"La
Vérité nous rendra libres : Arméniens et Turcs
réconciliés "
méthodes américaines de marketting, de communication,
de journalisme et éducation anglo-catholique
au secours de "la réconciliation arméno-turque"
?
- The Truth Will Set Us Free:
Armenians and Turks Reconciled, ISBN:
0954459903, publié le 1er Septembre 2003 et cinquième
livre de George Jerjian
- Table de matières :
- Préface : Ancien Senator Bob Dole
- Remerciements
- Avant-propos
- Prologue : L'histoire de Cain et d'Abel
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- Première Partie - Le
passé :
_ L'honorable Turc : l'histoire de Nonna
- Deuxième Partie - Le Présent
_ Préserver la vérité
- Troisième Partie - Le Future
_ J'ai un rêve (I have a dream) |
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Le point de vue du CRDA
à propos du livre :
The Truth Will Set Us Free: Armenians and Turks Reconciled
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- Monsieur George Jerjian semble avoir
une bonne formation universitaire, être un bon professionnel
et avoir des données historiographiques ne serait-ce
en citant l'épisode des Jeunes-Turcs à Malte.
- L'auteur se présente avec éloquence
à un niveau internationnal, maitrise la vente par le
web et apparait avoir des relations dans le milieu américain
politico-financier et conservateur (Bob Dole & Cato Institute).
_<<
_George Jerjian |
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Mais faut-il rappeler que
- plus que "La Vérité" qui a l'air
d'être l'écho de l'universalisme catholique eurocentriste
ou de la vision anglo-saxonne du monde en réaction au 11 Septembre.
- il s'agit ici d'un génocide, d'un déni de génocide
et des mécanismes conséquents : des mécanismes
cachés ou sous-jacents avec des enfermements (conscients ou inconscients)
chez les descendants des victimes et des bourreaux. Ce sont des réalités
qui existent bel et bien et non pas des abstractions ou des qualifcations
éthiques. Voir pour cela notre chapitre X.Inconscient(s)
collectif(s), Mémoire(s) et 1915
- George Jerjian dévelloppe-t-il dans son
livre le mécanisme de libération intérieure grâce
à l'acceptation des faits du passé? Il y a en effet enfermement
génocidaire tant que le déni est maintenu. Jerjian le
dévelloppe mais avec l'approche marketting à l'américaine,
semble-t-il : en mettant en avant la sensation d'être" libre"
que recherche le lecteur-consommateur moyen.
- Il faut aussi remarquer que le mot "réconcilié"
est un mot magique qui répond à l'attente de beaucoup
de lecteurs-consommateurs qui ne sont pas réconciliés
avec eux-mêmes, avec leur famille, avec leur job, etc. Je
peux envisager que ce livre aura un succès commercial non
négligeable en Amérique.Pourquoi pas ? Et tant mieux
en ce qui concerne la diffusion commerciale de la connaissance
du génocide arménien au sein du peuple américain.
Les formules évidentes du genre "We all tend to
think that big results require big efforts, efforts beyond the
ability of one individual" plaisent aux Américains
avides de formules pratiques, sympas et encourageantes.
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- George Jerjian
va même jusqu'à poser la réconciliation en premier
et présente le dialogue en conséquence. Ce serait mettre
la charrue avant les boeufs. Par un effet de baguette magique, pourra-t-on
"réconcilier" les Arméniens et les Turcs au
point de nouer leurs drapeaux respectifs ?
Cela n'est plus griller les étapes ou prendre un raccourci réducteur
: cela me donne l'impression de relever d'un tour de passe-passe.
- Peut-être ne sommes-nous pas assez modernes,
trop habitués à l'esprit critique français -en
essayant de ne pas faire de la critique franco-hexagonale (systématique)?
Peut-être est-ce là, le mode de vie dans le Nouveau Monde
: une couverture de livre concernant un sujet très délicat
en forme de publicité d'ice-cream pour super-marché américain?
J'irai même dire que j'ai l'impression de voir une affiche invitant
à un show de prestigitation en paillettes à Las Vegas.
On serait en plein "happy-end" à l'américaine
et je crois pour ce livre, que c'est bien parti pour être un best-seller
aux USA.
- Ou peut-être bien, y a-t-il là
plus que ces premières impressions : il y aurait une nouvelle
stratégie subtile et sophitiquée ?
En effet, plus que de mettre la charrue avant les boeufs, en visant
la réconciliation d'abord et non pas le dialogue, George Jerjian
veut-il renverser la vapeur ? Et avec cette méthode, pourra-t-il
mettre en marche un mécanisme turc pro-arménien, comme
il le souhaiterait?
Je suppose qu'il a tenu compte tenu de l'importance du négationnisme
de l'Etat turc avec son appareil administratif et diplomatique,
avec ses répressions et ses hypocrisies, avec son budget à
produire et à diffuser des mensonges.
Mais comme il s'agit ici d'une initiative individuelle et non pas associative
comme ce fut le cas avec
le Crat, l'administration européenne et sa diplomatie ne
pourront pas prendre cette initiative individuelle comme prétexte
: un prétexte eurocentriste de bacler ou d'escamoter l'examen
de la candidature de la Turquie à l'Union européenne.
- George Jerjian étant journaliste, doit
certainement posséder les techniques de la communication. Avec
un tel professionnalisme, il faut s'attendre dans les medias à
des débats télévisés. Comme il s'agit de
"lréconciliation arméno-turque", les accusations
de haine à l'égard des Arméniens de la part des
Turcs se révèlent encore plus mensongères et artificielles
: ces derniers ne pourront pas se défiler devant un débat.
George Jerjian doit avoir une aisance verbale d'annonceur
ou de présentateur au niveau de toastmaster
international. Dans un face à face télévisé
et en direct,: il y a des chances qu'il mette un interlocuteur turc
pratiquant les
méthodes du déni en contradiction avec lui-même
ou au pied du mur.
-
Je
ne sais pas aussi si George Jerjian est au courant de l'autre réalité
historique souvent cachée par le déni du génocide
et des massacres hamidiens : il y a le
devchirmé ottoman qui est moins connu et qui a sévi
parmi les peuples chrétiens des Balkans et de l'Anatolie
aux XVI, XVII & XVIIIèmes siècles. Le dévichirmé
a terrorisé et amputé ces peuples chrétiens
de l'Empire qui y a puisé ainsi un sang nouveau pour son
peuple turc : les Seldjoukides et les Ottomans étant originaires
de l'Asie centrale et apparentés aux Mongols.
Pendant trois siècles, il y avait cette turquification continue
et forcée : par organisation de rapts de jeunes garçons
et de jeunes filles des villages chrétiens. Cette turquification
institutionalisée était décrétée
par le Sultan et organisée au niveau du palais impérial.
Cela explique l'aspect indo-européen de la population turque
actuelle : un aspect suscitant la connivence eurocentriste (inconsciente
ou non avouée) à occulter le négationnisme
de l'Etat turc -voir
notre page : Turcophilie(s)
- Ce qui explique l'agressivité virulente
et endémique des négationnistes turcs qui essaient de
surmonter un auto-génocide inconscient à cause de leur
déni du génocide arménien. Il y a en effet non-dit
d'un très grave problème identitaire qui agit en souterrain
parmi ces personnes turques à cause de leur enfermement négationniste.
Voir pour cela notre article : Le
Devchirmé ottoman, base inconsciente du négationnisme en Turquie ?
- Même si le génocide est reconnu,
il faut savoir qu'il restera entre Turcs et Arméniens cette mémoire
rémanente et (très) lourde à porter comme comme
c'est le cas entre peuples des pays des Balkans et la Turquie. C'est
cette relation qui existe entre Indigènes-Colonisateurs, comme
c'est le cas par exemple entre autochtones-slaves-polonais et militaires-teutons-germanisants,
entre indiens-autochtones et hispaniques-d'Amérique latine. C'est
pour cela que je suis assez réservé personnellement sur
cette façon d'utiliser le mot "réconciliation",
une façon à la manière intimiste ou religieuse...
Et éviter ainsi de dialoguer authentiquement, de faire l'état
des lieux et de parler de réparations ?
- Et dans ce domaine, les Etats-Unis ne sont pas
tellement en bonne position pour en parler: Voir notre page : Native
Americans and Armenians : same struggle for historical truth ?
De même la Grande-Bretagne qui à la Conférence mondiale
contre le racisme à Durban
en Septembre 2001, a présenté la Traite négrière
"comme un commerce, comme un négoce" et non pas comme
un crime contre l'humanité. Alors qu'il est important d'ajouter
que la France a reconnu dans sa législation la traite négrière
et l'esclavage comme crimes contre l'humanité. A propos de
la Conférence de Durban, voir notre lettre
ouverte à la Présidente de la Conférence
- Mais revenons
au livre de George Jerjian que je rappelle n'avoir pas encore
lu. Le titre à évocation religieuse du prologue
"L'histoire de Cain et d'Abel" peut en effet
donner une idée suggestive du crime au lecteur et permet
aussi d'investir le marché des lecteurs de la Bible. Cependant
les Arméniens et les Turcs n'étaient certainement
pas des frères ou apparentés ethniquement, faudrait-il
le préciser. En plus les Arméniens n'étaient
pas seulement écrasés par les Ottomans, mais
leurs enfants leur
étaient arrachés et alimentaient le réservoir
humain à turquifier. Allons-nous considérer alors
le fait que du sang arménien coule chez les Turcs, nous
les rendra "frères" pour autant ? Que pensent
donc les Bulgares, les Grecs et les autres peuples des Balkans
en ceux qui concernent leurs relations avec les Turcs ?
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- Pour terminer, je voudrais dire que
la très célèbre phrase "I have a dream"
de Martin Luther King a une valeur symbolique très forte
et peut servir de vecteur envers les Américains. M. Jerjian l'utilise
en effet pour son dernier chapitre consacré au futur et nous
nous en réjouissons. Nous-mêmes, nous ne manquons pas de
citer le titre du discours de Martin Luther King quand nous notons la
liaison en filigrane qui existe entre les structures génocidaires
des Arméniens et des Noirs vivant en Occident. Voir notre
page : Armenians,
Blacks & African-American Communities
Il faut remarquer que le discours de King à Washington s'adressait
d'abord à un pays où les descendants des victimes et des
bourreaux devaient vivre ensemble en harmonie. Est-ce que cette formule
pourra-t-elle s'adresser à la Turquie où il ne reste qu'une
toute petite communauté arménienne limitée à
Istanbul ? Que dire alors des montagnes d'Arménie occidentale
où il n'y a plus d'Arméniens ? La formule "I have
a dream" ne peut malheureusement s'y appliquer. A moins qu'elle
s'y applique déjà grâce à la présence
onirique des un million et demi de fantômes arméniens :
des fantômes arméniens rôdant toujours jusqu'à
la reconnaissance officielle du génocide de 1915 par la Turquie
?
C'est pourquoi on risque de tomber (in)consciemment dans des errances
psycho-affectives à flou artistique si on ne parlera pas aussi
des autres réalités criantes et actuelles de l'Etat turc
: celles concernant son blocus de l'Arménie, sa répression
à l'encontre du peuple kurde et l'atteinte aux droits de l'Homme.
- Nous verrons bien ce qu'il en est à
la lecture du livre de George Jerjian.- Paris
le 29 Octobre 2003.
- Nil Agopoff
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