La bibliothèque de l'Université de Leyden

où travaillait à l'époque de Voskan Yérévantsi un arménien nommé CANDIUS.

Candius participa
à la composition du lexique du livre imprimé en 1659 à Leyden
"Lexicon arabicum" du Pr Jacques GOLIUS (1596-1667)
.
  • [p24a...] Dans notre article consacré à l'arménologie en Belgique (Krounk N° 12, 1984), nous écrivions qu'un Arménien répondant au nom de Servetius ou Servais avait visité la Belgique au IVe siècle de notre ère, et s'était fait connaître, par sa charité jusqu'aux Pays-Bas où il avait été finalement enseveli. Pour les siècles suivants nous ne disposons pas de renseignements faisant état des relations arméno-néerlandaises. Ce n est qu'à l'époque des Croisades que les Néerlandais, de même que les autres peuples européens, apprirent à connaître les Arméniens de plus près. En Cilicie, les Arméniens disposaient de voies navigables, de ports bien aménagés, ils entreprenaient de fréquents voyages qui les menaient vers divers pays européens, dont les Pays-Bas. En dehors de ces navigations commerciales, les navires arméniens emmenaient en Europe les Ciliciens que la chute de la dynastie arménienne de Cilicie avait exposés à une situation difficile, et qui avaient décidé d'émigrer en Grèce, en Italie, en France, en Espagne et aux Pays-Bas. Les renseignements les plus anciens concernant les Arméniens installés dans ce dernier pays remontent au XIIe siècle.

  • Les informations sur les premiers Arméniens de passage à Amsterdam remontent aux années 1560-1565 et concernent des commerçants qui avaient apporté aux Pays-Bas des perles et des diamants. Quarante ans [p24b...] plus tard, après la déportation des Arméniens de Djougha organisée en 1605 par le shah Abbas, un certain nombre d'Arméniens originaires de cette ville émigrent aux Pays-Bas.

  • Les imprimeries arméniennes fondées au XVII° le siècle, à Amsterdam, permettent de répandre la culture écrite arménienne aux Pays-Bas, favorisant l'essor de l'arménologie dans ce pays. Le premier livre arménien imprimé ici était le poème de Nersès Chnorhali Jésus le Fils publié en 1661, après la mort de l'imprimeur Matthéos Tsarétsi en 1660. L'œuvre de Tsarétsi fut poursuivie par Voskan Erévantsi qui, sur la recommandation d'Etchmiadzine gagna Amsterdam en 1664 et insuffla à cette entreprise une nouvelle vigueur. Il fit mouler de nouveaux caractères arméniens, et commença l'impression d'un Abécédaire pour les jeunes et les adultes illettrés. C'était un manuel pour l'étude de la langue arménienne, destiné aux Arméniens disséminés de par le monde. Le chef-d'oeuvre de Voskan, cependant, était l'Evangile publié en 1666. Durant les années 1666-1669, Voskan fit paraître seize volumes. Ensuite ce fut le tour des imprimeurs Mathéos, Ghoukas et Thomas Vanandétsi dont la renommée se répandit aux Pays-Bas. L'année 1695 vit l'impression de la première carte imprimée en langue arménienne (Mappemonde universelle) et de l'Histoire des Arméniens de Movsès Khorénatsi. Cette dernière se répandit en Europe [p25a...] et servit de-base aux traductions latines (Stockholm 1733; Londres 1736). De nos jours encore, les arménologues consultent les livres imprimés par Thomas Vanandetsi, conservés dans les bibliothèques de Londres, d'Amsterdam, d'Oxford et de Cambridge.

  • L'imprimerie des Vanandetsi jouissait d'une telle réputation en Europe, que Pierre le Grand, de passage à Amsterdam, .désireux d'apprendre l'art de la gravure, s'était adressé au graveur en titre de cette imprimerie, Adrian Skonebeck. Selon les spécialistes, Pierre le Grand aurait également vu, à Amsterdam, la Mappe monde arménienne, que plus tard il devait faire recopier et imprimer en russe.

  • C'est aux Vanandetsi que nous devons la formation d'un arménologue aussi illustre que l'Allemand Schroder, dont le Thésaurus linguae armenicae (Trésor de la langue arménienne) n'a .pas perdu, à ce jour, sa valeur scientifique, et que les Européens considèrent comme une encyclopédie arménienne. Ce livre étudie: l'origine et le développement de la langue arménienne, l'histoire de l'imprimerie arménienne, la métrique arménienne (représentée en notes européennes), la .grammaire du dialecte arménien oriental, les patois et autres problèmes. Il contient des textes originaux arméniens accompagnés de leur traduction latine. Publié en 1711, à Amsterdam, dans une" imprimerie [p25b...] néerlandaise, à l'aide de caractères arméniens fournis par les Vanandétsi, ce livre a servi de manuel d'arménien à plus d'un arménologue européen. Dans sa préface, l'auteur témoigne sa gratitude à Thomas Goghtnétsi et au neveu de celui-ci, Ghoukas Nouridjanian. Il remercie tout particulièrement ce dernier de lui avoir enseigné l'arménien. A son tour Ghoukas insère dans le livre de Schrôder une pièce en vers, dans laquelle il transcrit le nom de son élève (Johannes Schrôder) comme Hovhannès Skodérian.

  • Malheureusement, tous les ouvrages de Schrôder n'eurent pas la chance d'être publiés. Les matériaux réunis par cet arménologue pour la constitution d'un dictionnaire arménien-latin, fruits d'un demi-siècle d'efforts, attendent encore leur publication. Une trentaine de livres imprimés ou manuscrits ainsi que douze manuscrits arméniens, qui représentent un intérêt arménologique, font partie du patrimoine de cet auteur, conservé à la Bibliothèque municipale de Leyde.

  • Un dictionnaire latin-arménien manuscrit dû à l'éminent arménologue français La Croze ainsi que certaines de ses notes font également partie des collections hollandaises. Son Histoire du christianisme d'Ethiopie et d'Arménie est paru en 1739, à Amsterdam. Parmi les ouvrages arménologiques publiés dans cette ville, il faut mentionner ceux des arménologues anglais P. Ricaut [p26a...] : La situation présente des confessions grecque et arménienne. Londres, 1679 et J. Hanway : Voyage de Londres en Perse, en passant par la Russie (L'Arménie et les Arméniens). Compte rendu historique du commerce britannique à travers la mer Caspienne. Londres, (1735). En 1747 parut à Leyde l'ouvrage de D. Jauna : Histoire générale des royaumes de Chypre, de Jérusalem, d'Arménie et d'Egypte, comprenant les Croisades qui est une source précieuse d'informations sur la cour des rois arméniens de Cilicie.

  • Aujourd'hui encore, des manuscrits et autres documents arméniens sont conservés dans la capitale néerlandaise, à Leyde et dans d'autres villes. L'orientaliste anglais R. Harris, qui avait enseigné à l'Université de Leyde, a légué à cette université 57 manuscrits recueillis, comme l'indiquent ses notes, dans des villages arméniens dévastés et pillés en 1895. Dans une de ces notes accompagnant l'un de ces manuscrits, le savant anglais écrit: "Sauvé des flammes à l'église d'Urfa. Confié à moi par l'évêque local, le 5 mai 1896". Un autre arménologue éminent, que nous avons présenté à nos lecteurs dans notre article consacré à l'arménologie anglaise, F. Conybeare, a dressé, en 1910, la liste des manuscrits arméniens de la Bibliothèque de Leyde, oeuvre malheureusement interrompue par la Première Guerre mondiale. Cette oeuvre de Conybeare devait être achevée, plus tard, par l'arménologue français Frédéric Macler, qui a en même temps revu et complété le travail de son prédécesseur. Ces manuscrits renferment plusieurs volumes illustrés d'enluminures d'un grand intérêt, ainsi que des psautiers. Outre les manuscrits en question, des livres arménologiques et des périodiques arméniens font partie de la collection de la Bibliothèque de l'Université de Leyde.
La Mer caspienne et le Mont Ararat

J.J. van Struys XVII siècle
  • L'arménologie néerlandaise s'est [p26b...] également enrichie par l'apport des voyageurs hollandais qui, lors de leurs voyages en Orient, visitaient l'Arménie et d'autres localités à population arménienne et consignaient dans leurs récits de voyages divers renseignements d'importance historique concernant notre peuple. A cet égard, les récits du voyageur hollandais du XVIIe siècle, J. J. Struys, qui fournissent d'intéressants détails sur Erevan et ses habitants, méritent tout particulièrement notre attention. Le livre de cet Hollandais à la vie aventureuse, circulait en Europe en latin, français, allemand et hollandais. Ce voyageur a traversé Erévan en 1670 et a essayé de peindre le site de la ville. Mais son Erevan ne reproduit pas fidèlement le milieu géographique de la ville. Apparemment le tableau a dû être peint plus tard, de mémoire, lorsque les particularités du site de la ville s'étaient déjà estompées dans le souvenir du voyageur.
  • Parmi les événements intéressants citons la rencontre de l'auteur, sur les flancs de l'Ararat, avec un ermite italien malade, venant de Rome. Parmi les livres imprimés aux Pays-Bas, outre ceux consacrés directement à l'Arménie, on peut trouver des renseignements concernant les Arméniens dans des ouvrages d'histoire générale, de géographie, d'ethnographie et autres. Tel, l'ouvrage du chroniqueur arabe Elmacin Histoire des Sarrasins des origines à 1118 publié à Leyde en 1625 dans une traduction latine due à Erpanius, accompagnée du texte arabe. En 1727, parut à Amsterdam la traduction française des Voyages célèbres et remarquables faits de Perse aux Indes Orientales de J. Mandelsio. L'éditeur de ce livre était Adam Olearius, membre de la délégation allemande envoyée en Perse dont faisait partie Mandelsio et qui, dans la même ville et à la même époque fit paraître ses notes de voyages sous le titre : Voyages en Moscovie, en Tartarie et en Perse, [p27a...] dédicacées au roi du Danemark Frédéric IV. Frédéric, duc du Schleswig-Holstein, avait confié à Olearius le.poste de premier secrétaire et de conseiller de la délégation envoyée auprès du Grand Prince de Moscou, Mikhaïl Féodorovitch et du shah de Perse. Le voyageur allemand savait le russe et le persan, ce qui lui permettait de frayer avec la population des pays visités. Au cours de son voyage de trois ans, il parvint à réunir d'importantes informations sur les Arméniens. Dans son livre illustré de prés de 1000 pages, il a consacré plusieurs passages à la description détaillée de la cérémonie de la bénédiction de l'eau à laquelle il a assisté le 6 janvier 1637, à Chamakhi. Le pieux auteur blâme les infidèles qui raillaient cette cérémonie. Il a également visité Ispahan où une rixe a opposé les membres de la délégation allemande aux envoyés de l'Inde. Les Allemands furent sauvés par les Arméniens qui, en outre, ensevelirent les victimes au cimetière arménien d'Ispahan.

  • En 1735, à La Haye, avec la collaboration de P. Bergeren, furent publiés les récits de voyages de Marco Polo, G. de Rubruquis, J. de Mandeville et d'autres voyageurs européens, renfermant, en outre, le texte original (en français) de l'Histoire du chroniqueur arménien de Cilicie, Haiton l'Arménien (Hétoum), traduite en hollandais dés le XIVe siècle. Un ouvrage succinct sur l'auteur de cette Histoire avait paru à Amsterdam, en 1666.

  • La colonie arménienne d'Amsterdam n'a pas été ignorée par les arménologues. Parmi les savants qui ont étudié son histoire, mentionnons Berg, J. Bory, M. Hautsma, F. Macler, N. De Roever, J. Vagenaar, J. Vannerius, S. Van Emdre. La monographie d'Arakel Saroukhan : La Hollande et les Arméniens, parue à Vienne en 1926, mérite une mention particulière. Cet éminent auteur n'a [p27b...] pas ménagé ses efforts pour découvrir et étudier les sources concernant l'histoire de la colonie arménienne des Pays-Bas. Sa monographie est consacrée en grande partie aux relations commerciales arméno-hollandaises et à l'histoire de la colonie jusqu'en 1926. La presse néerlandaise a également parlé des Arméniens. Le quotidien politique De Amsterdamer écrivait dans son numéro du 14 août 1887 : "L'histoire de la communauté arménienne est écrite en lettres d'or dans les annales de la ville d'Amsterdam". La communauté arménienne des Pays-Bas est toujours vivace et continue de conquérir l'estime et la sympathie des Hollandais.

  • Les Pays-Bas ne sont pas restés indifférents à la vie et au sort des Arméniens. En 1899, à Amsterdam, vit le jour La Conférence de la paix et le massacre des Arméniens de Minas Tchéraz, et en 1918, à Haarlem, le compte rendu du Comité arménien des Pays-Bas. Les Arméniens ont pris part aux congrès tenus périodiquement aux Pays-Bas. Dans le Congrès de Leyde, en 1904, H. Arakélian lut son exposé sur Les Relations arméniennes avec l'Occident depuis le Moyen Age qui fut publié la même année dans la même ville. Ici-même parut l'article de l'arménologue allemand J. Karst: Beruhrungspunkte in der Pluralbildung der armenischen und der kaukasischen Sprechen (Analogie de la formation du pluriel entre les langues arménienne et caucasienne) (1904). Les Néerlandais ont consacré des entrées spéciales aux Arméniens, dans leurs encyclopédies. L'une de celles-ci (L'Encyclopédie de l'islam, Leyde. 1913), renferme l'article "Arménie" signé M. Streck. L'arménologue Oudenrijn sur lequel nous reviendrons ci-dessous, a publié plusieurs articles dans les encyclopédies.

  • En 1911, Josef Markwart, orientaliste et arménologue allemand bien connu, fut désigné au poste de [p28a...] conservateur du Musée ethnographique de Leyde. Il enseignait en même temps à l'université et, connaissant à fond l'histoire et les lettres arméniennes, ne se faisait pas faute, durant ses cours, d'attirer l'intérêt des étudiants européens sur les études arméniennes.

  • En 1918, Johannes Lepsius, témoin oculaire des malheurs du peuple arménien, vint s'installer en Hollande. Ses activités proarméniennes en avaient fait une personne indésirable en Allemagne et l'avaient forcé à quitter son pays. Dans son pays d'adoption, il poursuivit ses activités concernant la culture et le peuple arméniens. Il entra en relations avec des personnalités publiques anglaises et scandinaves partageant ses sympathies pour notre peuple. Mentionnons ses rapports avec l'homme d Etat anglais Lord Bryce, connu pour son Livre Bleu de la condition des Arméniens dans l'Empire ottoman, écrit en collaboration avec Arnold Toynbee.

  • Marc-Antoine van den Oudenrijn (1890-1962) est le représentant le plus en vue de l'arménologie néerlandaise. Les activités scientifiques de cet arménologue éminent ont eu pour théâtre non seulement sa patrie, mais encore plusieurs pays étrangers. Entre 1929-1957, il est professeur à l'université de Fribourg. Plus tard il a enseigné dans un certain nombre d'écoles de Rome, ainsi qu'à l'Ecole des Mékhitaristes de Venise. Près de 200 de ses 430 études écrites en latin, anglais, hollandais, allemand, français, arménien et autres langues, concernent l'arménologie. Ces études parues en Europe (Pays-Bas et Suisse en particulier) et en Amérique, concernent presque tous les domaines de notre histoire et de notre culture.

  • Il a écrit quelque 130 articles pour maintes encyclopédies allemandes, néerlandaises et suisses, consacrés a notre histoire, nos lettres, notre culture, notre littérature médiévale, nos hommes illustres. Il a traduit en latin [p28b...] des originaux écrits en arménien classique, a consacré des monographies aux activités scientifiques de l'Ordre des Mékhitaristes (Venise, 1940), aux lettres arméniennes (Berne, 1960). et à d'autres questions. Il a étudié les manuscrits arméniens conservés à Nicosie (Chypre), à Leyde, à Berlin et ailleurs, a fait écho à la vie scientifique arménienne, a cherché et trouvé des renseignements sur les personnalités arméniennes ayant vécu à l'étranger Au XVIII Congrès orientaliste de Leyde (1932), il a fait un rapport sur l'armenologie ; il a publié maints articles dans la Revue mensuelle (Handes amsorya) de Vienne.
  • Mentionnons encore Peter Hans Kolve, directeur de l'Institut oriental de Rome, professeur à l'Université de Beyrouth, connu pour avoir enseigné l'arménien aux arménologues néerlandais, et qui connaissait outre l'arménien, le russe et un certain nombre de langues européennes.

  • Aujourd'hui, aux Pays-Bas, l'arménologie est enseignée par un certain nombre de spécialistes, dont M. Stoun, qui enseigne, en outre, à l'Université de Jérusalem et dans certaines universités américaines. Il est l'auteur de nombreuses études arméniennes dont des recherches consacrées aux anciens manuscrits arméniens qu'il a découverts au Sinaï. En même temps il étudie les manuscrits arméniens conservés dans les bibliothèques et les musées européens et américains. Parmi ses élèves arménologues les plus connus, citons l'Ecossais Peter Kau et le Néerlandais J. Weitenberg, qui ont fait des recherches au Maténadaran Mesrop-Machtots. Ils s'intéressent tout particulièrement aux anciennes traductions arméniennes de textes grecs, syriaques et latins.
  • Un des problèmes essentiels qui se pose à l'arménologie néerlandaise de notre époque est la découverte, l'étude et la publication de divers documents et manuscrits arméniens conservés en Hollande.
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