Aperçu des relations médiévales entre les Arméniens et les Français
(Extrait du livre de H. Turabian, Paris 1962, pp.44-45)
- Les relations étaient presque journalières entre les pontifes français et la cour arménienne de Cilicie. On sait l'importance attachée par les papes d'Avignon à la conversion de l'Asie occidentale, les missions de franciscains..., la diffusion qu'ils s'efforcèrent de donner aux langues hébraïques, chaldéenne, arabe, arménienne. Le Concile de Vienne, en 1312, avait décidé que dans toute ville où résiderait la Cour romaine, et dans les Universités de Paris, d'Oxford, de Bologne et de Salamanque, il y aurait des chaires pour les trois premières de ces langues et deux maîtres pour chaque langue. Mais l'arménien était enseigné apud curiam, enseigné par des envoyés du roi d'Arménie.
Les rois catholiques de ce petit pays, sentinelle détachée et guerroyante de l'orthodoxie au milieu des infidèles, entretenaient surtout depuis leur alliance avec les Lusignan, des rapports presque incessants avec les princes chrétiens de l'Europe occidentale et surtout avec le pape, leur plus ferme appui. Léon ou Lévon V, qui régnait alors, parent de Haïtoun ou Hétoum, ce moine prémontré, auteur du livre De Tartaris, dédié à Clément V, avait deux représentants auprès de son successeur : l'un européen, si on en juge par son nom, l'autre peut-être indigène, le prêtre Raynier de Constance et Alexandre Pierre, simple clerc. On leur donne, en 1322, une indemnité mensuelle de 24 florins et 12 gros tournois pour enseigner dans la curie « leurs langues »... [ M. Faucon, La librairie des papes d'Avignon... (1366-1420), Paris, 1886, t. 1, p. 31-32].
Le même historien rapporte (op. cit., p.32), que le pape Jean XXII cherchait à fonder des collèges latins en Arménie, et il cite (t. H, p. 29). un « liber de questionibus Armenorum, copertus de rubeo », comme figurant dans le catalogue des livres conservés dans la chambre du cerf-volant sous Clément VII (1).
La deuxième croisade de Saint Louis (1270), clôture officiellement la série de ces aventures qui mirent aux prises, deux siècles durant, l'Orient et l'Occident. Elle ne marque pas la fin des tentatives que firent certains princes d'Europe de délivrer les Chrétiens d'Orient du joug de l'Islam. Il suffit, pour s'en convaincre, de parcourir le livre de N. Jorga [Philippe de Mézières, 1327-1405, et la Croisade au XIV° siècle , Paris, 1896] et de relever les expéditions faites pour porter secours aux Arméniens. « Le royaume d'Arménie, seul représentant en Asie de la foi catholique, après sa prospérité passagère sous les Roupénides, allait finir par des guerres intérieures, autant que par les armes du Soudan » (N. Jorga, op. cit, p. 2), et son dernier roi, Léon de Lusignan, dépourvu d'énergie et incapable de remplir le rôle qui lui incombait, venait de finir ses jours au château des Tournelles, pour être enterré ensuite dans la basilique des rois de France, à Sanit-Denis (1393).
Jean Dardel, le confesseur et le chroniqueur du dernier roi de l'Arméno-Cilicie, était venu mourir dans sa patrie, à Etampes, le 6 décembre 1384.
Feu le P. Alichan a recueilli, dans son Sisakan (p. 456. b-457b) les données que l'on a des relations des Arméniens avec la France au cours du moyen âge. On peut résumer ce passage en quelques lignes :
...après avoir mentionné l'arrivée de Simon, évêque arménien au temps de Grégoire de Tours, et la présence probable de légats arméniens dans l'ambassade d'Haroun-al-Rachid à Charlemagne, le savant mekhitariste rappelle l'époque des Croisades et les relations commerciales qui s'établirent entre la Cilicie et les villes de Montpellier, Nîmes et Marseille. En 1295, un commerçant de Paris avait apporté en Cilicie des miroirs, des couteaux, des cierges. Léon IV accorde des lettres patentes et des privilèges aux commerçants de Montpellier (1321). Aux XVème siècle, quand Jacques Coeur institua une chambre de commerce à Bourges, il y avait, entre autres commerçants orientaux, des Arméniens.
- (1) Le n" 289 des manuscrits de la Bibliothèque d'Avignon renferme un traité consacré aux Arméniens, à leur théologie, à leurs rites « De Hermenis et erroribus et ritu eorion », traité datant de fin du XIIIn siècle, attribué à Reslin. de Strasbourg « fratris Reslini de Argentino », en réalité, le compendium en question est l'oeuvre du dominicain. in. Hugues de Strasbourg, XIIIème siècle.
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