Edvard Mik'aeli Mirzoyan
par Roland Melia, chef d'orchestre à St Pétersbourg
- Dans les années quarante,
un groupe de compositeurs intelligents et doués apparut avec
assurance sur la scène musicale arménienne, se faisant
connaître et aimer rapidement à la fois dans l'ancienne
Union soviétique et à l'étranger. Parmi ces puits
de talents se trouvaient Arutunyan, Babadjanyan, Saryan et Mirzoyan.
- Edouard Mik'aeli Mirzoyan naquit
le 12 mai 1921, dans la ville de Gori. En 1941, il fut diplômé
du Conservatoire de Yérévan, du cours de composition
de Talyan, et termina ses études à la fin de la guerre,
avec Litinsky et Peyko à Moscou. A cette époque, il
avait déjà écrit les deux poèmes symphoniques
Loretsi Sako et Aux héros de la guerre patriotique,
les Danses symphoniques et plusieurs romances et autres vocales.
Puis suivirent des oeuvres de diverses formes, de la cantate à
la musique pour le cinéma et des oeuvres solo pour le cor d'harmonie
et le trombone et passant par le poème et l'ouverture symphonique.
Peut-être ses compositions les plus appréciées
et les fréquemment jouées sont-elles Introduction
et Moto Perpetuo pour violon et orchestre, Sonate pour
violoncelle et piano et le Poème pour piano.
- Ayant hérité d'un puissant
style national, de compositeurs tels que Aram Khachaturian, Mirzoyan
imprègne, néanmoins, sa musique d'une fraîcheur
et d'une individualité engageantes. On rencontre rarement des
extrêmes dans le contenu émotionnel ou dans les moyens
d'expression il n'expose jamais d'innovation ou d'effet frappant
simplement pour le plaisir de le faire. A la place, la dissonance
et même la polytonalité, des changements intéressants
de ton et des caractères rythmiques particuliers prennent un
rôle modeste et intégrant, toujours avec un sens du goût
et du style, dans ce qui est, habituellement, une impression structurelle
économe et transparente. Le penchant de Mirzoyan pour une droiture
de ligne vocale et des proportions harmoniques strictes indique une
forte influence de la tradition folklorique urbaine arménienne.
- Ceci n'est, nulle part, plus apparent
que dans la Symphonie pour timbales & cordes. Jouée
pour la première fois, sous les applaudissements, en 1962,
ceci est une oeuvre pleine d'émotions mûres et équilibrées.
Elle comporte des éléments de drame, des moments de
tristesse et même de chagrin mais son humeur est souvent d'une
clarté d'esprit et d'une délicatesse de pensée
presque mozartiennes. Bien que la forme de la Symphonie soit
plutôt orthodoxe introduction lente,
premier mouvement dramatique, scherzo, adagio et finale rapide
Mirzoyan a élaboré l'imagerie de chaque mouvement d'une
manière spontanée et personnelle.
- L'introduction
au premier mouvement (Andate patetico allegro moderato)
anticipe, dans un style de chorale plutôt épique, le
caractère émotionnel prédominant. De là
éclate un thème principal actif et parfois rigoureux,
lui-même né d'une mélodie folklorique arménienne.
Il commence parmi les violoncelles et la basse et remonte à
travers les sections de l'ensemble vers une apogée emphatique.
Un solo de violon exceptionnellement obsédant suit, planant,
clair comme du cristal au-dessus d'un sombre coussin d'accords. les
violoncelles continuent avec un second thème réfléchi
ponctué par du violon solo dans le même esprit. le thème
principal interrompt et est développé d'une manière
fuguée avant de ne forger une apogée qui prend fin abruptement.
- Le second mouvement (Allegretto
ma non troppo) est une sorte de scherzo saugrenu basé sur
une figure mélodique rythmique continue qui porte la musique
impitoyablement vers la fin du mouvement. La mélodie, simple
et raffinée, se déroule alors qu'elle repasse d'un groupe
d'instruments à un autre. Prenant ses racines dans les airs
de danse arméniens, elle monte et descend en suivant le mouvement
du danseur. Le moment superbe est un air enfantin extrait brièvement
en trilles légères et en harmonies artificielles. Ce
moment de tranquillité s'assombrit bientôt et le scherzo
reprend son cours vers une conclusion plutôt irrésolue.
- Les violoncelles commencent le troisième
mouvement (Adagio andante dolorosa allegro risoluto)
avec le thème de chorale qui avait amené le premier
mouvement. Soutenant l'humeur du premier mouvement, les altos commencent
un autre thème, sombre et profond. Les seconds, puis les premiers
violons reprennent ceci avec la présentation d'un accompagnement
de triolet, l'anxiété tourne au drame alors que le thème
s'élève vers une apogée. L'instabilité
demeure alors que des fragments de thème, accentuées
par timbales, sont exposés sur une partie d'alto se mouvant
rapidement qui, progressivement, descend en tournant et finit par
une dernière courte explosion de tout l'ensemble.
- Des
accords Tutti nous appellent vers le final
(Allegro vivo andante allegro)
et, bien que nous sentions qu'une arche a été dessinée
à partir du second mouvement en matière d'impression
structurelle, le caractère n'est plus impatient mais c'est
une demande persistante de vivre. Des fragments de thème de
mouvements précédents sont réintroduits mais
l'impression dominante est celle d'une tornade qui s'empresse fougueusement
vers la fin.
- Dans Thème
et Variations, le Thème (Adagio espressivo), en
Ré mineur est présenté vigoureusement par l'ensemble
entier en riches couleurs sombres.
- Dans la Variation
Un (Allegro agitato), les altos continuent l'humeur du thème
avec un lourd accompagnement de pizzicato du reste de l'ensemble.
Les rôles sont échangés tandis que les violons
emportent la mélodie vers sa fin et enchaînent avec la
Variation Deux (andate cantabile). Une mélodie de violon,
qui plane, relevée d'intervalles augmentés
le parfum de la musique folklorique arménienne
devient la contre-mélodie à une autre sur les violoncelles.
Ceci est développé par les violons vers une apogée
insistante d'où sort encore la mélodie de premier violon,
cette fois jouée par un quatuor. Cette humeur de réflexion
est brisée par le contenu plutôt barbare de la Variation
Trois (Vivace risoluto). Ceci entoure une section intermédiaire
qui, bien que très agitée, a une qualité plus
lyrique. Une mélodie de violon sincère traverse la Variation
Quatre (Grave). Toujours attendrissante, elle est ponctuée
d'interjections menaçantes des altos. Une section intermédiaire
plus instable, encore avec ce parfum folklorique, se jette dans une
cadence pour violon solo avant qu'un quatuor ne récapitule
la mélodie du premier violon. La Variation Cinq (Allegretto
Vivace) est un scherzo avec, une fois encore, un courant sous-jacent
menaçant. Dans la section intermédiaire très
agitée, violons et altos se disputent l'attention. Un court
passage ramène à une Coda (Adagio espressivo)
de la même humeur, et même musique, que le Thème
dans lequel des accords étendus sont présentés
pour souligner sa grandeur.
- En Mémoire
d'Aram Khachaturian commence une procession d'accords qui, tout
en étant tranquilles, sont pleins de mystère. Deux violons
solos sont suspendus pendant un moment au-dessus d'harmonies plus
sombres qui mènent l'auditeur dans le thème principal.
Contraints par un sentiment d'urgence grandissant, nous arrivons à
une section intermédiaire introduite pour le violon solo. Ceci,
à son tour, est conduit, au fur et à mesure que les
rythmes folkloriques deviennent de plus en plus instables, pourtant
vigoureux vers une apogée qui, soudain, atteint son plus bas
niveau, nous laissant réfléchir à nouveau sur
le contenu de la première section. Les accords d'ouverture
reviennent. Une explosion soudaine de l'ensemble s'affaiblit, laissant
leurs deux violons solos monter.
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- Roland Melia - Boursier
de violoncelle primé à la Royal Academy of Music,
Roland melia a travaillé en tant que violoncelliste pour, entres
autres, le City of London Sinfonia, le Scottish Chamber
Orchestra, le Lontano, le London Musici, le Consort
of London et le English National Opera.
Avant de décider d'étudier la direction d'orchestre
de 1991 à 1992 avec Ilya Musin au Conservatoire de Saint-Pétersbourg,
Melia avait déjà dirigé bn nombre d'exécutions
du Lac des Cygnes, de Cendrillon, et de plusieurs ballets
en un acte pour le London City Ballet. Il avait aussi pris
des cours particuliers, à Paris, avec David Robertson, Directeur
Musical de l'Ensemble Intercontemporain, et avec Charles Bruck
à la Pierre Monteux School, dans le Maine aux Etats-Unis.
A partir de 1992, Roland Melia travailla à St Pétersbourg
avec le Ballet Classique Russe et avec nombre des principaux
orchestres et ensembles de la ville, culminant avec sa première
apparition en concert avec l'Opéra Philharmonique de Saint
Pétersbourg. En 1994, il a commencé une série
d'enregistrement pour ASV avec l'Ensemble de Chambre de St Pétersbourg,
comprenant des musiques de Mirzoyan, Myaskovsky, Slonimsky, Scherbachov
et Popov.
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