• Présence culturelle des Kurdes en Arménie soviétique

    Entretiens avec

    . le rédacteur en chef du journal kurde "Ria taza" e
    t vice-président du Soviet Suprême de la R. S. S. d'Arménie

    . et Karlène Tchatchani, président de la section des écrivains kurdes d'Arménie


Scène de la pièce de théâtre
Mamé ou Zimé (1944)
Régisseur : R. Arménian

  • Miro MSTOYAN, rédacteur du journal "Ria taza" :

    L'édition de ce journal est un événement d'importance pour la vie politique et culturelle de la population kurde de l'Arménie Soviétique, de même que pour tout le peuple kurde. C'est le premier et jusqu'à présent l'unique journal au monde publié en langue kurde. Superflu de noter que sa publication a été commencée sur décision du gouvernement de la république. Je voudrais souligner autre chose La fondation du journal s'est faite grâce à l'active participation de représentants de l'intelligentsia arménienne. Je dois noter en particulier les premiers rédacteurs: Hratchia Kotchar, écrivain, et Haroutiun Mekertchian, critique littéraire. Les premiers typographies et metteurs en pages étaient également Arméniens.

    - Camarade Mstoyan, permettez-moi de vous poser quelques questions non en votre qualité de rédacteur, mais de vice-président du Soviet Suprême de la R. S. S. d'Arménie. Quelle est, selon vous, la plus importante réalisation de la population kurde de notre république?

    - Les réalisations sont nombreuses et il est assez difficile d'en distinguer une tout spécialement.. Tout ce que nous possédons actuellement a été obtenu sous le Pouvoir soviétique. Le plus important peut-être, à part l'instruction, est que les Kurdes aient opté pour la vie sédentaire: ils ont leurs bourgs et s'occupent d'agriculture. Un grand nombre de Kurdes se sont fait ouvriers. C'est à mon avis une circonstance de grande importance qui a contribué à l'évolution sociale et culturelle de notre peuple.

    A présent, les villages kurdes ne se distinguent en rien des villages arméniens. Ce sont des localités modernes et bien aménagées, où les habitants disposent de tout ce qu'il faut pour une vie et un travail normaux. Voici un passage de la lettre que nous ont envoyée les Kurdes du village de Chamiram du district d'Achtarak:

    "Notre village compte 270 familles kurdes. Elles se sont toutes construite des maisons à deux étages, où elles vivent à l'aise. Elles ont du bétail, des voitures. Quelques dizaines d'habitants de Chamiram ont fait des études supérieures. A l'école locale, on enseigne le kurde. Nous avons notre club, notre bibliothèque et notre terrain de sports.

    Les habitants de notre village ne se sont jamais heurtés à aucune sorte de discrimination de la part des autorités locales. Le seul village kurde du district-le nôtre-c'est toujours trouvé dans le champ de vision des dirigeants du Parti et des soviets. Once à leur sollicitude, nous possédons actuellement un système d'irrigation, de distribution d'eau, des commerces".

    Cette lettre ne donne qu'une idée incomplète de la vie actuelle d'un village kurde, mais elle parle assez éloquemment de la situation présente des Kurdes en Arménie. Voici justement la plus importante réalisation.

  • - Camarade Mstoyan, pourriez-vous parler de la participation des kurdes à la vie sociale et politique de la république? Vous n'êtes sans doute pas l'unique représentant de votre peuple à occuper un poste élevé?

    Evidemment non, aujourd'hui des centaines de. Kurdes sont à la tête de soviets locaux, ils sont élus députés du Soviet Suprême de la république, des soviets ruraux, locaux et communaux., ils dirigent des entreprises, des exploitations agricoles, des institutions scientifiques et font partie d'organisations sociales.

    Et je voudrais noter en particulier que cela n'a rien de nouveau. Dès l'instauration du Pouvoir soviétique en Arménie, le Parti communiste et le gouvernement de la jeune république ont accordé une grande attention à la formation de cadres kurdes. Ainsi, le 3 juin 1924, le Présidium du Comité central du Parti communiste d'Arménie discuta spécialement des problèmes kurdes. La décision du Comité central prévit la nomination des Kurdes aux postes responsables. Ainsi Arab Chamilov, homme public kurde bien connu, fut nommé au Comité central responsable du travail avec les minorités nationales, Nouré Polatova fut chargée de s'occuper des problèmes féminins. Parmi les premiers députés d'Arménie du Soviet Suprême de l'U. R. S. S., citons Nado Makhmoudov, alors premier secrétaire du Parti au district d'Aparan. D'autre part, on élit députés du Soviet Suprême de la R. S. S. d'Arménie Spoa Chabo, trayeuse, et Samand Siaband, premier secrétaire du Parti au district d'Alaguiaz, qui devint Héros de l'union Soviétique pendant la guerre.

  • - Camarade Mstoyan en conclusion, pourriez-vous caractériser brièvement le passage à la vie sédentaire?

    Ce processus ne s'est pas toujours déroulé avec un succès égal. Mais le Comité central du P. C. d'Arménie et le gouvernement arménien ont toujours montré de la compréhension et de la souplesse à toutes les étapes de la solution de ce problème d'une importance capitale. Il serait suffisant de se souvenir d'un seul cas. Bien que la population kurde ne constituât que 1% de la population totale de la république, le gouvernement investit proportionnellement plus de fonds pour leur installation. Ainsi, en 1926-1927, les Kurdes purent disposer de 5% de ce fonds. Un an plus tard, de 6% et en 1929, jusqu'à 20%. En outre, les exploitations pauvres -leur nombre atteignait 3300-étaient exemptées de l'impôt agricole. Les paysans kurdes pouvaient compter sur l'aide de l'Etat lorsqu'il s'agissait de graines, de bétail, d'outils agricoles; on construisait pour eux des maisons et des villages...

    Méditant sur les problèmes nationaux, l'académicien Likhatchev a remarqué: "La. culture a besoin d'un diapason de différences. Les traits nationaux sont la richesse de l'humanité". Ces paroles sont d'une signification particulière pour notre pays où vivent les représentants de plus de cent nationalités et ethnies. On pourrait être fier de ce potentiel de diversité spirituelle, si le problème de l'unification n'était brûlant, et ce sont les petits peuples à la culture plutôt récente qui en souffrent le plus. "Le plus précieux de tout ce que comporte une culture nationale, c'est la langue, écrit ensuite D. Likhatchev, car la mentalité et la langue sont liées de la manière la plus étroite".

    Donc, l'auto conscience nationale et l'évolution culturelle des Kurdes d'Arménie Soviétique sont des phénomènes inter liés, favorisés par la création de l'alphabet et d'une littérature en langue nationale.

    Les premiers livres kurdes, comme on le sait déjà, ont suivi de prés la création du premier alphabet kurde. Les éditions sont devenues plus fréquentes après la réforme de l'alphabet en 1930. Le 29 février 1932, le Comité central exécutif de la Transcaucasie examina les résultats des activités des minorités nationales et chargea le Comité d'Etat pour l'imprimerie de l'Arménie d'accroître le nombre de livres édités en leurs langues. En outre, compte tenu de l'existence de cadres et du support matériel indispensable, le Comité exécutif reconnut nécessaire de concentrer en Arménie les éditions en langue kurde pour toute la Transcaucasie. Avant la guerre, on publia en Arménie 148 livres et brochures en langue kurde.
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  • Karléné TCHATCHANI, président de la section des écrivains kurdes d'Arménie :

  • Le folklore de notre peuple est fort riche et varié. Il semblait donc qu'après la création de l'alphabet kurde, les premières oeuvres littéraires nationales devraient appartenir aux Kurdes. Mais, aussi paradoxal que cela soit, c'est un Arménien qu'il faut considérer comme les premier écrivain kurde soviétique: Hacop Ghazarian (Lazo), auteur du premier alphabet kurde. Il'est l'auteur du premier manuel kurde "Chams" où l'on trouve des vers et des récits originaux, premiers spécimens d'oeuvres littéraires kurdes. Toutefois, les critiques littéraires, les historiens et les écrivains arméniens et kurdes font remonter la naissance de la littérature kurde soviétique à l'année 1930 qui vit l'apparition des premiers poètes et écrivains kurdes: Arab Chamilov, Adjié Djndi, Aminé Avdal, Djassimé Djalil, Vaziré Nadir, Djadoé Guendjo, Ataré Charo, Kotchakhé Mourad, etc.

  • La littérature kurde connut un nouvel essor après la guerre. Une nouvelle génération d'écrivains kurdes commencèrent à se faire un nom dans les milieux littéraires: Mikaél Rachid Nado Mahmoudov, Miroé Assd, Alié Abdourahman, etc.

    C'est dans les années 1930 également que commença où se développer la kurdologie en Arménie. Les premières recherches dans ce domaine appartiennent à l'académicien H. Orbéli éminent savant - arménien. Les questions de l'histoire, de la langue, du folklore et de l'ethnographie du peuple kurde ont intéressé les scientifiques arméniens les plus renommés, tels H. Adjarian, G. Sévak, A Khatchatrian, A. Oharibian, K. Mélik-Ohandjanian, A. Ohanalanian, etc., sans parler des représentants de la nouvelle intelligentsia kurde.

  • En 1931, le Commissariat du peuple pour l'instruction publique de notre république organisa une expédition kurdologique, dont firent partie A. Khatchatrian, professeur, A. Djndi, DJ. Guidjo et Karo Zakarian, compositeur. Le résultat en fut une riche collection folklorique et linguistique, environ 170 chansons de différents genres et des contes. Ce travail continua par la suite et il fut couronné en 1936 par l'édition d'un premier recueil de folklore kurde et d'un recueil de chants kurdes, notés et arrangés par K. Zakarian. Comme événement d'importance dans la vie culturelle de la république et de sa population kurde, citons l'édition du premier dictionnaire arméno-kurde et du premier dictionnaire terminologique arméno-kurde qui contribuèrent sensiblement au développement de la langue littéraire kurde.

  • 1932. Fondation d'une section linguistique kurde au Musée de culture matérielle d'Arménie.

    1934. Création d'un département de kurdologie au secteur d'orientalisme de la Filiale arménienne de l'Académie des sciences.

    9 juillet 1934. Ouverture de la première conférence soviétique. de kurdologie, réunie à Erévan sur l'initiative du Comité central du P. C. d'Arménie.
  • L'évolution culturelle de la population kurde de notre république connut une période où la fondation d'un théâtre national fut jugée nécessaire, En septembre 1937, le Conseil des Commissaires du peuple d'Arménie prit la décision de crée un Théâtre d'Etat itinérant sur la base des cercles dramatiques fonctionnants.
  • L'Arménie aujourd'hui (Erévan), 4-6, 1988, pp 20-24 Notre destin commun (N°2)

  • Recherche bibliographique : Nil Agopoff
    Numértisation et mise en page : Méliné Papazian