Lettre ouverte à Monsieur Walter Veltroni, Maire de Rome,
suite à une sculpture en marbre d'un livre dédié à Mustafa Kemal Ataturk au Parc de l'Europe à Rome
- Azg - CNN Turk - romaeur.it - Clandestinos.it -
  • Lettre ouverte à Monsieur le Maire de Rome,
    Monsieur Walter Veltroni
  • Paris le 17 Novembre 2005,

    Monsieur le Maire,

    Suite à l'inauguration au Parc de l'Europe, le 10 Novembre dernier, d'une sculpture en marbre représentant un livre évoquant des citations de Mustafa Kemal Ataturk, il est important de rappeler que si Mustafa Kemal Ataturk n'a pas participé directement aux massacres du Génocide des Arméniens de 1915, il a cependant
    - confié des postes officiels importants à d'anciens criminels une fois au pouvoir
    - et a fait voté en 1922, en 1923 et en 1927 des lois interdisant aux rescapés de 1915 de retourner chez eux dans leur pays.

    Si Mustafa Kemal est présenté comme "le père de la Turquie moderne" suite aux réformes entreprises, il faut savoir qu'il a mis aussi bien en place un système opaque d'occultation des Génocides des Arméniens, des Assyrio-Chaldéens et des Grecs pontiques, un système organisé d'omissions intentionnées. En effet,

    - 1/ s'il a eu adoption de l'alphabet latin, c'est aussi pour créer un écran avec les générations turques postérieures pour ne pas qu'elles puissent s'informer de l'organisation des exterminations en 1915,

    - 2/ si le voile islamique et le fez -le couvre-chef ottoman- furent interdits pour avoir une image vestimentaire à l'européenne, c'est surtout pour faire coller l'image des massacreurs aux autres orientaux de la région qui gardaient le costume traditionnel (les Arabes et les Kurdes),

    - 3/ s'il y a eu suppression du Califat, la raison non-dite de cette suppression était destinée à empécher qu'un Calife autonome et imprégné de la tradition du Livre, contrairement à l'islam des Janissaires, puisse un jour condamner solennellement le génocide de 1915. Cela a été un crime contre l'Humanité et contre l'islam authentique. En effet, l'islam a été souvent calomnié par ignorance en Occident, d'être à l'origine du Génocide des Arméniens perpétré par le gouvernement jeune-turc de l'Empire ottoman -sous prétexte que ce dernier détenait le Califat,

    - 4/ et enfin vouloir présenter ces réformes de Kemal Ataturk comme ayant mené la Turquie vers "la laïcité", c'est occulter le fait que la Turquie est aujourd'hui un État laïciste musulman qui prend en charge la formation de ses religieux pour mieux servir son idéologie kémaliste : une idéologie nationaliste bétonnée en jacobinisme instrumentalisant un islam qui se trouve ainsi vidé de sa spiritualité transcendante .

    Mustafa Kemal Ataturk est le père du nationalisme turc,
    - en bafouant le Traité de Lausanne concernant les minorités,
    - en installant des falsifications historiques officielles  : Hittites ancêtres des Turcs, la Langue-Soleil qui serait à l'origine de toutes les langues du monde et autres contre-vérités historiques artificielles toutes faites...
    - et enfin en construisant les fondements du déni officiel du génocide de 1915.
    Ataturk a été un dictateur, un "Duce" avant l'heure, avec brutalité, sans gesticulation : il n'a pas hésité à faire exterminer la résistance venant des nombreux villages kurdes. Combien de dizaines de milliers, combien de centaines de milliers de "Turcs des montagnes " ont été victimes de sa politique de répression ?

    Tous les descendants des rescapés de génocides -arménien ou autres- ne peuvent pas rester indifférents à l'idée qu'il y aura à l'avenir une sculpture à Rome rendant hommage à un dictateur : un dictateur qui a mis en place une structure étatique consacrant l'impunité de crimes génocidaires. Cette impunité de crimes contre l'Humanité encouragera malheureusement les génocides postérieurs. Une telle représentation de ce "livre" en marbre sera à jamais une manifestation d'un négationnisme rampant, d'un révisionnisme pervers cherchant à construire une non-existence d'un génocide -dénigrant ainsi tout désir fondamental de Justice, de restructuration et de réparations.

    Les Arméniens dispersés aux quatre coins du monde, ne vont pas manquer de dénoncer une telle imposture historico-culturelle. Nous allons informer les diverses institutions religieuses ou culturelles de la capitale italienne, les attachés culturels des ambassades étrangères, la presse, les associations des droits de l'Homme et tant d'autres. Nous écrirons en anglais, en italien ou dans les autres langues de la diaspora arménienne. Nous informerons les délégations et les services de l'UNESCO de cette imposture. Il y a imposture d'un Etat négationniste qui abuse d'une ville aussi prestigieuse que Rome : pour mieux faire occulter un nettoyage ethnique de populations autochtones -comme l'étaient les Assyrio-Chaldéens, les Arméniens et les Grecs pontiques- et comment légalement le nouveau régime kémaliste a pu bénéficier par la suite d'un tel crime antérieur.

    Nous ferons des copies de nos lettres aux maires des capitales de l'Union européenne. Nous informerons la communauté italienne de France, celles d'Europe et du monde entier : en rappelant les relations historiques et culturelles arméno-italiennes, des relations si riches au cours des siècles... S'il le faut, il se trouvera des descendants de survivants de 1915 qui iront même soutenir cette cause universelle en latin : en s'adressant aux Recteurs des Universités italiennes ou à Sa Sainteté Benoit XVI.

    Nous ne manquerons pas aussi d'écrire en arabe : car les Arabes imprégnés de l'islam du Livre ont tendu une main charitable aux dhimmis persécutés. C'est ainsi que les Arabes à l'époque ont donné l'hospitalité aux Arméniens sur le chemin de la déportation. Contrairement à Mustafa Kemal qui était un islamophobe notoire et impénitent, l'Emir Faysal Ben Ali, de la famille hachémite, chérif de La Mecque et Gardien des Lieux Saints, n'a pas manqué d'émettre des firmans dès 1917. Ces firmans demandaient explicitement de protéger les réfugiés arméniens que les gendarmes turcs chassaient vers le désert pour mieux les exterminer.

    Monsieur le Maire de Rome, cette sculpture en marbre, bien qu'elle soit la création d'un artiste italien de talent, est un faux livre cachant un épais catalogue de discriminations nationalistes. Ce "livre" se veut être un passeport, un sauf-conduit au profit d'un mercantilisme européen à tout prix : même au prix de vouloir escamoter ou minimiser un négationnisme d'Etat concernant un crime génocidaire et son impunité.


    Sachant les stratégies kémalistes cherchant à faire valoir une nouvelle présentation d'une Turquie comme un pays "laïc", "moderne" et "européen", l'islam écarté risque alors d'être encore une fois calomnié par défaut du crime de 1915 : un génocide d'Etat omis mais planifié par un Empire qui détenait alors le Califat. D'autant plus qu'une telle calomnie est soutenue en non-dit depuis le Traité de Lausanne de 1923.  L'idéologie eurocentriste est en effet officiellement complice du négationnisme turc : en faisant silence sur l'abscence d'articles dans le Traité de Lausanne concernant les massacres et les déportations organisés et exécutés par un Etat -qui se cimentera par la suite dans un déni nationaliste non conforme à l'islam.

    Monsieur le Maire, ce livre en marbre sculpté se trouvant ainsi dans un parc de Rome, est une représentation symbolique du déni turc et eurocentriste, un déni qui ne peut que porter ombrage à la Ville éternelle. Ce "livre" restera malheureusement toujours antinomique avec
    le dialogue islamo-chrétien : un dialogue dans la tradition de l'islam et des Eglises orientales qui y ont recours volontiers, un dialogue si indispensable pour une véritable Paix universelle dans le monde.

Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens?. Adolf Hitler, 1939._
There Is No Peace Without Justice And No Justice Without Peace. Martin Luther KING, 1963._
Light a candle _
  • Nil-Vahakn Agopoff, chercheur .
à compléter