Le Révérend Père Komitas, les musiciens français
et le musicologue Père Pierre Aubry (1874-1910)
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Komitas et la France par Anna Arevchatian
- L'oeuvre du Révérend Père Komitas compte parmi les manifestations les plus brillantes et considérables de l'art arménien. Jusqu'à aujourd'hui, la richesse du génie musical de Komitas reste étonnante. Auteur de pièces pour piano, d'oeuvres vocales et d'arrangements pour choeur, d'une pureté de style et d'une perfection inégalées, Komitas fut aussi un chercheur minutieux nous ayant légué un certain nombre d'études qui n'ont rien perdu de leur valeur scientifique, un grand connaisseur et un infatigable collecteur de chants rustiques et spirituels arméniens, enfin un excellent interprète, chef de choeur et professeur de chant. Il fonda l'école classique arménienne et indiqua lès voies de son développement ultérieur.
Bien de pages intéressantes de la carrière artistique de Komitas sont liées à la France. Plus particulièrement les conférences et les concerts donnés à Paris en 1901, 1906-1907 et 1914 sont les premières performances de musique arménienne en Europe, dont le succès et la résonance furent exceptionnels. C'est à cette époque que débute l'amitié de Komitas avec un certain nombre d'intellectuels arméniens demeurant à Paris, ainsi qu'avec d'éminents compositeurs et musicologues français, tels que Vincent d'Endy, Romain Rolland, Louis Laloy et Bourgot-Ducoudrai. Par la suite, Claude Debussy, Charles Coquelin, Pierre Aubry et Amédée Gastoué se sont souvenus avec admiration de Komitas dans leurs mémoires C'est aussi à Paris que Komitas trouva son dernier asile, c'est là que fut créée, grâce aux efforts de ses élèves, la Commission qui s occupa de son héritage et commença la publication de ses oeuvres.
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La collaboration du père Komitas et du père Aubry :
compréhension mutuelle et divergence d'opinions
par Khatchik Samvélian
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L'intellectuel français Pierre Aubry (1874-1910), théoricien et spécialiste de musique médievale, orientaliste et arménologue, a été un érudit qui a marqué la vie musicale du Père Komitras (1869-1935).
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Ayant reçu une formation arménologique auprès d'Antoine Meillet (1866-1936) et ayant adopté les théories de ce dernier en linguistique, Pierre Aubry souhaitait appliquer les principes de la méthode historique comparative, qui avaient connu un grand succès dans ce domaine, au système musical des peuples appartenant au groupe indo-européen et créer ainsi une nouvelle théorie, sous le nom d'études de "musique comparée". Il pensait que cette comparaison pourrait aboutir à une vue synthétique de la genèse des caractéritques communes à ces différents systèmes. Ayant présenté cette idée à Antoine Meillet, qui eut une réaction négative tout en lui adressant des propos élogieux pour ses connaissances conernant les travaux du Révérend Père Komitas, Pierre Aubry part pour Etchmiadzine en mars 2001.
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C'est dans ce milieux monastique
qu'il a fait la connaissance du grand musicologue, dont il entend des psalmodies et des charakans, la sainte messe ainsi que les chants rustiques. Il passe l'essentiel de son temps en compagnie du Révérend Père Komitas, surcharge de travaux de recherches. Dans ses souvenirs publies après son retour à Paris, Pierre Aubry relate en détail ses impressions d'Etchmiadzine. Curieusement on n'y trouve rien sur la "musique comparée", ni sur ses entretiens avec Komitas ni sur l'attitude de celui-ci. Cependant il est clair que Komidas n'adhérait pas à la théorie qu'il avançait et que Pierre Aubry n'a pas trouvé dans la musique arménienne les élèments nécessaires pour fonder ces hypothèses.
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Dans sa conférence prononcée au premier congrès de la Société Internationale de Musique à Berlin comme dans ses autres travaux, Komitas développe l'idée que les Arméniens ont une musique spécifique qui, dans ses fondements, n'est ni celle des peuples orientaux, ni celle des peuples des Occidentaux. On comprend donc qu'il ne pouvait admettre la théorie avancée par Pierre Aubry. En outre, il faut supposer que Komitas avait réussi à le convaincre que cette théorie n'était ni scientifique, ni raisonnable. Il est significatif qu'après son séjour à Etchmiadzine, Pierre Aubry n'éprouve plus le même intéret pour sa théorie. Cette attitude semble bien avoir été dictée par les facteurs nouveaux, découverts à Etchmiadzine.
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Bien que Pierre Aubry ait quitté Etchmiadzine sans y avoir trouvé ce qu'il espérait, il y a néammoins recueilli un grand nombre d'informations grâce à ses entretiens avec Komitas, ce qui lui donnera la possibilité de faire plus d'une intervention consacrée à la musique arménienne.
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