- La mémoire arménienne est sur la défensive. Tourmentée, elle repose en partie sur une fracture de l’oubli, sur des silences et des refoulements qui touchent à des tabous particulièrement sensibles et douloureux : les responsabilités arméniennes dans la tragédie de 1915 et les massacres de masse perpétrés sur les populations musulmanes de 1914 à 1922. Sacralisée à outrance, elle sert de ciment identitaire à une communauté franco-arménienne éclatée et menacée par l’assimilation.
Aujourd’hui, pour éviter un retour traumatisant de ce refoulé, préserver le seul marqueur identitaire facteur de cohésion, et se maintenir comme acteurs politiques de premier plan, les organisations franco-arméniennes ont un intérêt évident, quasi existentiel, à empêcher toute remise en cause de cette mémoire officielle.
Durant des décennies, tous les moyens ont été bons pour rendre intouchable cette "mémoire" fragmentée, vacillante et amnésique des atrocités arméniennes. "Bétonnée" par les historiens d’origine arménienne soutenus et financés par la diaspora, éclaboussée du sang des dizaines de victimes des terroristes de l’Asala, institutionnalisée et au besoin monnayée sans scrupule lors des échéances électorales, cette "mémoire" est progressivement devenue un instrument et un enjeu politiques entre les mains de puissants groupes de pression.
Et pourtant ! En France comme ailleurs dans le monde, les attentats, les assassinats et l’intense travail de lobbying n’ont pas pu empêcher des voix dissonantes, contestatrices et critiques de s’élever. Politiciens, universitaires, historiens, ou simples citoyens, ils ont été nombreux à contester ce que l’historien Bernard Lewis a appelé la "lecture arménienne de l’histoire". Ces justes ont fait renaître à travers des mots et des écrits un univers anéanti et ont ravivé le souvenir des crimes arméniens. Ces coups portés au branlant édifice de l’identité franco-arménienne ont conduit les lobbyistes arméniens à chercher de nouveaux moyens pour verrouiller le débat naissant et bâillonner, coûte que coûte, la recherche historique. L’heure n’étant plus au terrorisme, du moins l’espère-t-on même si de nombreux Arméniens restent nostalgiques de l’Asala, les voies politique et judiciaire ont aujourd’hui la faveur des activistes.
- Message dans le forum du Figaro : sur l'Union européenne de "bomontim" du 30/04/2005 09:41:30
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