Madame, Monsieur,
L'Institut du Bosphore lancé en septembre 2009 à Paris s'active depuis de souligner l'implication de la Turquie dans sa proximité avec l'Union européenne et la France : tout en sachant que le Parlement européen et la France ont respectivement reconnu en 1988 et en 2001 le Génocide des Arméniens de 1915. Ce génocide fut perpétré par le Gouvernement jeune-turc de l'Empire ottoman arrivé au pouvoir en 1908.
Ainsi, peut-on penser que l'INSTITUT DU BOSPHORE débat et échange comme s'il s'agissait d'un Institut en France qui serait comme en relation avec :
- une Allemagne dont l'État nationaliste n'aurait pas reconnu les crimes génocidaires nazis du régime précédent -celui du IIIème Reich ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait intégré les anciens criminels nazis dans son gouvernement ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait voté une loi interdisant aux survivants de la Shoah de retourner dans leurs lieux d'origine pour ne pas qu'ils récupèrent leurs biens et leurs propriétés ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste n'aurait pas entrepris des réparations envers les rescapés et les familles des victimes ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait organisé une falsification historique officielle ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait fait enterrer les restes de Himmler avec honneur militaire à coté de ceux d'Hitler reposant au "Cimetière de la Liberté Infinie" depuis plus 50 ans ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait encouragé de nommer des Rues ou Boulevards "Adolf Hitler", des Écoles "Adolf Hitler", ou des Églises "Adolf Hitler" ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste organiserait un laïcisme centralisé officiel imposant aux églises du pays une homélie pour chaque dimanche -transmettant ainsi un texte à spiritualité éthico-germanique tout en se présentant comme "laïc" ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait mis en place un codage secret de ses citoyens par différentes origines ethno-religieuses ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste instrumentalisera ce codage secret pour l'avoir appliqué à très lourds impôts discriminatoires à l'encontre de ses citoyens autochtones allant jusqu'à leurs ruines complètes pour certains sinon à leurs déportations ?
- une Allemagne dont les différents ministères de l'État agiraient en conformité avec son idéologie nationaliste ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste n'aurait pas eu à rendre l'Alsace-Lorraine, ni les territoires de l'Est et qui continuerait à comploter dans les Sudètes ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste aurait mis en place un réseau consulaire exaltant ses communautés à l'étranger en particulier dans le négationnisme ?
- une Allemagne dont l'État nationaliste mobiliserait des budgets pour des officines à son service, des sociétés de lobbying ou en relations publiques à l'étranger ?
Voilà ce qu'il en est de la question sur les relations de l'INSTITUT DU BOSPHORE avec la Turquie : un pays dont l'État procède ainsi face à son passé -occultant déportations légalisées, crimes contre l'humanité, impunités banalisées et tromperies officielles.
Dès les premières années, la République turque ment à son propre peuple. C'est pour cela qu'elle a abandonné l'alphabet arabe pour adopter l'alphabet latin en 1928. Au delà de raisons linguistiques ou d'ascendance en diplomatie, il importait surtout que les générations postérieures turques ne puissent pas lire et savoir ce qui s'était passé avant. De même, l'interdiction du port du couvre-chef masculin, le fes oriental, a été décrété en 1925 pour donner une apparence européenne aux Turcs : il s'agissait aussi en non-dit de faire glisser le souvenir iconographique des massacreurs sur les autres peuples de la région qui conservaient l'habit vestimentaire traditionnel, c'est-à-dire sur les Kurdes et les Arabes.
On ne peut qu'être interpellé par les ignorances, les inconsciences ou les mutismes de la part des citoyens français présentés comme de haut niveau et qui sont membres du Conseil scientifique de l'Institut du Bosphore. Comme pour ses mécènes ou ses conférenciers invités, ces individualités dont certains, peut-être en avez-vous entendu parler, s'impliquent dans des carences à ne pas reconnaître le Génocide de 1915 ou cultivent les omissions historico-éthiques le concernant : comme si de rien n'était... Car ne s'agit-il pas d'un crime imprescriptible qui, à l'époque, avait été dénoncé par la France comme "ces nouveaux crimes de la Turquie contre l'humanité et la civilisation" ? L'industrie de son déni banalisé est une agression permanente contre la dignité de descendants de survivants de tout génocide et contre les droits de l'Homme en France.
En contraste, on ne peut manquer de rendre hommage à l'Allemagne qui a reconnu les crimes nazis du IIIème Reich. Il y a tout un travail d'information et de prise de conscience de l'horreur qui se fait encore plus aujourd'hui à Berlin. La République fédérale allemande, ses Institutions et ses Instituts ne cachent pas ces crimes, ne construisent pas leurs non-existences et ne cherchent pas à les minimiser ou à les parfumer.
En vous remerciant de votre attention et en vous priant de faire suivre ce courrier à d'autres citoyens français épris de Justice et de Paix, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.
Nil AGOPOFF (Berlin) . né en 1944 à Paris
- membre de l'UCFAF, Union culturelle française des Arméniens de France, fondée à Paris en 1949 . PDF1 - PDF2
- Conseiller historique de l'ANACRA fondé en 1917 (Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants Arméniens)
- créateur du site ADIC dont les pages : 1914-1918 & les engagés volontaires arméniens Morts pour la France . Les Arméniens dans la Résistance française contre l'occupant nazi