Le mariage
gai
Les Matins de France Culture (émission
du 13 mai 2004)
Extrait transcrit par Louise
Kiffer
- Nicolas Demorand :
Il a fallu un petit mois pour que le collectif lancé par les avocats
s'impose comme un véritable sujet de société, comme on dit ; la Belgique,
la Hollande, la très catholique Espagne, y sont venues ou vont y venir.
Pourquoi la France resterait-elle en marge, et comment justifier sur
le plan des principes que des discriminations demeurent ? C'est pour
répondre à ces questions que le député maire de Begles (Gironde) Noël
Mamère a décidé d'unir deux hommes le 5 juin prochain dans la salle
des mariages de sa mairie. C'est cette information qui a mis le feu
aux poudres. La totalité des journaux ont consacré des doubles pages,
reportages, enquêtes, prises de position des éditoriaux, projets de
débats publics sur ce sujet.
- François de Singly, sociologue invité, spécialiste
de la famille, chercheur au CNRS, Professeur à Paris V, donne son point
de vue :
" Je les comprends d'une certaine façon. Dans les livres que j'ai écrits
en 1991-92, il n'y a pas une seule ligne sur le mariage homosexuel,
ni sur le Pacs. Et à l'époque, personne ne m'a fait le reproche de l'absence.
Ce qu'il faut observer, c'est qu'il y a une accélération des mouvements
sociaux sur le thème de l'individualisation. On peut plus ou moins s'en
réjouir, ou être désolé, mais ça participe à une grande revendication
par rapport à l'enfant, qui fait que l'individu peut avoir une orientation
sexuelle, l'individu peut être malade, il peut avoir une identité sociale,
etc…jamais au nom de cette identité on ne doit avoir une discrimination.,
l'individu ne doit pas être discriminé par cette identité.
Sur l'homosexualité par rapport au mariage, la question c'est : est-ce
que l'orientation sexuelle des gens est un élément qui permet d'entrer
ou sortir ? Nous sommes dans un mouvement historique, il n'y a jamais
de discussion : mais, au fait, c'est quoi le mariage ? Soit ceux qui
sont contre le mariage homosexuel disent : le mariage a toujours été
le mariage hétérosexuel. Soit les autres disent : on veut y rentrer.
A ce niveau-là, ni les uns ni les autres n'ont raison, parce qu'il faut
quand même se demander à quoi ça sert. C'est là qu'est le grand changement
historique et les hommes politiques ont totalement tort, puisqu'ils
sont anti-européens.
Le grand changement de ces dernières années a été le mariage du point
de vue historique.( Je ne parle pas pour les croyants, parce que ça
c'est privé, tout à fait respectable). Mais le mariage civil avait une
fonction décisive sociale tout à fait compréhensible. C'est que le mariage
servait à avoir des enfants LEGITIMES . On différenciait les enfants
légitimes et les enfants illégitimes (dits : naturels). C'était clair.
Ce qui fait que la femme n'avait pas droit à une vie sexuelle très grande,
tandis que l'homme, s'il faisait des enfants à une femme ailleurs, cela
n'avait aucune importance dans la logique du patrimoine familial. C'était
ça le mariage.
Qu'est-ce qui s'est passé ? Pour des raisons justement individuelles
et autres (c'est marqué dans les textes) la justice européenne a estimé
que l'enfant n'a pas à avoir des différences selon l'histoire matrimoniale
de ses parents. La France s'est fait condamner plusieurs fois à ce sujet.
Donc il n'est plus question aujourd'hui dans le Code français de faire
une différence pour les enfants naturels qui auraient habité à 10 km
des autres. Ils ont les mêmes droits. Le mariage c'est quelque chose
qui est tout à fait extraordinaire. Il a perdu sa fonction sociale centrale.
Le mouvement contre la discrimination est une surprise pour les sociologues.
Dans les années 70-80, moi-même j'étais persuadé que le mariage allait
mourir doucement, tranquillement. Or on voit qu'il se porte relativement
bien, il a reconquis une nouvelle légitimation. Les gens pensent que
dans leur propre histoire ils ont le droit de choisir différents chapitres.
Il y a eu une très grande réforme sur le divorce, une grande transformation
historique, une simplification. Pour les homosexuels, le mariage ouvre
une grande porte de sortie. Quel est le point de vue de l'Etat à différencier
les diverses formes de vie conjugale ? Le point de vue de l'enfant,
les problèmes de parenté, l'adoption, le pacs, les enfants nés hors
mariage, etc…c'est là une forme de contrôle. Si notre vie conjugale
était vraiment privée, quelle est la fonction de l'Etat là-dedans ?
"
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- Les
Matins de France Culture - Nicolas
Demorand : Appel
contre la guerre à l'intelligence - france-culture,
une bouffée d'oxygène -
- François de Singly : Sociologue
français, François de Singly est né en 1948 à Dreux. Après des études
de psychologie et de sociologie à Paris, il enseignera la sociologie
à la Sorbonne et dirigera le Centre de recherche en sociologie de la
famille. Il est également directeur de collection aux éditions Nathan.
Il a publié, notamment, «Fortune et infortune de la femme mariée» et
«Le Soi, le couple et la famille». En 1991, il a piloté l`ouvrage collectif
«La Famille, l`état des savoirs», bilan du paysage familial en France.
Il estime que, depuis les années `60, la famille a changé: elle est
devenue relationnelle, car elle se fonde sur l`épanouissement de chacun
de ses membres.
Bibliographie
- La
vie en famille homoparentale - Le
pacs - Le
Soi, le couple et la famille - Libres
ensemble/ L'individualisme dans la vie commune
- Colloque
2004 "Homosexualités : révélateur social ?" -
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