• Les horovels du Karabagh (Artsakh) trancrits par Komitas
  • par Robert Atayan
  • Krounk, VII 1988, pp 26-27, (Erévan)

  • Recherche bibliographique :
    Nil V. Agopoff

  • Document numérisé, recherche iconographique, scannérisation et mise en page par Méliné Papazian

  • Iconographie : Kotchar


Peinture de Kotchar
  • La région du Karabagh a possédé et possède encore un art populaire qui est une des parties composantes de la musique populaire arménienne, porte la marque de ses traditions séculaires et est caractérisé par les mêmes ramifications stylistiques, les mêmes parties essentielles de thèmes et de genres. Nous avons eu la chance de nous convaincre de ces faits lors de nos voyages vers le Gharabagh, en vue de recueillir des chants. Ils sont, par ailleurs, et depuis longtemps, certifiés dans les notes du patriarche de la musique arménienne, Komitas.

  • Le Gharahagh est également un des centres du horovel traditionnel arménien. Dans le présent article laissant de côté les autres genres de musique populaire, nous parlerons uniquement des horovels recueillis par Komitas.

  • Les chants découverts, recueillis et enregistrés par le grand Komitas, dont l'itinéraire s'étend depuis le Gharahagh jusqu'aux fins fonds de l'Arménie historique, forment l'encyclopédie de la musique populaire arménienne. On y trouve des chants rattachés aux divers domaines de la vie populaire, de contenu et d'humeur variés, qui manifestent les particularités nationales de la pensée musicale de notre peuple, son art mélodique.

  • Dans une approche strictement scientifique, Komitas s'est efforcé de n'ignorer aucun des genres du chant populaire. Parmi les chants qu'il a recueillis, les chants des travaux agrestes, et tout particulièrement les horovels, occupent une place considérable.

  • Dans l'une de ses études, Komitas appelle les horovels des chants de la nature, et il y a un sens profond dans cette appréciation. Il trouve qu'ils sont les plus pittoresques, qu'ils puisent leur essence dans les émotions accumulées dans l'âme du cultivateur durant son dur labeur.

  • Dans l'héritage musical et ethnographique de Komitas, qui nous est parvenu, on trouve des chants de labour, des chants de charretiers, des airs chantés lors du battage, du Lori, de Sanahine, d'Igdir, d'Aparan, du Daralagniaz, du Ghazakh, souvent en très petit nombre ou même uniques. Au seul exemplaire connu des horovels du Gharabagh enregistré par Komitas ("Tire, ohé, tiré") sont venus s'ajouter, aujourd'hui, ses quelques variantes, ainsi que deux antres airs. Comme nous l'avons démontré dans une étude détaillée, Komitas a découvert et enregistré le horovel 'Tire, ohé tire", au début des années 1890.

  • Le plus ancien, peut-être même le premier enregistrement que Komitas ait fait de ce horovel est celui qui nous est parvenu, recopié par ses élèves de l'Ecole Guévorgnian d'Etchmiadzine, dont les paroles, les plus répandues parmi les chants de labour du district de Varanda (auj. Martouni) sont encore chantées par les paysans âgés du lieu.

  • Mais le horovel "Tire, ohé tire", est un de ces chants que Komitas a ardemment cherché de longues années durant, dans le but de trouver ses variantes plus élaborées, plus parfaites, plus intéressantes. Aujourd'hui, à part la plus ancienne variante, nous en connaissons quatre autres, notées par Komitas, qui sont plus parfaites et plus variées dans le détail.

  • Ajoutons un autre horovel du district (le Djeraberd (auj. Martakert) du Gharabagh, enregistré de la main de Komitas: "Regarde, là-bas, sur la butte"; en marge de ce horovel, Komitas a noté: "Comparer au chant de labour du Lori". En effet, ce horovel a des lignes mélodiques et tonales qui le rapprochent du chant de labour bien connu du Lori.

  • La rareté des renseignements biographiques ne nous permet pas d'affirmer si Komitas a été au Gharabagh et y a enregistré ces horovels. Mais il est également difficile de soutenir le contraire. Ce qui est indiscutable, c'est l'intérêt tout particulier porté par Komitas aux horovels du Gharabagh. Et cet intérêt est tout a fait justifié, car ces chants présentent un grand intérêt historique et ethnographique. Ils donnent une idée d'ensemble des hautes vertus spirituelles du paysan arménien du Gharabagh, entièrement dévoué a sa terre nourricière. Ils représentent, en outre, une grande valeur. musicale, théorique et artistique.

  • Le horovel "Tire, ohé tire" du Varanda, arrangé pour choeur par Komitas et qui, depuis les concerts de Tiflis (l905) et de Paris (1906) s'est fait entendre, dans plusieurs salles connues du monde, a conquis nombre de coeurs étrangers par sa résonance aussi émouvante que puissante et fière. Après cela, comment ne pas s'étonner par l'article inséré dans l'Encyclopédie musicale, où le mot horovel même n'est pas mentionné?

  • Il nous reste à ajouter que tout une pléiade de musiciens arméniens, S. Démourian, D. Ghazarian, A. Kitcharian et d'autres ont poursuivi, au Gharabagh, l'oeuvre commencé par Komitas. Dans leur village, I'lnstitut des arts de l'Académie des sciences de l'Arménie soviétique et le Conservatoire Komitas ont aussi entrepris quelques études peu nombreuses, il est vrai. Mais la collecte de la musique populaire du Haut-Gharabagh, comparée au folklore purement littéraire du lieu, est encore bien modeste.

  • Il y a encore beaucoup à faire pour découvrir toutes les variantes de cette musique. Bien que la place de la musique populaire diminue de plus en plus dans nos moeurs, il y a encore de grands espoirs en ce qui concerne le Gharabagh. Ci-dessous nous reproduisons deux spécimens des enregistrements de Komitas: l'autoghraphe du chant de labour du district de Djeraber, et la transposition du chant de labour du Varanda enregistré initialement en notation arménienne.