LA TURQUE
Bedros Tourian (1871)
C’est le soir, l’horizon est enflammé,
Une voiture passe, lente comme un cercueil ;
Une belle femme, étendue, y frappe du pied.
Est-ce là une fille du crépuscule ? ô mon Dieu !
Si elle regarde,
Tu dis - A présent, elle s’évanouit.
Elle est comme une statue de cire.
Qu’elle est pâle !…On croirait une très fine étoffe.
C’est le bandage souple d’une rose décolorée.
Dieu allume ses deux yeux
Si elle sourit,
Tu dis. Oh ! à présent, elle passe.
Elle veut regarder, mais s’évanouit davantage,
Son cœur fume comme de l’encens, brûlant d’amour,
C’est la reine des rayons et des parfums
Un papillon las qui demande à la fleur un perchoir.
Si elle bouge,
Tu dis - A présent elle s’envole.
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Sa poitrine est émouvante comme un océan,
Elle veut aimer…s’évanouir avec un baiser,
Se consumer, dépérir, tomber lasse dans la tombe,
Presser la dernière goutte d’amour dans la coupe de feu.
Si elle rougit,
Tu dis - A présent, elle s’embrase.
Abeille du cœur, comme l’appelle Lamartine,
Dont la fleur sucée est le cœur, le miel est l’amour ;
Moi je l’appelle vierge, dont le coeur est ciel
Amour infini qui n’a pas encore d’horizon ;
Si elle parle,
Tu dis - A présent elle s’éteint.
Elle brûle, elle brûle toujours, elle ne s’éteint pas,
Comme la chandelle allumée au temple par la maîtresse de maison.
Scintiller d’amour la nuit comme des étoiles,
C’est un feu arraché de la côte enflammée d’amour ;
Si elle meurt,
Tu dis - A présent elle naît.
Traduction Louise Kiffer (Metz) |