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En effet la Turquie serait-elle "un pays laïc" ? Sachant :
- que la Turquie fait partie de l'Organisation de la Conférence
islamique [la dernière Conférence des Ministres
des Affaires étrangères de l'O.C.I. eut lieu à Istanbul en Juin 2004],
- qu'il est obligatoire en Turquie de mentionner son appartenance
religieuse sur les papiers d'identité
- que c'est un État laïciste musulman qui prend en
charge la formation de ses religieux pour mieux servir son idéologie
kémaliste : une idéologie nationaliste bétonnée
en jacobinisme. Cela n'étant souvent pas perçu,
il y a confusion entre laïcité et laïcisme :
une confusion surtout entretenue par les islamophobes qui cherchent
à diaboliser l'islam et à faire confondre islam
et islamisme.
- et que enfin, la Turquie kémaliste dans sa volonté
de faire table rase, a supprimé l'institution prestigieuse
du Califat en 1924.
Il y a ici un non-dit très important au niveau de ce dernier
registre religieux et symbolique : cette suppression était
destinée en non-dit pour ne pas qu'un Calife autonome et
imprégné de la tradition du Livre -contrairement
à l'islam des janissaires- puisse un jour condamner solennellement
le génocide de 1915, un crime contre l'Humanité et contre l'islam.
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La Turquie se voudrait être
aussi "un pays moderne" sous prétexte qu'elle a
adopté l'alphabet latin. Peut-être, l'alphabet est-il
plus approprié à la structure de la langue turque
et à sa phonétique que l'alphabet arabe? Car la langue
turque n'est pas sémite et appartient au groupe linguistique
altaïque turco-mongol. Des linguistes pourraient éventuellement
nous le dire. Cependant ce que nous savons, c'est que l'adoption
de l'alphabet latin par le régime kémaliste, lui a
fait rapprocher l'Europe en flattant ainsi son eurocentrisme.
Mais en fait sous couvert de cette "modernisation", l'État
turc a cherché surtout à créer en fait un écran
entre les générations turques : afin qu'il y ait entrave
pour son propre peuple à la transmission des témoignages
sur l'organisation et l'exécution des déportations
et des massacres de 1915 et après.
- >> abandon de l'alphabet arabe et adoption de l'alphabet latin .
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Même en écartant
la réalité géographique d'un territoire
plus de 95% hors d'Europe, la Turquie se veut être "un
pays européen" par son image de marque : sachant
que la nouvelle République turque avait interdit le port
du voile et du couvre-chef de l'époque ottomane, le fez
(le fez qui a été remplacé dans les campagnes
par la casquette et le chapeau dans les villes),
La Turquie en acquérant
cette image vestimentaire à l'européenne,
a en fait collé l'image des massacres organisés
(et inconsciemment de son concept) aux autres orientaux
de la région qui gardaient le costume traditionnel
: les Arabes qui recouvraient leur indépendance et
les Kurdes qui seront massacrés à leur tour
par les armées kémalistes.
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Si on désire réellement
parler de "vocation européenne de la Turquie",
ce n'est pas tant des siècles d'occupation ottomane dans
les Balkans jusqu'à Vienne qu'il faut discourir, mais
plutôt s'entretenir du devchirmé ottoman peu connu en Occident : c'est-à-dire la levée
des jeunes filles et des jeunes garçons chrétiens
qui était institutionalisée à l'intérieur de l'Empire
ottoman aux XVI-XVIII siècles. Selon l'historien français du
XIXème siècle Théophile Lavallée, cet impôt sur le sang
-contemporain de la Traite négrière organisée
dans les ports de l'Atlantique- a turquifié sur trois siècles
près de cinq millions de jeunes enfants enlevés à leur
famille.
Avec un tel processus d'amputation ethnique et de melting-pot
forcé en puisant dans le parc humain des slaves, des
grecs ou des arméniens, la population turque s'est renouvelée.
Par centaines de milliers et centaines de milliers, pendant
trois siècles, des jeunes garçons et des adolescentes
furent "enlevés" -pour ne pas dire très
souvent arrachés- à leur famille d'origine. Anthropologiquement,
il y a émotion de rupture qui est incorporée chez
les jeunes turquifiés choisis par la grâce du Sultan pour le servir. Ainsi pendant des générations
et des générations, il y a eu donc cette émotion plus
ou moins bien vécue, plus ou moins bien résorbée, consciemment
ou inconsciemment, qui a investi au fur et à mesure les
caractéristiques nationales des populations seldjoukides ou
ottomanes qui étaient venus d'Asie centrale. Il s'est
forgé ainsi au cours de trois siècles un sentiment
national à la prussienne et un esprit de clan peu enclin
au dialogue : que l'on retrouve aujourd'hui dans les menaces
voilées de représentants turcs si l'Union européenne
n'examine pas la candidature turque.
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N'étant pas au
courant de ces données historico-anthropologiques turques
en interaction avec le négationnisme d'État,
certains pensent pouvoir exporter à loisir la démocratie
en Turquie. Des politiciens en parlent, même sachant
en plus que l'Etat turc :
- occupe en toute illégalité depuis 1974 la partie septentrionale
de Chypre
- impose un blocus économique frontalier illégal avec l'Arménie
depuis plus de dix ans
- ne respecte pas les droits de l'Homme : ces violations -tolérées
et banalisées- des droits de l'Homme reposent sur le
négationnisme d'État qui leur sert de socle.
- et que tout cela étant des graves entorses à
l'esprit de l'Union européenne, des entorses tolérées
sous prétexte que la Turquie est un pays "laïc".
- Mais au-delà de ce débat sur
"la vocation européenne de la Turquie", il s'agit
de comprendre comment la France peut encourager de négocier
officiellement la candidature de l'État turc négationniste
à l'Union européenne au nom des "intérêts"
de cette dernière. Tout en demandant verbalement à la
Turquie de faire un devoir de Mémoire, le Président
de la République, Jacques Chirac, donnera-t-il aussi des directives
à son administration demandant aux associations communautaires
franco-turques de faire aussi ce devoir de Mémoire auprès
de ses membres? Comme il demande aux associations franco-maghrébines
de prendre en compte la laïcité républicaine?
Avec les approches répétées de deux poids deux
mesures et de discriminations politico-médiatiques, les gouvernement
français successifs construisent-ils ainsi une non-existence
du génocide arménien de 1915, sinon sa banalisation? Cette
occultation du crime de masse contre l'Humanité face aux "intérêts
économiques" de la France faut-il la considérer
comme ayant eu un antécédent dans le passé :
inscrit dans la Mémoire collective de la France? Ainsi aux
XVII-XVIIIèmes siècles, est-t-il nécessaire de
rappeler que la France pratiquait pour "ses intérêts"
avec les autres pays d'Europe occidentale, la Traite négrière
et l'esclavage dans les Antilles : des crimes qui n'avaient pas manqué
d'être occultés, banalisés au point d'être
réglementés par le Code Noir de Colbert. Et que de plus,
l'esclavage aboli pendant la nuit du 4 Août 1789 à l'Assemblée
constituante avait été rétabli par Bonaparte
? Et encore en plus à l'abolition de l'esclavage en 1848, les
propriétaires d'esclaves n'avaient-ils pas été
indemmnisés ?
- Il faut savoir qu'un génocide, même
banalisé, ne se négociera pas : son déni bloque
le rétablissement de la Transmission humaine dans l'Inconscient collectif.
Il y a mutisme avec opacité transparente : comme si de rien
n'était... Cependant il y a crime contre l'Humanité, un crime dont
la reconnaissance est pourtant inscrite dans la Loi française depuis
le 29 Janvier 2001 : une loi qui est là pour aider à
rétablir la symbolique de cette transmission humaine brisée.
Ainsi une loi de la Loi est mise en sourdine par la caisse de résonance
politico-médiatique en écho aux marchands du Temple en relation commerciale
avec la Turquie : une caisse de résonance au service aussi des marchands
de canons d'aujourd'hui qui sont les marchands d'esclaves d'hier.
- Une loi de la Loi étant anesthésiée, la Loi
risque de se muter en fossile symbolique et l'Insconscient collectif
français de s'en trouver affecté par carence. Une telle situation
inadmissible de deux-poids-deux-mesures ne pourra que décrédibiliser
la Loi en particulier à l'égard des musulmans de France
à qui on veut faire miroiter une gratification surréaliste
par la candidature d'une "Turquie laïque". Les musulmans
de France originaires du Maghreb, n'en seront pas dupes : ils vivent
naturellement dans leur très grande majorité leur foi
islamique dans la laïcité républicaine, mais tout
en souffrant souvent de l'exclusion d'un laïcisme médiatique dénoncé dans les forums franco-musulmans.
- A l'occasion du débat sur la candidature
de la Turquie en omettant encore de dire dans les médias qu'elle
est négationniste, il n'est pas exclu que les musulmans de
France ne manqueront pas alors de dénoncer encore avec plus
de justesse un tel laïcisme qui ne veut pas donner son nom véritable.
Car consciemment ou inconsciemment, ne s'agit-il pas ici de la partie
visible de l'islamophobie? En effet, l'islamophobie -prenant la relève
aujourd'hui de l'antisémitisme du siècle passé
ou accompagnant ce dernier- cherche à se justifier comme rempart
luttant contre l'islamisme. Les Chrétiens orientaux si favorables
au dialogue islamo-chrétien, le savent fort bien : seul l'islam
peut contrer l'islamisme efficacement et à la base.
Il existe maintenant une islamophobie à partition eurocentriste.
C'est une islamophobie mercantile qui ne rechigne pas à décrocher
des contrats commerciaux à une Turquie négationniste
et pragmatique. De plus, cet islamophobie pense trouver dans cette
Turquie laïciste présentée comme "laïque",
un nouvel Etat-harki pour "défendre" l'Union européenne
de l'islamisme dans cette région du monde. Tout cela se met
en place dans une Real Politik, en occultant les violations
des droits de l'Homme en Turquie et en fabriquant un déni politico-médiatique
du génocide arménien de 1915 dans l'Union européenne
: au point d'escamoter la réalité du blocus turc de
l'Arménie depuis plus de dix ans!
- Et entre temps, au delà de l'Union
européenne, le Moyen-Orient non-turc est secoué par
les forces centrifuges engendrées à la longue par la
suppression kémaliste du Califat en 1924, le Calife qui était
au sommet de la hiérarchie de l'islam : celle de la très
haute dignité religieuse de Commandeur des croyants. Les conséquences
socio-culturelles et politiques -occultées et opaques- s'y
enchaînent en filigrane et en filiation. D'occultation en occultation,
d'omission politico-médiatique en omission politico-médiatique,
on remonte historiquement et laborieusement au point de départ
qui est l'année 1915, celle d'un meurtre innommable...
- 1915 se trouve être ainsi une année
historique qui n'aurait jamais existée, un point de départ
de l'impunité internationale des crimes organisés racistes
ou politiques -en particulier les deux impunités suivantes
:
- l'impunité d'extermination planifiée, une impunité
exploitée par un certain Chancelier Hitler
qui la résume dans ses propos avant d'attaquer la Pologne en
1939 : "Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens?"...
- et enfin l'impunité recherchée aujourd'hui par les
terroristes islamistes encouragés en non-dit -consciemment
ou inconsciemment- par un négationnisme d'État toléré
ou occulté, celui d'une Turquie qu'on ne cesse de présenter
comme "laïque", "moderne" et "à
vocation européenne"...
- Il y a déjà une situation sociologico-politique-diplomatique non évidente aussi bien dans l'Union européenne que dans ses relations avec le monde musulman. La candidature d'une Turquie qui reste sur ses positions d'un négationnisme d'Etat ne pourra pas que rendre cette réalité plus compliquée et ce n'est pas toujours visible aux politiciens qui croient bien faire.
- Nil Agopoff, Paris
le 26 Décembre 2004.
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