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...Enfin, avec beaucoup de fatigue, et sans autre secours que celui de Dieu, j’arrivai au pays de Bayonne. Les chrétiens m’y reçurent avec une grande charité et m’y honorèrent bien plus que je ne le méritais. J’y restai pendant six jours.
- Ne trouvant point de compagnon, et m’abandonnant à Dieu et à saint Jacques, je marchai pendant beaucoup de jours, et je parvins, après bien des peines, au pays de Biscaye, où l’on mange du poisson. La ville de Biscaye [#01.պիսկայ p.361] (= Fontarabie) est au bord de la mer. J’allai de là à Saint-Sébastien [#02.սան սեբաստիան p.361] , où le maître de l’auberge et sa femme me traitèrent avec une charité sans bornes. Ils me gardèrent cinq jours dans cette ville. On fit deux ou trois fois la quête pour moi. Je n’ai pas vu une belle figure dans cette ville.
- Je partis ensuite du bord de la mer et je m’avançai pendant longtemps dans l’intérieur du pays ; je marchai, et je parcourus cinq ou six villes dans lesquelles je fus traité avec beaucoup d’honneur ; enfin après avoir encore marché pendant beaucoup de jours, je parvins à la grande ville de Portugalete [#03.փաւռթ ընկալէթ p.362], où je séjournai quatre jours. J’en sortis seul, et j’allai à Santander [#04.սանթ անտէր p.362], puis à Santillane [#05.սանթելանայ p.362] et ensuite à San Vicente de Barquera [#06.սանվիսան p.362] , au bord de la mer, où je fus traité avec beaucoup de bienveillance. Je partis de là pour aller à San Salvador [#07.սան տալվաթւր p.362] *31, puis à la ville de Betanzos [#08.պետանց p.362] *32. De là, avec beaucoup de peines, mais soutenu par le secours de Dieu, très fatigué et affaibli, je parvins enfin jusqu’au temple et au tombeau de saint Jacques, tout saint, glorieux, et la lumière du monde. Le corps de ce saint est dans la ville de Saint-Jacques en Galice [#09.կալիցայ p.363] . Je m’approchai de ce tombeau : je l’adorai la face contre terre, et j’implorai la rémission de mes péchés, de ceux de mes père et mère, et de mes bienfaiteurs ; enfin j’accomplis, avec une grande effusion de larmes, ce qui était le désir de mon cœur.
De Compostelle à Guéthary par Finisterre et la côte
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Le corps du saint se trouve au milieu du saint autel, dans un coffre de cuivre jaune fermé de trois serrures. Sa statue est placée sur le saint autel : il est assis sur un trône avec une couronne sur la tête ; il est recouvert par un dôme en bois. L'église est en forme de croix, et elle a une grande et magnifique coupole, flanquée de deux clochers. Elle est divisée en trois parties, soutenues sur une seule voûte *33. Elle a quatre portes. En sortant de l’église par celle du midi, on trouve un grand bassin auprès duquel sont des tentes blanches où se vend tout ce qu’on peut désirer, des médailles et des chapelets. Au-devant de la porte occidentale, on trouve une fontaine qui s’épanche au bas ; au-dessus de la porte orientale, on voit le Christ assis sur un trône, avec la représentation de tout ce qui est arrivé depuis Adam, et de tout ce qui arrivera jusqu’à la fin du monde, le tout d’une beauté si exquise qu’il est impossible de le décrire. Je séjournai en ce lieu pendant quatre-vingt-quatre jours, mais je ne pus y rester plus longtemps à cause de la cherté des vivres. J’y demandai l’absolution de mes péchés, aussi bien que de ceux de mes père et mère et de mes bienfaiteurs. L’endroit où est le saint corps est environné d’une grille de fer. Il y a encore à Saint-Jacques d’autres magnificences que je ne puis retracer dans cet écrit.
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Je pris la bénédiction de saint Jacques, je partis et je parvins à l’extrémité du monde, au rivage de la Ste-Vierge , dans un édifice qui a été construit de la propre main de l’apôtre saint Paul *34 et que les Francs appellent Sainte-Marie de Finisterre [#10.սանթա մարիայ ֆէնէստիռնա p.364] . *35 J’éprouvai beaucoup de peines et de fatigues dans ce voyage ; j’y rencontrai un grand nombre de bêtes sauvages très dangereuses. Nous rencontrâmes le vakner *36, bête sauvage grande et très dangereuse : « Comment, me dit-on, avez-vous pu vous sauver, quand des compagnies de vingt personnes même ne peuvent passer ? » J’allai ensuite au pays de Holani [ #11?] *37, dont les habitants se nourrissent aussi de poissons et dont je n’entendais pas la langue. Ils me traitèrent avec la plus grande distinction, me conduisant de maison en maison et s’émerveillant de ce que j’avais échappé au vakner.
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Je parcourus ensuite beaucoup de villes situées sur le rivage de la mer universelle (l’Océan) ; je ne pouvais entendre la langue du pays, mais avec la lettre du pape j’obtenais de la bienveillance. Enfin je parvins dans une ville auprès de laquelle, mais un peu en dessous, coule un grand fleuve avec un pont de soixante-dix huit arches *38. Je poursuivis mon chemin et j’arrivai dans la grande Bilbao [#`12.վիլվավ p.366], où je séjournai trois jours ; j’en partis ensuite, et je marchai durant vingt-sept jours, et j’arrivai dans la ville bénie de Gétharia [#13.կեթարիայ p.366] , où je fus fort bien traité : j’y restai durant sept jours.
Incapable de marcher je pars de Guéthary en bateau
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Je trouvai en ce lieu un grand vaisseau qu’on me dit être du port, de 80 000 quintaux. Je m’adressai aux prêtres (de cet endroit), pour dire de me recevoir dans ce vaisseau : « Je ne puis plus aller à pied, les forces me manquent tout à fait.» Ceux-ci s’étonnaient de ce que j’avais pu venir à pied d’un pays si reculé. Ils allèrent trouver le chef du vaisseau : « Ce religieux arménien nous prie, lui dirent-ils, pour que vous le preniez sur votre bâtiment : il est venu d’un pays éloigné et il ne peut s’en retourner par terre. » On lui lut la lettre du pape, il l’écouta et dit : « Je le recevrai dans mon vaisseau, mais dites-lui que je vais parcourir la mer universelle, que mon vaisseau ne contient aucun marchand et que les hommes qui s’y trouvent sont tous employés à son service. Pour nous, nous avons fait le sacrifice de notre vie, nous mettons notre seul espoir en Dieu et nous pensons que là où la fortune nous portera, Dieu nous sauvera. Nous allons parcourir le monde ; il ne nous est pas possible d’indiquer où les vents nous porteront, mais Dieu le sait. Au reste, si vous avez aussi le désir de venir avec nous, c’est fort bien ; venez dans mon vaisseau, et ne vous inquiétez pas du pain, ni du boire et du manger ; pour vos autres dépenses, elles vous regardent, ces religieux y pourvoiront. Comme nous avons une âme, nous vous fournirons du biscuit et tout ce que Dieu nous a accordé. » Lorsque je revins à la ville, on répandit parmi le peuple, pendant la célébration du service divin, la nouvelle que le religieux arménien allait monter sur le vaisseau : « Rassemblez, disait-on, des vivres pour le salut de vos enfants et pour votre propre avantage. » On apporta tant de bonnes choses surtout en provisions qu’il était impossible d’en manquer. Nous entrâmes dans le vaisseau le mardi de la Quasimodo et nous parcourûmes le monde pendant soixante-huit jours, puis nous vînmes dans la ville de l’extrémité du monde *39.
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Nous allâmes ensuite en Andalousie [ #14.անդալուզիայ p.368] , dans la ville qui est au milieu de la mer ; nous restâmes dans cette ville pendant dix-neuf jours, parce que nous avions essuyé de grandes tempêtes et que notre navire avait éprouvé des avaries que l’on s’occupa à réparer en ce lieu. Cette ville est très jolie, petite, mais pleine de magnificence *40.
De l’Andalousie, voyage de retour sans fin …
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Nous nous séparâmes en ce lieu et j’allai à Sainte-Marie de Guadeloupe [ #15.սանթա մարիայ կատալուբ p.368] *41. Je me rendis de là à Séville [#16.սեպիլիայ p.368] , où je vis la reine Isabelle [ Խաթուն Թագուհի ] . Je repartis ensuite et je m’embarquai ; il nous fallut dix-huit jours pour aller au pays de Maghreb *42, à cause de la violence du vent qui était contraire et de la tempête. Enfin nous arrivâmes à Salobrena [#17.սալաւպրունա p.369]. Je ne voulus plus rester sur le vaisseau. Après m’être reposé trois jours, je me mis en marche tout seul, pour pénétrer dans l’intérieur du pays des Magrébins *43, et je passai une grande montagne *44, qu’il me fallut deux jours et demi pour traverser, et j’arrivai à Grenade [#18.կրիտան p.369], capitale des Magrébins, qui a été prise par la reine. C’est une grande et riche ville ; j’y restai onze jours. Après cinq jours de marche, j’atteignis la grande Jaen [ #19.աճաէն p.369] qui possède un suaire du Christ.
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J’allai de là à Baeza [#20.պաիսսյ p.369], de là à Oulvitha, puis à San-Estevan [ #22.սան ըստէֆան p.370], à Bourghous [ #24 ?] , et ensuite à Chinchila [#24. չնչիլայ p.370] où j’éprouvai des maux d’entrailles. J’y restai cinq jours pendant lesquels le médecin me fit une ordonnance qui me soulagea un peu. J’allai de là à Almanza [#25.ամանց p.370], puis à Faladez [#26 ?], à Mouthen [ #27.մութն p.370] puis à la grande Xativa [#28.սագիւայ p.370], qui contient vingt-cinq mille maisons *45. Je tombai une seconde fois malade en ce lieu ; j’y éprouvai de grandes douleurs d’entrailles. Les religieux de cette ville me témoignèrent beaucoup d’amitié et me rendirent toutes sortes de services jusqu’à ce que je fusse guéri. Je partis ensuite et j’allai à Alzira [#29.զիրար p.370] ; de là je mis quinze jours *46 pour me rendre à la grande Valence [#30.վայէնցիայ p.370] , qui contient soixante-dix mille maisons ; j’y restai quatre jours. J’allai de là en vingt-et-un jours jusqu’à la grande ville de Barcelone [#31.պարսալոն p.370] qui contient quatre-vingt-dix mille maisons *47 ; j’y séjournai six jours. Je me rendis de là à Perpignan [ բրբնիայ ] *48, puis traversant le pays de Catalogne [ կադալին ] , j’allai pendant trente-trois jours et je parvins au pays de Sicile [ ցիցիլայ ] . *49
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