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Lettre du 5 Mars de Madame Huguette Meunier-Chuvin à Nil Agopoff |
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Monsieur,
Je regrette de n'avoir pas, comme vous, le temps de répondre précisément à votre longue lettre. La saison n'est pas terminée et une dizaine de colloques, certains fort importants, vont encore se tenir. Je voudrais juste préciser certains points : - l'orientalisme correspond, vous le savez sans doute, à un courant culturel, littéraire, artistique. Le thème du devchirmè, par ailleurs intéressant, ne me semble pas relever de cette thématique, c'est probablement la seule raison pour laquelle on n'en a pas parlé à l'AIBL. Quant à Edward Saïd (théoricien littéraire, et non historien, comme vous le savez), s'il a eu le mérite de lancer le débat, il a aussi eu, depuis une trentaine d'années, à la fois des émules et des critiques qui ont permis de compléter ou d'infléchir, de relativiser les termes de son étude (personnellement, je la trouve toujours stimulante et j'en conseille toujours la lecture, mais en précisant bien que ce n'est pas un ouvrage d'histoire et qu'il y a eu des avancées depuis ; d'autre part ses affirmations, vous le dites, concernent avant tout le monde arabe, qui n'est pas le monde turc même s'il y a eu des occupations) - cela m'amène au point n° 2 : le Commissariat de la Saison (comme de toutes les Saisons ou Années culturelles, vous le savez probablement à la lumière de la belle Année de l'Arménie) n'a pas pour vocation première de susciter (et moins encore d'interdire) des manifestations mais d'aider à leur réalisation. C'est l'organe logistique qui s'occupe de la gestion administrative, financière, et de la communication. Les thèmes ou les interlocuteurs peuvent donc vous paraître insuffisants, déséquilibrés, biaisés et vous pouvez, si vous le souhaitez, vous référer directement aux organisateurs des manifestations (qui sont toujours signalés), mais le commissariat, s'il assume, par éthique, les choix faits par les organisateurs, ne peut être tenu pour responsable de leur palette. J'ajoute que, par définition, les sujets doivent être labellisés à la fois par la partie officielle turque et par la partie officielle française et, quoi que vous en disiez, nos partenaires turcs se sont montrés beaucoup plus ouverts qu'ils ne l'auraient été il y a quelques années encore. Nous nous en réjouissons. Je ne sais pas si l'Année de la Russie donnera lieu à beaucoup de débats, ni s'ils porteront essentiellement sur le goulag, la famine en Ukraine, les déportations en Asie centrale, l'antisémitisme d'état, la répression des chrétiens, les assassinats politiques, la liberté de la presse, la situation dans le Caucase et autres sujets qui méritent certainement d'être approfondis - même si, à mon humble avis, l'organisation d'une année culturelle n'est probablement pas le moment le plus adéquat pour ne montrer que le côté le plus sombre d'un pays et de son histoire. Et je ne sais pas si nos partenaires russes accepteront volontiers de labelliser officiellement des débats qui montreront systématiquement leur côté le plus sombre. Je ne pense pas d'ailleurs que, puisqu'il s'agit d'années croisées, les manifestations françaises en Russie insistent sur les aspects les plus dévastateurs de l'histoire française - quant à vos appréciations de telle ou telle manifestation, de tel ou tel article, de tel ou tel intervenant, je les respecte sans pour autant les partager systématiquement. Il y a eu fréquemment dans la Saison des intervenants qui n'étaient ni français ni turcs (mais aussi de différents pays européens, des USA, de Roumanie, Bulgarie, Grèce, Chypre, Israël, Egypte...) même s'il fallait généralement faire attention aux coûts et à la langue. Mais il est clair que, pour vous, nous sommes de toute façon suspects quoi que nous fassions et quoi que nous disions. Chaque fois que nous répondons point par point, vous dites "oui c'est vrai mais..." et la discussion est sans fin. Pour ma part, faute de temps, je me permettrai de mettre un point final à nos échanges. Je ne doute pas que vous trouverez d'autres interlocuteurs de meilleure qualité. Bien à vous, Huguette Meunier-Chuvin |
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