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Nous restâmes un jour dans cette ville (Saint-Denis) et de là nous nous rendîmes à la très célèbre ville de Paris, où nous arrivâmes le 19 décembre. Nous y entrâmes à midi, et le soir nous allâmes nous reposer dans une auberge. Le lendemain, assez tard, nous visitâmes la grande église. Elle est spacieuse, belle, et si admirable qu’il est impossible à la langue d’un homme de la décrire. Elle a trois grandes portes tournées du côté du couchant. Les deux battants de la porte du milieu représentent le Christ debout. Au-dessus de cette porte est le Christ présidant le Jugement Dernier. Il est placé sur un trône d’or et tout garni d’ornements en or plaqué. Deux anges sont debout, à droite et à gauche. L’ange à droite est chargé de la colonne à laquelle on attacha le Christ et de la lance avec laquelle on lui perça le côté. L’ange qui est debout à gauche porte la sainte croix. Du côté droit est la sainte mère de Dieu agenouillée et du côté gauche saint Jean et saint Étienne*24. Sur la façade sont les anges, les archanges et tous les saints. Un ange tient une balance avec laquelle il pèse les péchés et les bonnes actions des hommes. A la gauche, mais un peu plus bas, sont Satan et tous les démons qui le suivent ; ils conduisent les hommes pécheurs enchaînés et les entraînent dans l’enfer. Leurs visages sont si horribles qu’ils font trembler et frémir les spectateurs. Devant le Christ sont les saints apôtres, les prophètes, les saints patriarches et tous les saints, peints de diverses couleurs et ornés d’or*25. Cette composition représente le Paradis, dont la vue enchante les hommes. Au-dessus sont les images de vingt-huit rois, représentés la couronne en tête ; ils sont debout sur toute la longueur (de la façade). Plus haut encore est la sainte Vierge, mère du Seigneur, ornée d’or et peinte de diverses couleurs. A droite et à gauche sont des archanges qui la servent*26. Toutes les fenêtres de l’église sont de la forme d’une aire à battre le grain*27.
Quand on entre dans l’église, on trouve à gauche*28 une grande et vilaine pierre, qui représente saint Christophe et le Christ sur ses épaules. Au-dessous est le martyre de saint Christophe. La circonférence du maître-autel représente toutes les saintes actions du Christ : il y a encore beaucoup d’autres ornements, mais quel homme pourrait décrire la beauté de cette ville ! C’est une ville très grande et superbe. Deux rivières y entrent, mais il n’en sort pas la moitié.*29 Mais du reste qui pourrait décrire la grandeur de la ville ? Je restai treize jours à Paris...
- *24 Il s’agit ici des deux portes latérales de l’église Notre-Dame.
*25 Quelques-unes des sculptures qui décorent la façade de Notre-Dame de Paris, et particulièrement celles qui se voient au-dessus de la porte principale, présentent encore des restes de dorure.
*26 Ces sculptures se voyaient effectivement autrefois, au-dessus des vingt-huit statues de rois. Elles ont été détruites.
*27 Il est évident que le voyageur veut faire allusion à la forme des croisées de l’église ; mais je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi le sens, car ce passage me paraît corrompu.
*28 La mémoire du voyageur est ici en défaut, ou il s’est trompé en s’orientant ; la statue colossale de saint Christophe de Notre-Dame, fort connue des Parisiens, n’était point à gauche, mais à droite en entrant dans l’église. Elle fut abattue en 1784.
*29 Il est difficile de bien comprendre la pensée de l’auteur ; on ne sait s’il veut parler des deux bras de la Seine, qui, réunis, à leur sortie de la ville, qui ne s’étendait pas alors plus loin que l’endroit où le Pont-Neuf fut depuis placé, ne formait plus qu’une seule rivière, ou s’il croyait réellement que la moitié des eaux apportées par les deux bras de la Seine se perdait ou était consommée dans la ville. Je crois que le premier sens est plus conforme à sa pensée ; son texte cependant ne peut se traduire autrement que je l’ai fait.
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