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Nina Berbérova (1901-1993) et ses origines arméniennes

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  • Ouvrage autobiographique de Nina Berberova : C'est moi qui souligne, Actes Sud coll. Babel 1989. Isbn 2-86869-543-4, 608 pages
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(pp. 47-48) : ...J'ai reçu à la naissance, comme un cadeau du destin, le privilège d'avoir deux origines, l'une nordique et russe, l'autre méridionale et arménienne. Ceci a conditionné ma vie depuis mon enfance. Ces aspects opposés de ma personnalité ont peu à peu cessé d'être une source de conflits pour fusionner en un tout harmonieux.

Mon grand-père paternel, Ivan Minaïevitch Berberov, était un descendant de ces Arméniens anonymes qui au milieu du XVIIIème siècle, sous l'effet d'un processus historique complexe, se sont retrouvés sur la côte méridionale de la Crimée dans une situation de dénuement extrême.

Potemkine en informa Catherine II qui décida de les déplacer sur les bords du Don, là où le fleuve se jette dans la mer d'Azov, près de la ville de Rostov. Elle leur distribua des terres pour qu'ils puissent s'établir et commencer une vie nouvelle comme commerçants et artisans.  Celà servit bien entendu sa politique en Crimée.

Je me souviens, au centre de la petite ville de (Nor-) Nakhitchevan, appelée ainsi en l'honneur de la vieille ville arménienne du même nom, se dressait un imposant monument en bronze, dédié à Catherine, portant l'inscription suivante : "A Catherine II, les Arméniens reconnaissants". Il se trouvait en face de la cathédrale arménienne derrière laquelle il y avait la cathédrale russe qui donnait sur la place du Marché..

En 1920 les autorités locales ont enlevé le monument et l'ont jeté au rebut. Plus tard, on a été le chercher pour en faire un canon ou une charrue. Il paraît qu'à cet endroit s'élève aujourd'hui une statue de Karl Marx..

Les affaires des Arméniens devinrent florissantes. Mon grand-père Ivan Minaïevitch, avait été envoyé à Paris à la fin des années 1850 pour y faire des études de médecine. Sur un daguerréotype de l'époque , on le voit, les cheveux longs, avec un chapeau haut-de-forme, en redingote élégante, une cape sur les épaules et une canne à la main..

Jusqu'à sa mort, au début de 1917, il parlait volontiers de Charcot, de Pasteur et de Gambetta. Il revint de Paris avec le dilôme de médecin, se maria et eut sept fils et une fille. Il avait la réputation, dans le canton, d'être un docteur désintéressé. C'était l'une des personnes les plus cultivées de sa génération parmi les habitants de ce bourg. Ce dernier ne ressemblait à aucune autre ville de Russie méridionale, n'étant pas un chef-lieu de province ou de district..

Mon père Nicolas Ivanovitch était le troisième des sept fils. Les garçons furent successivement envoyés à Moscou pour faire leurs études à l'Institut des langues orientales Lazarevski où on leur rebattait les oreilles avec : "Tu es un poltron, tu es un esclave, tu es un Arménien" et " ces froussards de Géorgiens se sont taillés (*). Plus tard ils s'en souvinrent avec humour.


Après l'Institut, ils sont entrés à l'Université l'un après l'autre. Enfant je m'extasiais sur la régularité avec laquelle, tous les deux ans, d'après ce qu'on me racontait, ils passaient leurs examens d'Etat et entraient dans la vie publique. A eux seuls ils offraient un large éventail de professions : médecin, avocat, mathématicien, journaliste, banquier etc... Sur une photo de famille, on les voyaient côte à côte, l'un en civil, deux autres dans leur uniforme universitaire, trois en veston de l'Institut Lazarevski et le dernier sur les genoux de ma grand-mère, arborant un col en dentelle.

Ils étaient faits comme sur mesure : grands , droits, beaux. Les aînés avaient des barbes noires et des regards ardents, les cadets de grands yeux, des visages sérieux et sombres.


Le grand-père (arménien) Ivan Minaïvitch était tout le contraire du fils d'Oblomov. Ce fut le premier européen que j'aie rencontré dans ma vie (p 49)...


Les malades (ses patients) continuaient à affluer des villages du Don  et de la ville basse. C'étaient des villageois, des cosaques, des petits bourgeois, des petits propriétaires, des fermiers, tous étaient russes, relativement pauvres et simples.


"La bonne société" à laquelle mon grand-père avait appartenu toute sa vie était arménienne. ( p 50)


(*) Ces deux citations sont tirées respectivement de Pouchkine et de Lermontov. (N.d.T.)

à suivre

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  • On peut voir par cet extrait que ces Arméniens de Nor-Nakhitchevan (Page ADIC) étaient estimés, respectés par la population russe et semble-t-il, les enfants, à part les moqueries de certains à l'Institut Lazarevsi, ont pu accéder à des professions libérales de premier plan et n'ont pas été concernés par un numerus clausus universitaire, qui pénalisait essentiellement les Juifs de l'Empire russe. Ils faisaient partie de l'intelligentsia. P.H.N.
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  • - Province : 03200 Vichy (1914) - 06030 Le Cannet en 1927, puis à 06750 Thorenc près de Grasse l’année suivante - Pendant l’été 1948, elle séjourne à 06250 Mougins.
  • - Paris : Rue Améli (Pretty Hotel) - l’hôtel d’Istria rue Campagne-Première - place Daumesnil, rue Lamblardie - La Rotonde, le Select, la Coupole, le Naples, (Montparnasse le soir) : centre de ralliement des expatriés russes - lectures poétiques à l’Union des jeunes poètes, 79 rue Denfert-Rochereau, au bal de la presse russe pour les écrivains nécessiteux à l’hôtel Lutétia, à l’occasion du nouvel an russe le 13 janvier 1928 - cafés de Montparnasse, de la porte de Saint-Cloud ou de la porte d’Auteuil (en particulier les Trois obus) - salle Las-Cases, dans la rue du même nom pour écouter Nabokov - 6e étage de l’hôtel des Ministères, boulevard de la Tour-Maubourg en 1932 - voit Marina Tsvetaeva le 31 octobre 1937 dans l’église russe du 39 rue François-Gérard - rue Beethoven - 1938 : hameau de Longchêne dans les Yvelines, qu’elle vendra en 1948 ; c’est là qu’elle passe les années d’occupation.
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à compléter