Dans son récit Les Surprises du Kurdistan (éd. Susse, Paris, 1945, Collection : Voyage et aventure), François Balsan, un négociant en laine, voyage au Kurdistan, en Turquie, juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Très admirateur du régime, de la nouvelle Turquie, aucune sympathique pour les Arméniens, "chrétiens hérétiques" et qui l'ont cherché, leur génocide, donc un livre peu suspect de turcophobie.
Il note cependant cette rage turque envers tout ce qui reste du passé arménien, la destruction des églises, des monastères, de toutes traces du peuplement arménien, en parallèle des thèses de la société pseudo-scientifique lancée par Atatürk, essayant pathétiquement de prouver que les Turcs descendent des Hittites (était-ce avant qu'on ne déchiffre le hittite, langue indo-européenne, et donc, comiquement, plus proche des langues arméniennes et kurdes ?)
Exterminer un peuple, puis nier ce massacre en niant l'existence des massacrés, et voilà la spirale infernale, finir par enlever toutes traces de la victime, en ôtant la présence historique de ce peuple sur le lieu des tueries.
Pour finir, quelques années plus tard, même attitude envers les Kurdes : il n'y a pas de Kurdes. Il n'y en a jamais eu. Il faut comprendre cette dénégation schizoïde par le fantôme du cadavre qui se cache derrière la victoire toute fraîche. Admettre qu'il a des Kurdes aurait été admettre qu'il n'y a pas eu, depuis toujours, que des Turcs en Anatolie, et donc avant les Kurdes, à Van, à Mus, à Bitlis, à Kars les Arméniens, et que s'il n'y sont plus aujourd'hui, c'est qu'il y a bien une raison inavouable à cela.
Ouroboros : pour nier un génocide on va jusqu'à en amorcer un deuxième, que l'on va nier aussi, plus tard ; et alors, pour cela, etc.
"Il existe, entre les monts d'Arménie et la plaine basse de l'Irak, entre le plateau du Taurus et les contreforts du Zagros, un pays où les mots sont hors-la-loi et pour cela se figent et gèlent dans la bouche des hommes.
Ce pays est le Pays-des-mots-gelés et ses habitants ont aujourd'hui une existence des plus mystérieuses. Ils furent là sans être là, ils sont là cependant mais c'est un grand sans-gêne de leur part, car il a été prévu et décrété de toute éternité que jamais ils ne furent. Jamais. Ils n'existent pas, ce peuple est une invention, un brûlot d'agitateurs et depuis la plus haute antiquité il n'y eut sur ces terres que le vide. Les tumulus, les palais enfouis, les églises à coupoles, les monastères de pierre, les bergers des montagnes, les nomades des tentes, les commerçants, les drogmans, les tisseurs de kilims, les seigneurs des châteaux, les guerriers redoutables aux beaux chevaux, furent et ne furent pas car depuis toujours, et pour toujours, il n'y eut pas de ces gens dans ce pays. Et tout ce qui affirme le contraire doit être détruit."
Il note cependant cette rage turque envers tout ce qui reste du passé arménien, la destruction des églises, des monastères, de toutes traces du peuplement arménien, en parallèle des thèses de la société pseudo-scientifique lancée par Atatürk, essayant pathétiquement de prouver que les Turcs descendent des Hittites (était-ce avant qu'on ne déchiffre le hittite, langue indo-européenne, et donc, comiquement, plus proche des langues arméniennes et kurdes ?)
Exterminer un peuple, puis nier ce massacre en niant l'existence des massacrés, et voilà la spirale infernale, finir par enlever toutes traces de la victime, en ôtant la présence historique de ce peuple sur le lieu des tueries.
Pour finir, quelques années plus tard, même attitude envers les Kurdes : il n'y a pas de Kurdes. Il n'y en a jamais eu. Il faut comprendre cette dénégation schizoïde par le fantôme du cadavre qui se cache derrière la victoire toute fraîche. Admettre qu'il a des Kurdes aurait été admettre qu'il n'y a pas eu, depuis toujours, que des Turcs en Anatolie, et donc avant les Kurdes, à Van, à Mus, à Bitlis, à Kars les Arméniens, et que s'il n'y sont plus aujourd'hui, c'est qu'il y a bien une raison inavouable à cela.
Ouroboros : pour nier un génocide on va jusqu'à en amorcer un deuxième, que l'on va nier aussi, plus tard ; et alors, pour cela, etc.
"Il existe, entre les monts d'Arménie et la plaine basse de l'Irak, entre le plateau du Taurus et les contreforts du Zagros, un pays où les mots sont hors-la-loi et pour cela se figent et gèlent dans la bouche des hommes.
Ce pays est le Pays-des-mots-gelés et ses habitants ont aujourd'hui une existence des plus mystérieuses. Ils furent là sans être là, ils sont là cependant mais c'est un grand sans-gêne de leur part, car il a été prévu et décrété de toute éternité que jamais ils ne furent. Jamais. Ils n'existent pas, ce peuple est une invention, un brûlot d'agitateurs et depuis la plus haute antiquité il n'y eut sur ces terres que le vide. Les tumulus, les palais enfouis, les églises à coupoles, les monastères de pierre, les bergers des montagnes, les nomades des tentes, les commerçants, les drogmans, les tisseurs de kilims, les seigneurs des châteaux, les guerriers redoutables aux beaux chevaux, furent et ne furent pas car depuis toujours, et pour toujours, il n'y eut pas de ces gens dans ce pays. Et tout ce qui affirme le contraire doit être détruit."