Monsieur le directeur,
A l'occasion de la Saison de la Turquie en France, vous organisez le xx XXX 2009-10 [date] la conférence / le colloque "ZZZZ" dans le cadre "d'une coopération universitaire et éducative" et "dans une volonté de changement et d’ouverture d’une Turquie mosaïque" pour reprendre les termes officiels de cette saison.
Cependant le Génocide des Arméniens en 1915 qui a fait un million et demi de victimes innocentes dans les familles arméniennes, est occulté dans la saison de la Turquie. Cette extermination de 1915-18 avec une déshumanisation indicible,[*1] sera-t-il aussi escamoté dans votre démarche qui se veut être éducative ?
Certainement, vous n'êtes pas sans savoir qu'un génocide est un crime imprescriptible. Son déni ne fait que rendre présent les effets ravageurs du passé et maintient aussi bien les descendants des victimes et les descendants des bourreaux dans un même enfermement.[*2]
Cet enfermenent n'est pas neutre, il est de nature génocidaire et seule une reconnaissance officielle peut y mettre fin. Cette reconnaissance par l'État héritier servira d'enterrement symbolique des défuns qui ont été déshumanisés en viande de boucherie, faut-il le dire. Leurs corps n'ont pas été enterrés et les vautours aux confins du désert arabe s'en sont chargés.[*3]
De plus on tient à présenter cette coopération éducative dans le cadre d'une laïcité de la Turquie -alors que ce n'est pas le cas.[*4] On exempte l'État turc négationniste actuel du crime imprescriptible de l'Empire ottoman -ce qui ne peut l'être en nature juridique.[5*] Dans le contexte actuel de discriminations en islamophobie non dite, c'est faire glisser le poids du crime sur l'islam, l'Empire ottoman détenant en effet le Califat à l'époque depuis plusieurs siècles. Cela n'est pas acceptable.[*6]
Prenant exemple sur l'Allemagne qui a même reconnu le Genocide des Hereros de 1904, nous espérons qu'un jour la Turquie assumera son passé.[*7] Aujourd'hui, toute mise en scène en flou d'une contre-vérité historique et s'en tenant à la partie visible de l'iceberg, conforte l'État turc dans son déni et dans son nationalisme.
La France a reconnu publiquement ce génocide des Arméniens par la loi du 21 janvier 2001.[*8] L'occulter dans cette conférence serait contraire à l'esprit de la République française, patrie des Droits de l'Homme. Ne pas en parler serait de l'omission intentionnée, pire encore ce serait rendre un crime impuni ordinaire. Cela ne rendra pas service au peuple turc dont les défenseurs des droits de l'Homme sont poursuivis.[*9]
Cela ne rendra pas service aux citoyens français et à tous les résidents vivant en France, si le Génocide de 1915 est éludée dans cette conférence : car banaliser un tel crime imprescriptible et son négationnisme d'État, ne peut qu'encourager dans notre pays délinquances et discriminations -consciemment ou inconsciemment.
Veuillez agréer Monsieur le Directeur / Madame la Directrice l'expression de mes sentiments distingués.
[*1] : extermination
[*2] : même enfermement.
[*3] : désert arabe
[*4] : laïcisme
[*5] : juridique
[*6] : islamophobie
[*7] : Turquie/Allemagne
[*8]
: La Loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 dans le Journal officiel : http://www.globalarmenianheritage-adic.fr/images_9/e_journalofficiel2001_loi.jpg
[*9] : droits de l'Homme
[*10] : Du négationnisme considéré comme une atteinte à l’ordre public par Sévane Garibian
[*11] : La négation, objet légitime du droit - Sévane GARIBIAN |