L'Association "ARTISANS DE PAIX" vous convie au CYCLE de CONFERENCES 2009-2010

LA TABLE DES ARTISANS DE PAIX

 

Teilhard de Chardin annonçait une socialisation de compression des humains, avec interconnexion des consciences qu’il a qualifiée de « noosphère », dans le prolongement de la « biosphère » et de la «géosphère ». Pour lui, la « noosphère » est le lieu de la sur personnalisation des consciences au fur et à mesure qu’elles réalisent chacune leur singularité; celle-ci les différencie d’autant plus radicalement les unes des autres, qu’elles sont dans un contact plus étroit avec les autres. En bref, pour Teilhard, la « noosphère » est le lieu de l’Unique se manifestant à travers une diversité de visages ; ce qui s’appelle la communion. Ainsi conçue elle caractérise le Royaume de l’Unique qui Vient, invitant les artisans de paix à sa table, à travers la diversité de leurs visages et donc de leurs cultures et de leurs religions. Cet horizon est celui de « La table des artisans de paix », mais il n’aura de réalité que dans la mesure où nous oserons nous y engager.

 

L’interconnexion des consciences est un phénomène incontesté qui se montre dans l’économie et la finance à échelle mondiale, le maillage Internet, le déplacement des personnes, le transfert des technologies, le brassage des cultures, la diffusion de toutes les grandes traditions religieuses de l’humanité en chaque point du globe. Par contre, la « table des artisans de paix » passe encore inaperçue. Il est de notre responsabilité de la rendre visible.

Jacques Attali nous alerte sur le danger que l’interconnexion des consciences fonctionne aujourd’hui comme une intelligence commune de l’humanité échappant à celle-ci. N’est-ce pas ce que nous observons lorsque nous considérons la crise financière mondiale ou encore la crise climatique? Ces crises n’indiquent-elles pas une intelligence collective qui existe en soi à travers les échanges humains? Cette intelligence collective peut être suicidaire; ou encore, elle peut se réguler pour elle-même en dehors de l’intérêt de l’humanité jusqu’à lui devenir hostile. L’espèce humaine a-t-elle envie de donner naissance à autre chose qu’elle-même ? Aujourd’hui, l’intelligence collective régissant les échanges humains dans leur ensemble, est un agrégat d’individualismes. Nous l’appelons « La table des changeurs ». A quelle condition « la table des changeurs » pourrait-elle se transformer, voire se renverser, pour participer à « la table des artisans de paix » ? Nous chercherons une réponse du côté des religions monothéistes dont le fondement est l’émergence del’individu en relation, en particulier du côté de la révélation islamique qui se fonde sur la remise confiante de l’homme à Die dans la paix.

Si nous considérons non plus « la table des changeurs » mais « la table du culte », nous sommes alors confrontés au risque de retour totalitaire du religieux se présentant au niveau planétaire, non plus comme un agrégat d’individus mais comme un agrégat de sociétés. Pointe alors le risque de vouloir faire accoucher d’un Etat théocratique, l’instauration de l’altruisme, en dehors de toute démocratie effective ; avec le heurt des civilisations qui s’en suit. A quelle condition « la table du culte » pourrait-elle se transformer pour participer à « la table des artisans de paix » ? Nous chercherons une réponse du côté de la révélation hébraïque en laquelle se donnent « les tables de la loi » pour l’humanité entière, avec pour mission l’institution d’un peuple de peuples; le peuple étant l’humanité entière, et les peuples, les peuples particuliers dont participe le peuple d’Israël avec la vocation singulière qui est la sienne.

On n’espère jamais assez de l’unité croissante de l’humanité, mais cette unité nécessite un sursaut de foi et d’espérance. Imaginons que l’interconnexion des consciences porte des valeurs positives ; à savoir que la communion que signifie « la table du repas », prend corps parmi nous. Là encore Jacques Attali nous met en garde en nous disant qu’il se peut que les fils de l’espèce humaine soient la négation de l’humanité.   Nous chercherons une réponse à ce danger du côté de la révélation chrétienne en laquelle se révèle l’Eucharistie avec laquelle le Verbe se fait chair. Le rôle de la tradition juive n’est-il pas d’accentuer le « pas encore » du temps messianique et celui de la tradition chrétienne le « déjà là » qui rend possible l’accomplissement du temps? A quelle condition pouvons-nous devenir témoins de cet accomplissement du temps avec lequel se transforment par effet de grâce, nous-même, le monde et les autres en relation? Peut-être en se laissant entretenir les uns les autres sans possession aucune, par la Parole qui circule entre nous, avec le refus absolu de la penser comme une abstraction. Alors, pourrons-nous nous ouvrir au « toucher de l’esprit » avec lequel se rend présent le Verbe incarné, tandis que la table du repas deviendra celle des artisans de paix.