Paris, le 8 avril 2003
Communiqué de presse
LE PATRIMOINE ARMÉNIEN DE FRANCE MENACÉ
Le Centre de Recherches sur la Diaspora Arménienne (CRDA),
a été créé à Paris en 1976, pour rassembler et traiter des documents
sur l'Arménie moderne et sur la communauté arménienne de France.
Environ 300.000 documents sur des supports variés ont été réunis
à ce jour sur des sujets très divers : la mémoire des réfugiés
après le génocide de 1915, les anciens combattants, le groupe
Manouchian (l'Affiche rouge), etc.
C'est la seule association en Europe à posséder autant de documents
sur "la mémoire arménienne". Elle dispose de manuscrits très
rares, avec des bandes vidéos sur les disparus, une documentation
très riche sur l'histoire de l'Arménie, etc. Ces documents sont
conservés dans des conditions difficiles, sans luxe, presque
sans moyens. Dirigée par des bénévoles, l'association est indépendante
de toute instance communautaire par souci de neutralité. Ouverte
au public depuis1983, elle reçoit le concours d'adhérents, de
consultants et d'usagers de tous horizons. Elle complétait jusqu'à
une période récente ce soutien par des subventions publiques,
notamment de la Ville de Paris. Or cette association est poussée,
pour des raisons assez obscures, vers une issue irréversible.
Depuis 1994, elle est installée au 9, rue Cadet, dans le IXe
arrondissement, dans des locaux communaux vacants et vétustes,
annexes de l'hôtel particulier Cromont du Bourg, face au Grand
Orient de France. Malgré ses moyens modestes, l'association
a néanmoins pris à sa charge des travaux de salubrité, en échange
d'une exonération de loyer pendant trois ans.
En s'installant rue Cadet, elle demande à la Direction des
affaires culturelles de la Ville des subventions motivées par
la précarité de sa situation, des lieux et les impératifs du
service accru au public et aux usagers. Elle obtient deux années
de suite une subvention améliorée, qui lui a permis, par une
intense activité, de sauver des milliers de documents.
En 2000, juste avant le changement municipal, tout déraille
: convocation, accusation, audit, et sanction. Que reproche-t-on
à l'association ? D'abord, on lui conseille de partir, de trouver
mieux et plus grand : "Monsieur le Maire (M. Tibéri à l'époque)
vous aidera". Ensuite, on lui reproche d'avoir touché indûment
une aide compensatrice au loyer, alors qu'elle en était provisoirement
exonérée. En réalité, il s'agissait d'une subvention de fonctionnement.
"De toute façon, lui dit-on alors, des travaux doivent avoir
lieu sur le site de l'hôtel Cromont du Bourg, ce n'est pas pour
vous", etc.
Puis, un audit très sévère (par Ernst & Young) est diligenté.
Résultats et commentaires : "On va vous faire payer le loyer,
mais vous aurez une convention d'objectifs qui vous permettra
de vous en acquitter, car vos objectifs sont pertinents et ont
le soutien de la Ville malgré les reproches que l'on vous fait,
c'est-à-dire, avoir accepté une aide compensatrice au loyer
en même temps qu'une exonération de loyer, alors qu'aucun document
administratif ne mentionne cette prétendue aberration. Et Ernst
& Young de conclure : "En l'état actuel des sources de financement,
les conditions de viabilité de l'association à moyen et long
terme ne sont pas réunies."
Deux années et demie plus tard, sans avoir jamais reçu de motifs,
de préavis, de notification ou d'explication, plus aucune demande
d'aide n'est instruite, un temps précieux est sciemment perdu
: des dossiers sans lendemain, une quantité abondante de chatteries
épistolaires, des rendez-vous impossibles à obtenir. Au-delà
des problèmes administratifs et financiers rencontrés, on est
en droit de se demander si la question n'est pas ailleurs :
un peu avant Noël 2002, le président du CRDA a reçu un appel
téléphonique de la Mairie de Paris : "Vous ne voulez pas, paraît-il,
adhérer à un Comité de coordination arménien, savez-vous que,
par ce refus, vous risquez, M. Kebabdjian, de ne pas avoir votre
subvention ?"
Quinze jours avant Noël, et après cet entretien téléphonique,
l'association apprend, toujours par téléphone, que l'étude de
son dossier pour 2002 n'a pu être terminée à temps. Une année
de subvention est perdue. Est en jeu la sauvegarde de 300.000
documents uniques sur la mémoire des Arméniens réfugiés en France
dans les années 1920. Il s'agit, rappelons-le, du seul centre
de collecte et de sauvegarde de la mémoire arménienne en France
relative à la tragédie du génocide.
L'association craint qu'elle fasse l'objet, en réalité, d'un
règlement de compte et demande l'aide des pouvoirs publics pour
conserver et promouvoir ce précieux patrimoine.
Jean-Claude KÉBABDJIAN Président - fondateur
crda.fr@wanadoo.fr
Le CRDA
est membre du Forum des Instituts Culturels Etrangers de Paris
(FICEP)