Réédition francophone sur la thématique arménienne : littérature, histoire, études, sciences, etc... ?
Antaram de Trébizonde de Paule Henry-Bordeaux

Antaram de Trébizonde,
Paule Henry-Bordeaux

315 pages, Albin Michel, Paris 1930

A part les éditeurs franco-arméniens,
autres éditeurs qui pourraient éventuellement être intéressés

Recherche bibliographique et transcription : Internaute NoComment du Forum NAM - Mise en page : Nil V. Agopoff
Le livre Antaram de Trébizonde de Paule Henry-Bordeaux entièrement scanné en PdF par dvdk :
185 pages + 129 pages

Extraits

  • p161:
    "...Nous étions à la merci de notre escorte. Je t´ai dit le nom des deux brutes qui la conduisaient. Je ne sais s´ils étaient plus cupides ou plus immondes. Tout leur était prétexte à nous ranconner. Les haltes étaient employées à nous fouiller et malheur à celles qui n´avaient pas quelque argent à montrer! Le jour où nous n´aurons plus rien, nous serions rayées du monde des vivants. J´avais de l´or dans mon savon, dans mes bobines de fil. J´avalais jusqu´à dix livres sterling et je souffrais de l´estomac à m´évanouir..."

  • p162-163-164:
    " ...Dans les villages, sous les fenêtres mêmes du kaïmacan invisible, Hagha et Feïk organisaient un véritable marché d´esclaves. Tu entends bien. Ils triaient les femmes, comme des graines; les saines et les belles, d´un côté; les petites et les laides, de l´autre. Ils séparaient les mères des filles.
    Quand aux enfants, les mieux venus étaient donnés en primes aux acheteurs. Et que ceux-ci ne se rebutent point! Qu´ils approchent! Il est permis de toucher à la marchandise, d´ouvrir les bouches, de palper les membres. On peut avoir une femme trés convenable pour quelques sous. Allons, faites votre choix. Dame, une vierge c´est beaucoup plus cher. Vous n´aurez pas une vierge à moins d´un ou deux medjidiehs (4 ou 8 frans). Par Allah! c´est rare par le temps qui court...
    Hagha et Feik pouvaient l´assurer en confiance, eux qui, à chauqe halte, s´appropriaient les filles de leur choix... Le silence des nuits tremblantes de larmes et voilées de sanglots légers comme des soupirs, était troué de cris atroces."Mayrik, Mayrik!(maman) sauve-moi!" J´entendais les corps tomber sur le sol mou ..."

  • "...Ma nourrice possédait la science des herbes. Tout en marchant, elle se baissait et cueillait, à la hâte, des plantes; elles mélangeaient le tout et en faisait une sorte de cataplasme que je m´appliquais sur la figure, la tête et le cou. J´avais une éruption, qui ne me faisait pas souffrir, mais qui boursouflait ma peau, enfoncait mes yeux et me rendait épouvantable. En outre elle me faisait garder sous l´aisselle une sorte d´ail sauvage qui empestait. Je répandais une odeur qui aurait éloigné de moi le désir le plus intrépide. Malgré cela, je n´étais pas tranquille, et lorsque je m´allongeais, serrée entre mes deux vieilles gardiennes qui me tenaient par la main, je sentais l´anxiété me mordre et me ronger le coeur. Mes angoisses de Trébizonde me paraissaient puériles. Cette fois, j´ai cru connaître la vraie peur qui rend criminel et fou.

    A deux corps étendus de moi, la femme du marchand fut enlevée avec son petit dans les bras. Ah si le ciel n´avait pas été vide, il aurait dû crouler sur nous. Je ne peux plus évoquer la douleur surhumaine que contenaient ses cris. Je porte instinctivement les mains à mes oreilles. La fillette avait voulu défendre sa mère et , comme elle frappait Hagha de son petit point vengeur, celui-ci tira son pistolet et lui fit sauter la cervelle. Au matin, nous nous chargeâmes des juemelles: voilà ce qui restait d´une heureuse famille de Trébizonde..."

à suivre