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Miro MSTOYAN, rédacteur
du journal "Ria taza" :
L'édition de ce journal est un événement d'importance pour la
vie politique et culturelle de la population kurde de l'Arménie
Soviétique, de même que pour tout le peuple kurde. C'est le premier
et jusqu'à présent l'unique journal au monde publié en langue
kurde. Superflu de noter que sa publication a été commencée sur
décision du gouvernement de la république. Je voudrais souligner
autre chose La fondation du journal s'est faite grâce à l'active
participation de représentants de l'intelligentsia arménienne.
Je dois noter en particulier les premiers rédacteurs: Hratchia
Kotchar, écrivain, et Haroutiun Mekertchian, critique
littéraire. Les premiers typographies et metteurs en pages étaient
également Arméniens.
- Camarade Mstoyan,
permettez-moi de vous poser quelques questions non en votre
qualité de rédacteur, mais de vice-président du Soviet Suprême
de la R. S. S. d'Arménie. Quelle est, selon vous, la plus
importante réalisation de la population kurde de notre république?
- Les réalisations sont nombreuses et il est assez difficile
d'en distinguer une tout spécialement.. Tout ce que nous possédons
actuellement a été obtenu sous le Pouvoir soviétique. Le plus
important peut-être, à part l'instruction, est que les Kurdes
aient opté pour la vie sédentaire: ils ont leurs bourgs et
s'occupent d'agriculture. Un grand nombre de Kurdes se sont
fait ouvriers. C'est à mon avis une circonstance de grande
importance qui a contribué à l'évolution sociale et culturelle
de notre peuple.
A présent, les villages kurdes ne se distinguent en rien des
villages arméniens. Ce sont des localités modernes et bien
aménagées, où les habitants disposent de tout ce qu'il faut
pour une vie et un travail normaux. Voici un passage de la
lettre que nous ont envoyée les Kurdes du village de Chamiram
du district d'Achtarak:
"Notre village compte 270 familles kurdes. Elles se sont toutes
construite des maisons à deux étages, où elles vivent à l'aise.
Elles ont du bétail, des voitures. Quelques dizaines d'habitants
de Chamiram ont fait des études supérieures. A l'école locale,
on enseigne le kurde. Nous avons notre club, notre bibliothèque
et notre terrain de sports.
Les habitants de notre village ne se sont jamais heurtés à
aucune sorte de discrimination de la part des autorités locales.
Le seul village kurde du district-le nôtre-c'est toujours
trouvé dans le champ de vision des dirigeants du Parti et
des soviets. Once à leur sollicitude, nous possédons actuellement
un système d'irrigation, de distribution d'eau, des commerces".
Cette lettre ne donne qu'une idée incomplète de la vie actuelle
d'un village kurde, mais elle parle assez éloquemment de la
situation présente des Kurdes en Arménie. Voici justement
la plus importante réalisation.
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- Camarade Mstoyan, pourriez-vous
parler de la participation des kurdes à la vie sociale et politique
de la république? Vous n'êtes sans doute pas l'unique représentant
de votre peuple à occuper un poste élevé?
Evidemment non, aujourd'hui des centaines de. Kurdes sont à la tête
de soviets locaux, ils sont élus députés du Soviet Suprême de la
république, des soviets ruraux, locaux et communaux., ils dirigent
des entreprises, des exploitations agricoles, des institutions scientifiques
et font partie d'organisations sociales.
Et je voudrais noter en particulier que cela n'a rien de nouveau.
Dès l'instauration du Pouvoir soviétique en Arménie, le Parti communiste
et le gouvernement de la jeune république ont accordé une grande
attention à la formation de cadres kurdes. Ainsi, le 3 juin 1924,
le Présidium du Comité central du Parti communiste d'Arménie discuta
spécialement des problèmes kurdes. La décision du Comité central
prévit la nomination des Kurdes aux postes responsables. Ainsi Arab
Chamilov, homme public kurde bien connu, fut nommé au Comité
central responsable du travail avec les minorités nationales,
Nouré Polatova fut chargée de s'occuper des problèmes féminins.
Parmi les premiers députés d'Arménie du Soviet Suprême de l'U. R.
S. S., citons Nado Makhmoudov, alors premier secrétaire du
Parti au district d'Aparan. D'autre part, on élit députés du Soviet
Suprême de la R. S. S. d'Arménie Spoa Chabo, trayeuse, et
Samand Siaband, premier secrétaire du Parti au district d'Alaguiaz,
qui devint Héros de l'union Soviétique pendant la guerre.
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- Camarade Mstoyan en conclusion,
pourriez-vous caractériser brièvement le passage à la vie sédentaire?
Ce processus ne s'est pas toujours déroulé avec un succès égal.
Mais le Comité central du P. C. d'Arménie et le gouvernement arménien
ont toujours montré de la compréhension et de la souplesse à toutes
les étapes de la solution de ce problème d'une importance capitale.
Il serait suffisant de se souvenir d'un seul cas. Bien que la population
kurde ne constituât que 1% de la population totale de la république,
le gouvernement investit proportionnellement plus de fonds pour
leur installation. Ainsi, en 1926-1927, les Kurdes purent disposer
de 5% de ce fonds. Un an plus tard, de 6% et en 1929, jusqu'à 20%.
En outre, les exploitations pauvres -leur nombre atteignait 3300-étaient
exemptées de l'impôt agricole. Les paysans kurdes pouvaient compter
sur l'aide de l'Etat lorsqu'il s'agissait de graines, de bétail,
d'outils agricoles; on construisait pour eux des maisons et des
villages...
Méditant sur les problèmes nationaux, l'académicien Likhatchev
a remarqué: "La. culture a besoin d'un diapason de différences.
Les traits nationaux sont la richesse de l'humanité". Ces paroles
sont d'une signification particulière pour notre pays où vivent
les représentants de plus de cent nationalités et ethnies. On pourrait
être fier de ce potentiel de diversité spirituelle, si le problème
de l'unification n'était brûlant, et ce sont les petits peuples
à la culture plutôt récente qui en souffrent le plus. "Le plus précieux
de tout ce que comporte une culture nationale, c'est la langue,
écrit ensuite D. Likhatchev, car la mentalité et la langue
sont liées de la manière la plus étroite".
Donc, l'auto conscience nationale et l'évolution culturelle des
Kurdes d'Arménie Soviétique sont des phénomènes inter liés, favorisés
par la création de l'alphabet et d'une littérature en langue nationale.
Les premiers livres kurdes, comme on le sait déjà, ont suivi de
prés la création du premier alphabet kurde. Les éditions sont devenues
plus fréquentes après la réforme de l'alphabet en 1930. Le 29
février 1932, le Comité central exécutif de la Transcaucasie
examina les résultats des activités des minorités nationales et
chargea le Comité d'Etat pour l'imprimerie de l'Arménie d'accroître
le nombre de livres édités en leurs langues. En outre, compte tenu
de l'existence de cadres et du support matériel indispensable, le
Comité exécutif reconnut nécessaire de concentrer en Arménie les
éditions en langue kurde pour toute la Transcaucasie. Avant la guerre,
on publia en Arménie 148 livres et brochures en langue kurde.
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Karléné TCHATCHANI, président
de la section des écrivains kurdes d'Arménie :
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Le folklore de notre peuple
est fort riche et varié. Il semblait donc qu'après la création de
l'alphabet kurde, les premières oeuvres littéraires nationales devraient
appartenir aux Kurdes. Mais, aussi paradoxal que cela soit, c'est
un Arménien qu'il faut considérer comme les premier écrivain kurde
soviétique: Hacop Ghazarian (Lazo), auteur du premier
alphabet kurde. Il'est l'auteur du premier manuel kurde "Chams"
où l'on trouve des vers et des récits originaux, premiers spécimens
d'oeuvres littéraires kurdes. Toutefois, les critiques littéraires,
les historiens et les écrivains arméniens et kurdes font remonter
la naissance de la littérature kurde soviétique à l'année 1930 qui
vit l'apparition des premiers poètes et écrivains kurdes: Arab
Chamilov, Adjié Djndi, Aminé Avdal, Djassimé Djalil, Vaziré Nadir,
Djadoé Guendjo, Ataré Charo, Kotchakhé Mourad, etc.
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La littérature kurde connut
un nouvel essor après la guerre. Une nouvelle génération d'écrivains
kurdes commencèrent à se faire un nom dans les milieux littéraires:
Mikaél Rachid Nado Mahmoudov, Miroé Assd, Alié Abdourahman, etc.
C'est dans les années 1930 également que commença où se développer
la kurdologie en Arménie. Les premières recherches dans ce domaine
appartiennent à l'académicien H. Orbéli éminent savant - arménien.
Les questions de l'histoire, de la langue, du folklore et de l'ethnographie
du peuple kurde ont intéressé les scientifiques arméniens les plus
renommés, tels H. Adjarian, G. Sévak, A Khatchatrian, A. Oharibian,
K. Mélik-Ohandjanian, A. Ohanalanian, etc., sans parler des
représentants de la nouvelle intelligentsia kurde.
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En 1931, le Commissariat
du peuple pour l'instruction publique de notre république organisa
une expédition kurdologique, dont firent partie A. Khatchatrian,
professeur, A. Djndi, DJ. Guidjo et Karo Zakarian, compositeur.
Le résultat en fut une riche collection folklorique et linguistique,
environ 170 chansons de différents genres et des contes. Ce travail
continua par la suite et il fut couronné en 1936 par l'édition
d'un premier recueil de folklore kurde et d'un recueil de chants
kurdes, notés et arrangés par K. Zakarian. Comme événement
d'importance dans la vie culturelle de la république et de sa population
kurde, citons l'édition du premier dictionnaire arméno-kurde et
du premier dictionnaire terminologique arméno-kurde qui contribuèrent
sensiblement au développement de la langue littéraire kurde.
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1932. Fondation d'une
section linguistique kurde au Musée de culture matérielle d'Arménie.
1934. Création d'un département de kurdologie au secteur
d'orientalisme de la Filiale arménienne de l'Académie des sciences.
9 juillet 1934. Ouverture de la première conférence soviétique.
de kurdologie, réunie à Erévan sur l'initiative du Comité central
du P. C. d'Arménie.
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L'évolution culturelle de
la population kurde de notre république connut une période où la
fondation d'un théâtre national fut jugée nécessaire, En septembre
1937, le Conseil des Commissaires du peuple d'Arménie prit la
décision de crée un Théâtre d'Etat itinérant sur la base des cercles
dramatiques fonctionnants.
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