-
...Le recours à une tierce partie s’avère donc indispensable. En l’extirpant de son pathos identitaire et historique (turc, arménien ou autres), il serait temps de reconstituer la cause arménienne dans un cadre exclusivement juridique – neutre et distancié, légal et impartial – présidé par des juristes-experts hautement qualifiés ayant mandat et autorité de délibérer et de juger des litiges entre état et état, voire état et personne, en application des instruments internationaux. Même en l’absence de jurisprudence. Aline Dedeyan "Artzakank" de Genève/Suisse  (no. juillet-août 2009). 
-

– Avril-mai 2009

Les Arméniens – Diaspora ou Arménie - retiennent leur souffle. Enfin le bilan des rencontres bilatérales et multilatérales arméno-turques sous haute médiation suisse, suivies de la visite et du discours du Président Obama, à Istanbul, le 24 avril, qualifiant le génocide de medz Yeghern – pour le mieux ou pour le pire, parole non tenue ou jonglage sémantique ?

Désormais, une feuille de route vide et plutôt procédurale, au-delà de toute condition préalable à l’ouverture des frontières. Retour à la proposition d’établir un comité d’experts-historiens chargé des événements de 1915-18, ainsi que la poursuite des négociations, y compris sur le Karabakh. Les Daschnaks se désolidarisent du gouvernement arménien tandis que la Turquie engrange des points. Et ça continue…

La conférence Durban-II contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, se réunit à Genève. Conférence d’examen de la Déclaration et du Plan d’action adoptés à Durban en 2001, dont la légitimité est mise en question, notamment par la discours très controversé du président iranien, Ahmadinejad, sauvée, in extremis, par l’adoption d’un document final réconciliant autant de sensibilités divergentes. Invité sur le podium à haut niveau, le Vice-ministre des affaires étrangères de la République d’Arménie, Arman Kirakossian, venu combler le vide laissé par Z. Mnatsakanian, autrefois vice président du Comité préparatoire de Durban-II.\

Dans un bref entretien A. Kirakossian déplore l’indifférence de la diaspora vis-à-vis de la R.A. en situation de précarité aggravée par la crise économique globale et le manque de partenaires sûrs dans la région pour son développement. Enclavée, sans ressources comparables à celles de ses voisins redoutables, le budget ponctionné par le maintien d’une armée en alerte, le Vice-ministre souhaite de la part de la diaspora des actes concrets et non pas des textes et des paroles. Le scénario d’un peuple le dos au mur, extenué par l’exode de sa population, poussé à des compromis et à des négociations contraignantes en l’absence de soutien économique et, plus encore, politique dans son combat contre le blocus turco-azéri et le négationnisme.

Extraits de l’intervention de M. ARMAN KIRAKOSSIAN (c ommuniqué de presse de l’ONU 21/04/2009 après-midi, réf :RC9/6) «Le génocide est la manifestation extrême de la discrimination raciale … au nom d'une nation qui a souffert du premier génocide du XX siècle ayant fait environ un million et demi de victimes dont les séquelles sont encore présentes aujourd’hui… le 24 avril, jour de la commémoration du génocide … l’écho encore plus fort de cette tragédie pour que de tels crimes ne soient jamais oubliés … (condamnant) l'impunité pour ces crimes… (exhortant) les États à la combattre puisque l'impunité mène à la répétition … L'approche de la communauté internationale (étant) insuffisante dans ce domaine … Le déni du génocide … qualifié de pire manifestation de l'impunité et du négationnisme. Il faudrait du courage pour reconnaître que l'indifférence et le silence de la communauté internationale ont contribué à la perpétration de ces actes et ont rendu ses membres complices... Au moment où elle exprime son intolérance face au racisme et la discrimination raciale … elle se dérobe … n’affirme pas sa position contre le déni et le négationnisme… »

En rebondissant sur la cause arménienne devant la communauté internationale, M. Kirakossian souligne, comme ses prédécesseurs les impasses géostratégiques de son pays face aux pouvoirs grandissants des régimes turc et azéri.

Aujourd’hui ne peut-on prendre un autre tangent dans les discours arméniens dominants ? En ajoutant aux « évidences/preuves » du génocide arménien celles du négationnisme ? Multiforme et rampant, actuellement des stratégies négationnistes qui gagnent du terrain en rendant la thèse du génocide  obsolète ? Une étude chronologique et bien documentée avec une traçabilité certaine quand à ses manifestations les plus rocambolesques !

Ni feuilles de route, ni rencontres à haut niveau, ni engagement de la société civile – pétitions, repentir, pardon, débats médiatiques et historiens, voire même une reconnaissance élargie – ne serviraient autant la cause arménienne que sa délivrance du négationnisme. Des « révélations » d’un autre type venant grossir le dossier arménien à être portées à la connaissance et à l’évaluation des experts indépendants de droit pénal international. En vue de l’ouverture d’un procès devant une cours internationale d’arbitrage, voire un tribunal international.

Quelque que soit l’angle d’approche, impossible d’être victime et juge, inversement bourreau et juge, en même temps. Le recours à une tierce partie s’avère donc indispensable. En l’extirpant de son pathos identitaire et historique (turc, arménien ou autres), il serait temps de reconstituer la cause arménienne dans un cadre exclusivement juridique – neutre et distancié, légal et impartial – présidé par des juristes-experts hautement qualifiés ayant mandat et autorité de délibérer et de juger des litiges entre état et état, voire état et personne, en application des instruments internationaux. Même en l’absence de jurisprudence.

D’après des principes universellement reconnus, le génocide, l’impunité et négationnisme sont des crimes contre l’humanité. Si la Convention du génocide est imprescriptible alors que la Cour pénale internationale non rétroactive, des cas d’exception sont envisageables. Le destin de l’Arménie et de ses voisins du Sud Caucase se joue à ce croisement majeur entre l’escamotage définitif du passée et un procès qui lui permettrait de prendre une autre direction.

Le jugement final aboutirait à des sanctions. A savoir, les dispositifs de reconnaissance, de réconciliation, de réparation, de restitution, d’indemnisation, etc., leur exécution étant obligatoire sous mandat international. Ainsi, des négociations traitées dans un contexte totalement différent, constitueraient un atout majeur pour régler le « conflit gelé » de Karabakh en exigeant, avant tout, la restitution des terres arméniennes contre d’autres réclamation. Une voie de sortie royale pour les parties concernées – hors d’une vilaine dramaturgie.

Aline Dedeyan ( adedeyan@yahoo.com )

-