années avec Denys de la Patellière, Gilles Grangier, Sergio Gobbi ou Jean Marboeuf.

    De mon point de vue, le lyrisme de Garvarentz a une saveur italienne. La saveur des grands compositeurs d'opéras. S'il l'avait souhaité, Georges aurait pu s'imposer comme un compositeur classique, de concert. Mais la chanson, le cinéma l'ont accaparé. Et puis, le classique ne nourrit pas son homme et pose un problème de diffusion: si Garvarentz avait écrit des symphonies, qui les aurait créées ? Dans quelles conditions ? Quel aurait été son public ? Parfois, je trouve frustrant qu'il ne nous ait pas laissé une oeuvre classique. Mais je me console aussitôt en me disant que certaines partitions de films (Caroline Chérie, La Lumière des Justes, Téhéran 43) forment, à leur façon, des suites symphoniques.

    Georges est parti en 1993. Quand je pense à lui, je suis forcément nostalgique. Pour une seule et bonne raison : on ne remplace pas son double."


    Charles Aznavour, propos recueillis par Stéphane Larouge






à compléter