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Le manuscrit de la BnF
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...Je poursuivis mon chemin et j’arrivai dans la grande Bilbao, où je séjournai trois jours ; j’en partis ensuite, et je marchai durant vingt-sept jours, et j’arrivai dans la ville bénie de Gétharia, où je fus fort bien traité : j’y restai durant sept jours. Je trouvai en ce lieu un grand vaisseau qu’on me dit être du port, de 80 000 quintaux. Je m’adressai aux prêtres (de cet endroit), pour dire de me recevoir dans ce vaisseau : « Je ne puis plus aller à pied, les forces me manquent tout à fait.» Ceux-ci s’étonnaient de ce que j’avais pu venir à pied d’un pays si reculé. Ils allèrent trouver le chef du vaisseau : « Ce religieux arménien nous prie, lui dirent-ils, pour que vous le preniez sur votre bâtiment : il est venu d’un pays éloigné et il ne peut s’en retourner par terre. » On lui lut la lettre du pape, il l’écouta et dit : « Je le recevrai dans mon vaisseau, mais dites-lui que je vais parcourir la mer universelle, que mon vaisseau ne contient aucun marchand et que les hommes qui s’y trouvent sont tous employés à son service. Pour nous, nous avons fait le sacrifice de notre vie, nous mettons notre seul espoir en Dieu et nous pensons que là où la fortune nous portera, Dieu nous sauvera. Nous allons parcourir le monde ; il ne nous est pas possible d’indiquer où les vents nous porteront, mais Dieu le sait. Au reste, si vous avez aussi le désir de venir avec nous, c’est fort bien ; venez dans mon vaisseau, et ne vous inquiétez pas du pain, ni du boire et du manger ; pour vos autres dépenses, elles vous regardent, ces religieux y pourvoiront. Comme nous avons une âme, nous vous fournirons du biscuit et tout ce que Dieu nous a accordé. » Lorsque je revins à la ville, on répandit parmi le peuple, pendant la célébration du service divin, la nouvelle que le religieux arménien allait monter sur le vaisseau : « Rassemblez, disait-on, des vivres pour le salut de vos enfants et pour votre propre avantage. » On apporta tant de bonnes choses surtout en provisions qu’il était impossible d’en manquer. Nous entrâmes dans le vaisseau le mardi de la Quasimodo et nous parcourûmes le monde pendant soixante-huit jours, puis nous vînmes dans la ville de l’extrémité du monde(*39). Nous allâmes ensuite en Andalousie, dans la ville qui est au milieu de la mer ; nous restâmes dans cette ville pendant dix-neuf jours, parce que nous avions essuyé de grandes tempêtes et que notre navire avait éprouvé des avaries que l’on s’occupa à réparer en ce lieu. Cette ville est très jolie, petite, mais pleine de magnificence(*40). Nous nous séparâmes en ce lieu et j’allai à Sainte-Marie de Guadeloupe(*41). Je me rendis de là à Séville, où je vis la reine Isabelle. Je repartis ensuite et je m’embarquai ; il nous fallut dix-huit jours pour aller au pays de Maghreb(*42), à cause de la violence du vent qui était contraire et de la tempête. Enfin nous arrivâmes à Salobrena. Je ne voulus plus rester sur le vaisseau. Après m’être reposé trois jours, je me mis en marche tout seul, pour pénétrer dans l’intérieur du pays des Magrébins(*43), et je passai une grande montagne(*44), qu’il me fallut deux jours et demi pour traverser, et j’arrivai à Grenade, capitale des Magrébins, qui a été prise par la reine. C’est une grand et riche ville ; j’y restai onze jours. Après cinq jours de marche, j’atteignis la grande Jaen qui possède un suaire du Christ. - *39 Sans doute à Sainte-Marie de Finistère, dont il a déjà été question ci-devant. Le texte numérisé de l'article de J. de Saint-Martin sur le site SaintJacquesInfo |
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