Génocide arménien et discriminations dilatoires à l'Assemblée nationale :
risques idéologiques du profit à tout prix ou du deux.poids.deux.mesures ?
  • Ainsi, après cette matinée mémorable du 18 mai à l'Assemblée nationale, il est notoire qu'au delà

    - des manoeuvres politiciennes dilatoires patentes qui se sont passées dans l'hémicycle parlementaire et qui ont été rapportées par la presse,

    - des pressions de l'Etat turc sur le gouvernement ou sur les députés français -des pressions qui bénéficient d'un budget d'Etat et qui ne sont plus cachées,

    - des influences des milieux affairistes français qui évaluent à 14 milliards d'euros de contrats en jeu avec la Turquie,

    le discours du ministre des Affaires étrangères, M Philippe Douste-Blazy conclut encore une fois sur les concepts de :

    - la prédominance des intérêts économiques sur les Droits de l'Homme : même au prix d'occulter le négationnisme du crime contre l'Humanité prémédité et programmé (continuation idéologique de la Traite négrière et de l'esclavage)

    - l'acceptation banalisée d'un négationnisme rampant ou non du génocide de 1915 [une telle négation banalisée de ce crime imprescriptible pour le génocide des Juifs organisé par l'Allemagne nazie, aurait soulevé une réprobation politico-médiatique immédiate et aurait entraîné une condamnation juridique par la Loi Gayssot].

    Il y a négationnisme banalisé du génocide arménien : ce dernier ayant eu lieu hors d'Europe, l'idéologie eurocentriste post-colonial du deux.poids.deux.mesures a coutume de minimiser ou de présenter comme anodin le Génocide arménien -tel un "détail" de l'histoire.

  • Dans son discours, M. Douste-Blazy comme Ministre des Affaires étrangères fait état d'un début de travail de mémoire en Turquie -hélas encore très restreint et qui semble relever du simulacre. Mais le ministre ne dit rien du travail de mémoire nécessaire pour les 300 000 ressortissants turcs en France, des familles qui ont été conditionnées par 90 ans de mensonges d'Etat : un travail qui doit être organisé et supervisé par le Haut Conseil à l'Intégration qui dépend du Premier Ministre. Faudrait-il rappeler pour cela la manifestation turco-négationniste à Lyon, une manifestation infiltrée par l'organisation nationaliste d'extrême-droite turque "Les Loups Gris".

    La Proposition de loi en question tend à sanctionner pénalement la négation du génocide arménien. Il s'agit surtout d'une loi qui considère le négationnisme comme une atteinte à l'ordre public. C'est ainsi qu'il y a eu en effet des actes racistes anti-arméniens devant la Mairie de Valence ou à l'encontre du Mémorial de Lyon qui est dédié aux victimes de tous les génocides. Le Ministre Philippe Douste-Blazy en exprimant seulement "qu’il revenait aux historiens, et à eux seuls, d’établir la réalité des événements du passé et de façonner notre mémoire collective", suit la stratégie négationniste de l'Etat turc à faire reculer juridiquement le débat. Le Ministre occulte la nature de la proposition de loi s'appliquant à la défense de l'ordre public. Faudrait-il encore répéter que les déportations et les massacres organisés sont des faits historiques de 1915 et qu'ils sont reconnus comme un génocide par l'Association internationale des chercheurs sur les génocides.
    D'autant plus cette incontournable information a été largement diffusée en France et dans le monde.

    De plus historiquement, il est essentiel de rappeler que la France n'est pas si étrangère au génocide arménien et ceci des les premières années : d'abord par sa reconnaissance et ensuite par son occultation. En effet, la France a qualifié publiquement par sa déclaration du 24 mai 1915 les nouveaux crimes de la Turquie de crimes contre l'humanité et la civilisation. De plus la France appelle en 1918 les survivants arméniens des massacres et des déportations à retourner en Cilicie. Hélas en 1921, la France abandonnera les rescapés arméniens sur place, préférant ses intérêts politico-économiques avec la nouvelle Turquie kémaliste. Malgré cela, les Arméniens se réfugiant en France, terre d'asile, participeront activement à la Résistance contre l'occupation de la France par les armées de l'Allemagne nazie, en particulier l'orphelin et rescapé de 1915, Missak Manouchian, héros de "l'Affiche rouge"
    .

  • Aujourd'hui, prenant connaissance de l'historique génocidaire et de la structure post-génocidaire de dénégation politico-médiatique, la revendication légitime franco-arménienne sur 1915 est naturellement comprise par les citoyens français de la société civile. Mais au niveau des Institutions, on s'interrogera encore une fois sur la crédibilité des discours officiels français concernant les Droits de l'Homme en général.

    Dans ces conditions, nous pouvons nous demander quelles sont les qualifications réelles de la classe politique de l'Hexagone : en particulier sur les capacités de beaucoup de politiciens franco-français de pouvoir intégrer l'immigration étrangère. Car il s'agit aussi d'avoir un minimum de compréhension socio-culturelle et de considération authentique à l'égard des immigrants -dont certains viennent d'horizons encore plus éloignés que l'Arménie : sachant en plus que les franco-arméniens sont en France depuis 70 ans.

    Au mois de novembre prochain à l'Assemblée nationale, nous verrons concr
    ètement ce qu'il en sera de la séance prévue par une nouvelle niche parlementaire sur la proposition de loi réprimant le négationnisme du Génocide arménien de 1915 : nonobstant les pressions du Président de la République, Jacques Chirac, qui est opposé à cette propositon de loi. Cette séance critique pour l'image de la Patrie des Droits de l'Homme, sera ainsi un révélateur de la considération effective que les élus de la République auront sur la riche diversité multi-culturelle de la France !

  • Nil Agopoff, chercheur d'application

Quelques www sur d'autres sites

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à compléter
- Le 18 Mai 2006, l'Assemblée nationale, en la personne de son président Jean-Louis Debré, a renvoyé aux calendes grecques (ou plutôt aux calendes turques) l'examen du projet de loi...