Réflexion pour une lettre ouverte Septembre 2005 à la Bureaucratie européenne
à propos de la prochaine réunion des chefs d'État sur la candidature turque.
- Au mois d'Octobre prochain, l'Union européenne va décider si elle va ouvrir ou non des négociations sur la candidature turque. Y aura-t-il examen de la reconnaissance ou non de la République chypriote par la Turquie ? Y aura-t-il également examen du blocus entrepris par l'Etat turc de l'Arménie depuis plus de dix ans ? Un blocus étant un acte de guerre, faut-il le rappeller. Est-ce que la reconnaissance par la Turquie du génocide arménien qui avait été reconnu par de la résolution du 18 Juin 1987 au Parlement européen de Strasbourg, sera-t-elle aussi examinée ?
- Un génocide non reconnu et impuni bloque le temps et déstructure son environnement tant qu'il n'est pas reconnu : comme s'il y avait une candidature à l'Union européenne
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d'une Allemagne qui n'aurait pas reconnu les crimes nazis
- d'une Allemagne qui n'aurait pas exécuté les peines du procès de Nuremberg, un procès qui aurait été organisé par des juges allemands mitigés à l'égard de l'ancien régime nazi
- d'une Allemagne qui n'aurait payé aucune réparation
- d'une Allemagne qui aurait récupéré l'Alsace-Lorraine et la Silésie-Poméranie
- d'une Allemagne qui aurait érigé une statue à Hitler et donné le nom des criminels nazis à des écoles ou à des lieux publics.
- Envisager une négociation avec un tel pays -comme l'est devenu effectivement en non-dit l'État turc d'aujourd'hui- ne pourra que le conforter dans ses violations courantes des droits de l'Homme. Car ces violations reposent sur le socle d'un négationnisme d'État. Vouloir éclipser dans les négociations européennes le négationnisme du génocide de 1915, c'est aussi vouloir consacrer par là-même un apartheid de la Mémoire avec toutes ses discriminations politico-médiatiques que l'on connait : comme cela est encore le cas avec l'occultation de la traite négrière et de l'esclavage comme crimes contre l'Humanité. Pareilles occultations de ces faits et de la réalité de leurs ravages en conséquence dans l'Humain, ne peuvent être admissibles.
- Vouloir voiler ou minimiser le déni de crimes impunis est en contradiction profonde avec l'esprit de transparence démocratique si nécessaire pour le vivre ensemble que prône l'Union européenne. Si ce n'est le cas, c'est vouloir créer les conditions favorables à un négationnisme rampant ou à une idéologie eurocentriste des.deux.poids.deux.mesures. Ces mécanismes souterrains ne pourront que conduire à un Inconscient collectif déstructuré dans une Union européenne -qui risque d'être toujours compromise dans un déni de crime contre l'Humanité. Ces phénomènes négationnistes et idéologiques qui portent atteinte à la bonne santé de l'Union européenne, ne semblent pas visibles à cause d'autres perversions de phénomènes politico-économiques et politico-religieux de l'actualité internationale omni-présente.
- De plus, l'islamophobie voulant diaboliser l'islam, cherche à faire confondre l'islam avec l'islamisme -la perversion criminelle de ce dernier étant le terrorisme islamiste. Dans ces conditions il est difficile de faire le distingo entre la laïcité et le laïcisme. La Turquie présentée comme un Etat laïc, ne l'est pas mais est un Etat laïciste qui controle la religion pour la fonctionnariser et l'instrumentaliser au service d'une idéologie nationaliste qu'est le kémalisme. Il est nécessaire de rappeler que l'Etat kémaliste a supprimé le Califat en 1924, le Califat qui était une institution prestigieuse dès les premiers temps de l'islam : comme si on supprimait l'institution papale dans le catholicisme. Le Califat a été supprimé en non-dit pour ne pas qu'un jour, un Calife puisse reconnaitre le génocide de 1915 comme un crime contre l'Humanité et contre l'islam. Dans ces conditions on peut comprendre les dérives fanatiques et centrifuges dans cette région du monde en réaction au vide symbolique créé par la suppression du Califat. C'est pourquoi, penser donner le rôle d'Etat-harki à une Turquie déjà fortement militarisée ne réglera pas le problème à la base d'un islam instrumentalisé et dénaturé en 1915, amputé en 1924 et dénigré aujourd'hui jusqu'à la malveillance.
- Il est à craindre des graves complications internationales qui impliqueraient l'Union européenne sur le terrain si la Turquie en faisait partie : la dynamique d'élargissement pour avoir une Union européenne de poids face aux Etats Unis ou à la Chine, ne doit pas nous permettre de vouloir y intégrer absolument un Etat turc -surtout à idéologie kémaliste et négationniste. Vouloir négocier avec la Turquie pour son marché, pour sa main d'oeuvre peu couteuse, pour sa proximité aux richesses naturelles des pays de la Mer Caspienne et son pipeline, revient à fouler les ossements des un million et demi d'Arméniens massacrés, morts sans sépultures, dans l'anonymat et dans une déshumanisation indicible. Seule une reconnaissance du génocide arménien par la Turquie pourra leur donner une sépulture descente et pourra donner une dignité à des négociations futures.
- Sinon, faudra-t-il croire que c'est le libéralisme forcené qui mène l'Union européenne -comme si de rien n'était ? Une sorte de globalisation eurocentriste et ultra prônée par les Commissaires de Bruxelles qui ne sont pas l'émanation du suffrage populaire ? Et respectant si peu au point de minimiser un négationnisme d'Etat ? Faudra-t-il comprendre que cette globalisation est héritière des banquiers, des assureurs, des armateurs et des esclavagistes ayant contribué -sans scrupule- à la Traite négrière ? Va-t-on alors faire de nouveau l'éloge du "Siècle des Lumières" : et installer ainsi un paravent masquant la Traite négrière contemporaine -dont Voltaire possédait des actions?
La boucle mortifère ne sera pas bouclée. C'est ainsi en disant NON à la Constitution européenne, que les Inconscients collectifs français et néerlandais ont rejeté ce "libéralisme" -qu'on veut encore présenter comme un moteur socio-culturel d'élargissement.
L'expression populaire ne peut être continuellement abusée par une machine eurocratique se présentant à vouloir "exporter la démocratie" à un Etat négationniste qui en plus, ne cesse :
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de violer les droits de l'Homme,
- de ne pas respecter sa minorité kurde,
- d'occuper militairement Chypre
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et d'entreprendre un blocus à l'Arménie.
- Nil
Agopoff , Paris le 29 VIII 2005
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