- Le devchirmé en effet est l'impôt sur le sang qui a sévit sur les populations autochtones chrétiennes de l'Empire ottoman pendant trois siècles. Il y avait un quota de jeunes garçons et de jeunes filles qui devaient être turquifiés. Selon l'historien français du XIX° siècle, Théophile Lavallée, il y aurait eu 5 millions de personnes arrachées à leur foyer sur 3 siècles. La partie connue, celle militaire, est en effet celle des Janissaires. La partie peu connue, civile, laborieuse, silencieuse, fut plus importante. Il y eut un processus d'alimentation démographique turco-ottoman par broyage ethnique des Slaves, des Grecs ou des Arméniens de l'Empire. Ainsi en temps de paix, les jeunes enfants et les jeunes filles étaient enlevés périodiquement de leur famille "au nom du Sultan" -pas très jeunes sinon ils mourraient en cours de route, pas très âgés, sinon ils restaient attachés à leurs origines. Ces novices à turquifier -coupé(e)s de leur famille- étaient éloigné(e)s de leur village d'origine et dispatché(e)s dans tout l'Empire auprès des féodaux ottomans.(*) C'est ainsi que l'on peut remarquer dans les miniatures ottomanes la mutation ethnique allant du type turcomane de l'Asie centrale au type turc actuel anatolien.(**)
- Au delà de la terreur ou de l'abrutissement en prise sur les populations chrétiennes déjà en mutilation, il y a à chercher quels sont orientalistes qui se sont intéressés à travailler sur le devchirmé ? Ont-ils été amenés aussi à un questionnement sur les conséquences d'un tel apport à la genèse du peuple turc -déjà historiquement en héritage nomadique du Turkestan ? Une telle mise en oeuvre ethno-religieuse n'a pas existé chez les Perses ou les Arabes - les islamisations en groupe de ces peuples, ayant eu lieu en effet en respectant la cellule familiale. Il s'agit ici chez les turco-ottomans d'un mécanisme anthropologique bien particulier. Ainsi pendant 3 siècles, il y a eu formation de générations de turquifié(e)s avant eu une enfance et adolescence en ruptures familiale, religieuse, culturelle, sociale et géographique : en ayant à surmonter les nouvelles conditions en dehors d'un tissu familial autochtone classique et en ayant par la suite à résorber plus ou moins bien cette rupture en tant qu'adulte turc.
- Ainsi y a-t-il eu des turcologues qui auraient exposé ce phénomène psychosociologique turco-ottoman sur trois siècles ? A-t-on pu y faire appel aussi à des historiographes bulgares, macédoniens, grecs ou arméniens ? Le processus ethno-anthropologique du Devchirmé ottoman pourrait avoisiner plusieurs autres dans l 'Histoire cités ci-dessous.
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