La Deuxième guerre mondiale et la Turquie
- ...Éclate la deuxième guerre mondiale. L'Allemagne Nazie entreprend
la conquête et l'occupation systématique des pays européens. La Turquie
joue la carte de la "neutralité" ; d'une part, elle est alliée de la
Grande-Bretagne et, d'autre part, elle entretient des rapports d'amitié
avec l'Allemagne. Durant toute cette période, les dirigeants turcs,
livrèrent à l'Allemagne par wagons frigorifiques entiers des tonnes
de denrées, viande froide, poissons, ainsi que du manganèse et du chrome
qui étaient vitaux pour l'industrie de guerre nazie. Ce faisant, ils
instauraient des restrictions alimentaires à leur propre population.
Les armées allemandes occupaient une grande partie de l'Union soviétique
; elles pénétraient dans le Caucase. Bientôt, Stalingrad fut assiégée.
Sa chute paraissait imminente La Turquie mobilisait et massait ses troupes
aux frontières de l'URSS, de l'Arménie en l'occurrence.
- Parallèlement, les gouvernants turcs, avertis sans doute de la déclaration
de guerre de l'Allemagne nazie contre l'Union soviétique,
le 5 mai 1941, mettaient au point leur
plan traditionnel visant à éliminer les éléments non musulmans vivant
à Istanbul. Parmi eux, les hommes de 25 à 45 ans représentant 40 à 45
mille personnes furent appelés sous les drapeaux. Le plan du gouvernement
consistait à isoler les hommes valides de leur communauté, de les disperser
dans les régions éloignées de l'Anatolie en attendant les ordres ; nous
savons par expérience ce qu'une telle disposition couvrait : elle ne
prévoyait pas de retour ! Ces hommes furent entassés dans les casernes
sans uniformes. Sous ce prétexte, le maréchal, Fevzi Çakmak s'est opposé
à leur incorporation dans l'armée. Les communautés grecque, juive et
arménienne étaient dans l'angoisse la plus profonde. Et ce fut Stalingrad
! Stalingrad n'est pas tombée ... et, tous ces appelés ont eu la vie
sauve.
- En septembre 1942, par une disposition tout
à fait particulière, discriminatoire, le gouvernement turc imposa une
loi qui écrasait financièrement les minorités ; un impôt spécial sur
la fortune était prélevé d'une façon inégalitaire selon les origines
religieuses ; à fortune égale, un citoyen non musulman devait acquitter
une taxe dix fois supérieure à celle d'un citoyen musulman. Le non recouvrement
de ces sommes était sanctionné par la saisie des biens, l'arrestation
et la déportation en Anatolie, à Askalé, dans la province d'Erzeroum.
Il y eut 10 à 12 mille personnes qui subirent ce sort, beaucoup disparurent.
- Fin 1944, début 1945, lorsque la défaite des
armées nazies fut évidente, les gouvernants turcs déclarèrent la guerre
à l'Allemagne. Ils faisaient croire à la "contribution" de la Turquie
à la victoire sur le nazisme.
La Turquie, la démocratie et la liberté
- Dès sa création, la Turquie était dirigée par un parti unique, le
Parti du peuple "Halk Partisi". Après la fin de la deuxième guerre mondiale,
afin de profiter de l'aide financière du plan Marshall, un second parti
fut créé le Parti démocrate "Demokrat Partisi". Avec ce nouveau parti,
la Turquie se donnait une figure démocratique. Alors que depuis plus
de dix ans, Nazim Hikmet, le poète et officier de la marine purgeait
une peine de prison pour avoir propagé des idéaux communistes. Après
la guerre, une ère de soit-disant démocratie soufflait dans le pays.
Deux nouveaux partis de gauche se constituaient : le Parti socialiste
"Sosyalist Partisi" fondé par Esad Adil, avocat et le Parti ouvrier
et labeur "Isci ve Emekci Partisi" fondé par Sefik Hüsnü, médecin. Des
Ouvriers, étudiants et intellectuels adhérèrent en masse à ces partis
de gauche.
- En 1947, le pouvoir s'en inquiéta. Ces partis
furent interdit par décret . Sous l'accusation de subversion, leurs
dirigeants furent arrêtés et emprisonnés. Parmi eux figuraient de nombreux
Arméniens dont Avedis Alexanian, journaliste, Haïk Acikgöz, médecin,
Barkev Samikyan, universitaire, Vartan Ihmalian, ingénieur ponts et
chaussées, Jak Ikmalian, artiste peintre, Hiraç Unciyan, industriel,
Nubar Acemyan, architecte, Aram Pehlivanian, journaliste et de nombreux
autres. Le racisme n'est pas le moindre des défauts des gouvernants
turcs - jusqu'à maintenant les cartes d'identité des citoyens turcs
indiquent leur confession religieuse. Il permet d'orienter les énergies
des frustrations et autres raisons de mécontentement ou de rancœur populaire
; en d'autres temps, sous d'autres cieux, d'autres gouvernants n'avaient-ils
pas pratiqué de la sorte à l'encontre de minorités ethniques ou religieuses
?
- Le 6 septembre 1955, sous prétexte d'une manifestation contre les revendications des Grecs sur l'île de Chypre, les groupes factieux cassent et pillent les boutiques tenues par des citoyens membres des minorités ethniques ; n'était-ce pas là une sorte de "Nuit de Cristal" telle celle que les nazis avaient organisée contre les magasins juifs de Berlin ? Les rues d'Istanbul furent envahies par des bandes de casseurs et de pillards. Vitrines brisées, machines volées, les rues jonchées de marchandises diverses ; une véritable tornade semblait s'être abattue sur la ville. Tout s'était déroulé sous les yeux des autorités. Grecs, Juifs et Arméniens étaient en butte aux menaces "d'éléments incontrôlés" ; les lieux de culte et les cimetières eux-mêmes ne furent pas épargnés. Qui avait donné l'ordre de tous ces méfaits ?
- Constantinople des 6-7 septembre 1955 : "Progrome" ? "Kristallnacht" ? "Nuit barbare" ?
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