LA FRANCOPHONIE : UN ENGAGEMENT POUR LES DROITS DE L’HOMME
par S.S. Aram I Catholicos de Cilicie

  • La prochaine réunion des chefs d'état des pays francophones à Beyrouth est un grand événement pour le Moyen-Orient en général et le Liban en particulier. Il est certain que cette rencontre ouvrira une page nouvelle dans l'histoire des relations entre le monde arabe et celui de la Francophonie. Ces relations, ou plutôt cette affinité, dans de nombreux domaines sont enracinées dans l'histoire de ces deux mondes, eux-mêmes si riches et variés. Quant au Liban, petit pays imbu de l'esprit de la Francophonie, cette réunion donnera, d'une part, un élan renouvelé à la participation du Liban aux activités de la Francophonie et posera, d'autre part, un grand défi à la Francophonie qui devra considérer plus sérieusement le Liban comme un pays où la culture française est en dialogue existentiel avec la culture arabe, où la francophonie coexiste avec la culture arabe dans une atmosphère de parfaite convivialité. Les pays de la Francophonie ont souvent exprimé leur souci pour l'indépendance, l'intégrité territoriale et la souveraineté du Liban; cette réunion est une manifestation tangible de leur appui à un Liban souverain, pays de la coexistence et du dialogue vivant des cultures, des religions et des valeurs humaines.

    Pour moi, la Francophonie n'est pas seulement une organisation regroupant des pays de culture fran­çaise; elle n'est pas non plus une structure de nature politique ou économique; elle est plutôt une mission pour la promotion des valeurs humaines, culturelles et morales. La Francophonie est une vocation pour réaliser une convivialité plus authentique entre les cultures et les idéologies; elle est aussi un engagement pour la justice, la paix, la réconciliation entre les peuples, les nations et les états. Dans ce monde où la violence et l'injustice prédominent dans la vie de nombreuses sociétés, la Francophonie est appelée à donner un nouveau dynamisme à cet engagement.

    Dans ce cadre, je voudrais rappeler à notre mémoire avec une appréciation émue la décision des élus français de reconnaître le Génocide arménien. Il ne s'agissait pas d'une décision banale mais d'une attitude collective courageuse exprimant dignement l'esprit de liberté, de justice et de convivialité caractéristique de l'histoire du peuple français. Ce n'était pas non plus une décision politique mais bien la décision de l'ensemble du peuple français exprimée par ses représentants. Cette attitude a ses racines dans l'histoire et la culture françaises et la prise de position de peuple français vis à vis l'injustice flagrante dont fut victime le peuple arménien est bien dans la lignée de la tradition française. En fait des relations soutenues, une certaine affinité ont marqué l'histoire des deux peuples français et arménien et ce, depuis le Moyen-Age et les principes de liberté, de justice et de respect des droits humains qui marquent la pensée et l'attitude françaises trouvent un écho chez le peuple arménien. A mon avis, la décision du peuple français n'était qu'une manifestation authentique de ce que je considère l'esprit de la Francophonie. Le Génocide arménien, le premier du 20ème siècle, organisé et systématiquement mis en exécution par les autorités ottomanes-turques contre le peuple arménien, demeure un crime impuni, une injustice flagrante. Plusieurs pays ont reconnu ce crime contre l'humanité mais il en reste beaucoup qui, pour diverses raisons, n'ont toujours pas considéré avec le sérieux qu'elle le mérite, la question de la reconnaissance du Génocide arménien.

    Le génocide n'est pas une question d'ordre politique mais une question humaine et morale, une question d'injustice et de violation des droits de l'homme. Malheureusement les génocides n'appartiennent pas seulement à l'histoire; ils continuent avec impunité sous différentes formes et avec des expressions diverses dans plusieurs régions et pays du monde. Le génocide est l'expression la plus atroce du terrorisme. C'est un terrorisme d'état contre un peuple innocent qui lutte pour ses droits légitimes.

    L'indifférence et le silence encouragent la continuation de ces crimes contre l'humanité. L'impunité des génocides pave la voie à de nouvelles atrocités, à de nouveaux génocides. La condamnation, ou la reconnaissance, des génocides n'est pas un acte politique mais un acte essentiellement humain basé sur les principes de morale et de droit international. La vie est un don de Dieu; nul ne peut attenter à la vie de son semblable; nulle nation ne peut ignorer la vie et la dignité d'une autre nation. Dans ce monde mondialisé la sécurité, la justice et la paix au sein d'une nation ou même d'une région appartiennent à tout le monde; par conséquent elles sont la responsabilité de la communauté internationale. Oui, la Francophonie est aussi un engagement pour les droits de l'homme. La France a donné un exemple exemplaire, comme l'ont fait le Liban et bien d'autres pays. Il reste à espérer que les autres membres de la Francophonie feront de même, manifestant ainsi leur engagement pour les droits humains partout dans le monde.

  • D'après le site du Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie

-I.Présentation - II.Arménologie - III.Fonds documentaire du CRDA - IV.La vie arménienne en diaspora -V.La culture arménienne et l'Art - VI.Histoire - VII.Arménie(s) - VIII.Les différents environnements & l'Arménie - IX.Génocide de 1915 et enchaînements politico-médiatiques - X.Inconscient(s) collectif(s), Mémoire(s) et 1915 - XI.Religion(s) et Théologie(s)