> VI - Histoire > Le XX siècle > Article traduit du Journal Hentchak sur les Jeunes-Turcs et publié en 1908 à Paris (L'Indépendance arabe)
> 163 > 164 > 165 > 166 > 167 > 168 > 169 > 170

  • L'INDÉPENDANCE ARABE - Paris - Rédacteur en chef : Négib Azoury - N° 11-12 Fév-Mars 1908, pp163-170
  • LA TYRANNIE TURQUE ET LES JEUNES-TURCS par S. Sapah-Gulian, Rédacteur du Hentchak
  • article traduit de l'arménien par M. Serge d'Herminy

page 164


®

__On ne devait discuter aucun programme législatif... Ceci était décidé et consenti d'avance!...

__Nous pensons tout à fait le contraire!

__Il semble que les Jeunes Turcs auraient dû être les premiers à exiger que certains projets législatifs fussent examinés et qu'il y eût une entente cordiale et un accord parfait entre tous les partis d'opposition, particulièrement sur cette question essentielle. La loyauté, l'intérêt de la Turquie en général et des peuples qui y habitent en particulier, les Causes de ces derniers, qui relèvent du domaine de l'histoire et de la politique internationale, devraient dicter aux Jeunes Turcs cette conduite.

__Il était indispensable de savoir, avant tout, sur quelles nouvelles bases législatives les Jeunes Turcs pensaient fonder la Turquie nouvelle? L'attitude de l'absolutisme est trop connue ; quelle serait celle, des Jeunes ? En quoi différeraient-ils, au point de vue législatif, de la force qui jusque-là avait fait marcher la Turquie et qui avait fourni l'occasion, aux peuples avancés qui portaient son joug, de se mécontenter, de se révolter, voire même de se séparer d'elle? C'est la seule question qui nous intéressait particulièrement, nous les Arméniens; son équitable solution seule aurait pu assurer aux Jeunes Turcs notre concours pour l'œuvre de la rénovation de tout l'empire ottoman. Malheureusement cette question, d'une importante si capitale, véritable nœud gordien, non seulement n'a point été agitée dans le Congrès mais elle a été passée sciemment sous silence par les Représentants, organisateurs du Bureau. Ce fait était suffisant pour permettre aux Macédoniens, aux Arabes, aux Albanais, aux Arméniens et aux Grecs de se comporter avec méfiance vis-à-vis des congressistes et du Congrès.

__Au point de vue purement arménien, la participation à ce Congrès du Comité de Droschak ne démontre absolument rien; elle ne peut avoir aucune conséquence pratique. De sorte que notre cause subsiste toujours telle qu'elle était avant la réunion du Congrès et l'attitude du peuple Arménien n’en sera nullement changée ; elle est aujourd'hui telle qu'elle lui fut imposée dès l'an 1880. La question arménienne, la cause des Arméniens de Turquie continuera donc son chemin comme à l'ordinaire; elle se comportera - surtout après ce fameux Congrès - comme elle s'est comportée jusqu'à ce jour!...

__Tant que sur la question législative et d'autres questions importantes les Jeunes Turcs n'aboutiront pas à une entente et un accord préalables avec nous, pour nous, il n'y aura point, il ne peut y avoir, de question ni de rénovation générale de la Turquie, ni de la conservation de celle-ci !

__Car, nous répétons encore une fois, si les Jeunes Turcs désiraient franchement, sans restriction, la collaboration des Albanais, des Grecs, des Macédoniens, des Arabes, des Arméniens et des Syriens pour la rénovation générale de la Turquie, il aurait fallu commencer par exposer devant les représentants de ces diverses races, un programme nouveau, une forme législative nouvelle, des bases nouvelles sur les quelles doit reposer la Turquie future. Grâce à cette mesure franche autant que juste, les Jeunes auraient pu s'assurer, infailliblement et irrévocablement, la sympathie et le concours de toutes les nationalités soumises à la Turquie. Elle seule aurait pu former l'union, l'accord et la coopération!

__Les événements de Russie pourraient servir d'exemple

aux Jeunes Turcs. Dans ce grand empire les deux principaux partis, politiques - le parti Social-Démocrate et le parti Constitutionnel-Démocrate - qui voulaient réformer le pays et fonder la Nouvelle Russie, exposèrent clairement, avec force détails, leurs plans d'action, leurs programmes complets.

__Le parti Social-Démocrate russe proposa au peuple - sans distinction de race et de religion - de créer par le suffrage universel, direct, secret et égal, un corps législatif qui puisse donner à la Nouvelle Russie des principes politiques, économiques et sociaux compatibles avec les exigences nouvelles de la vie moderne. Dès le début, ce parti reconnut et respecta sous forme d'autonomie locale ou d'autonomie complète, le droit d'existence de l'individualité turc nationale de tous les peuples qui composent l'empire moscovite.

__Le parti Constitutionnel-Démocrate - parti des Cadets – suivant l'exemple des Social-Démocrates, lui aussi, reconnut immédiatement et fit inscrire sur son programme l’autonomie politique et administrative des différentes nationalités soumises à l'empire.

__Quand le programme de ces deux partis fut connu, il arriva ce qui devait fatalement arriver. Des éléments de toutes les nationalités vinrent se grouper de préférence autour de ces deux partis. De plus, les nouveaux partis qui se formèrent ultérieurement, tout en conservant leur existence propre, collaborèrent volontiers avec ces partis pour la création de la Nouvelle Russie. Et cette Nouvelle Russie devait donner satisfaction non point à une seule nation, à une classe privilégiée, mais à toutes les nations enclavées, dans l'empire, à toutes les classes de la population. Il était donc très compréhensible le zèle prodigué par les partis existants, russes et autres, dans la lutte entreprise contre le tsarisme.

__Si nous voulions donner des exemples tirés de l’histoire, en fouillant la vie des nations contemporaines, nous verrions que, chez toutes, les mêmes phénomènes se sont produits- avec peut-être quelques variantes - quand il s'est agi de renverser le vieux pour construire le neuf.

__Or, les Jeunes Turcs apportent-ils un programme semblable? Désirent-ils former un Corps législatif tel où tous les éléments de l'empire, sans distinction, pourront, grâce au Suffrage universel, direct, secret et égal, créer des lois telles, des règlements tels qui constitueraient les fondements de la Nouvelle Turquie, et qui donneraient satisfaction - du moins jusqu'à une certaine limite - à tous les peuples sans distinction ; et qui de plus, reconnaîtraient les droits des producteurs, des travailleurs et des paysans, comme hommes et comme citoyens.

__La force qui dirigeait la Vieille Turquie avait créé et imposé des lois, auxquelles obéissaient les peuples contraints par le fer. Elle n'avait reconnu ni les droits des nations vaincues - comme individualités historiques, - ni ceux de la classe ouvrière et paysanne. La Nouvelle Turquie différera-t-elle de l'Ancienne? C'est ce que les Jeunes devraient avoir à cœur de démontrer aux Albanais, aux Macédoniens, aux Arabes, aux Grecs et aux Arméniens pour que ceux-ci puissent se décider à venir les rejoindre et collaborer efficacement à l'œuvre de la rénovation générale de la Turquie.

__Le programme du Comité ottoman d'Union et de Progrès pourrait nous édifier suffisamment à ce sujet; écoutons-en les principaux points :

__1° Abdication du Sultan Hamid

163 - 164 - 165 - 166 - 167 - 168 - 169 - 170

-I.Présentation - II.Arménologie - III.Recherches-Analyses-Approches ADIC - IV.La vie arménienne en diaspora -V.La culture arménienne et l'art- VI.Histoire - VII.Arménie(s) - VIII.Les différents environnements & l'Arménie - IX.Génocide de 1915 et enchaînements politico-médiatiques - X.Inconscient(s) collectif(s), Mémoire(s) et 1915 - XI.Religion(s) et Théologie(s)