> VI - Histoire > Le XX siècle > Article traduit du Journal Hentchak sur les Jeunes-Turcs et publié en 1908 à Paris (L'Indépendance arabe)
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  • L'INDÉPENDANCE ARABE - Paris - Rédacteur en chef : Négib Azoury - N° 11-12 Fév-Mars 1908, pp163-170
  • LA TYRANNIE TURQUE ET LES JEUNES-TURCS par S. Sapah-Gulian, Rédacteur du Hentchak
  • article traduit de l'arménien par M. Serge d'Herminy

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capable d'effacer les causes du séparatisme ? Reconnaissent- ils le droit d'existence individuelle des nations soumises à leur empire? respectent-ils les institutions propres à chaque nationalité?

- Non!

- Alors pourquoi exiger la suppression d'un phénomène qui inévitablement continuera à exister malgré les bons désirs exprimés de part et d'autre?!...

Elle est donc tout à fait déplacée la prétention des "Jeunes Turcs" quand elle demande aux peuples conquis de renoncer à leurs droits, de protester contre l'intervention des Puissances Etrangères quand celles-ci font des démarches en leur faveur, de se battre contre elles, si l'une d'elles avait l'ombre d'une intention de léser le droit de l'indépendance politique et l'intégrité de la Turquie. C'est une prétention tellement réactionnaire que même les "Vieux Turcs" auraient honte d'y avoir jamais recours!!

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Cependant, les "Jeunes Turcs", qui redoutent tant l'intervention étrangère, qui sont prêts à tout sacrifier au fallacieux principe d'indépendance et d'intégrité de l'empire ottoman - pour lequel d'ailleurs, ils cherchent à étouffer la voix et la Cause des peuples protestataires - auraient, jusqu'à présent, dû comprendre que la force qui a tant soit peu poussé la Turquie vers le progrès, vers la civilisation a justement été l'intervention extérieure!...

Ce que nous avançons là, n'est ni une hyperbole, ni un paradoxe, mais un fait historique qui fait partie de l'existence réelle de la Turquie.

En effet, Si cette intervention extérieure ne s'était jamais produite, la Turquie aurait été ou bien engloutie par les plus forts, ou bien elle serait restée au niveau du Maroc d'aujourd'hui ou de l'Afghanistan. Si l'intervention étrangère a porté un coup au principe de l'indépendance - et il ne pouvait en être autrement - il faut convenir aussi qu'elle a laissé survivre la Turquie dont l'existence même est un anachronisme criard et dont les institutions vermoulues sont dépourvues de tout fondement de vitalité réelle..

De sorte que, au lieu de s'effrayer de l'intervention extérieure, les " Jeunes Turcs " devraient au contraire.- si réellement ils avaient le désir de créer une Nouvelle Turquie - mettre en cette intervention une part de leurs espoirs, pour faire triompher la cause qu'ils défendent.

Il est impossible de ne pas s'apercevoir des conditions créées. On sait que la plupart des Puissances Européennes ont franchement désiré voir une Nouvelle Turquie, elles changeront certainement d'idées quand elles apprendront que les "Jeunes Turcs", au lieu de chercher à démolir le Vieux et à donner dans le "Nouveau" une part positive aux peuples tributaires, tendent, au contraire, indirectement, à la continuation de la Tyrannie. Si les "Jeunes" ne jouissent pas de la confiance générale des gouvernants européens, pas plus que de celle des esprits indépendants, c'est parfaitement par leur faute.

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Mais, passons à une autre question beaucoup plus importante. Il est de vérité historique que partout où il y a révolution, il y a aussi contre-révolution. Ces deux phénomènes intimement liés, forment une unité indissoluble. Il ne peut y avoir révolution sans contre-révolution. Et cela est compréhensible. La force révolutionnaire, quand bien même elle se déchaînerait, dés le début, avec une très

grande violence, quand bien même elle serait triomphante dans son premier mouvement, ne peut tout de même pas effacer, en une seule fois, les traces de l'Ancien. Dans cette passagère phase historique, les forces anciennes cherchent toujours à revenir sur l'eau, à organiser un système de résistance pour continuer la lutte. L'ancien régime ne peut point être par terre dans une seule et unique lutte ; c'est ce que nous dit l'histoire, c'est ce que nous enseigne le passé des peuples révolutionnés.

Pour la victoire décisive et la domination finale il faut une lutte plus longue, une série de luttes, recommencées à plusieurs reprises, et ce, suivant la culture des peuples et les forces antagonistes qui apparaissent à l'horizon.

Examinez un peu la force occulte et mystérieuse, aux racines très profondes, sur laquelle s'appuient le sultanisme et le fanatisme religieux en Turquie, considérez l'ignorance de la masse et rappelez-vous que le mollah est encore le maître des mosquées et la mosquée est tout pour la foule turque. Regardez la vitalité des anciennes forces turques et comparez avec elles cette masse si peu compacte qui tend peu ou prou vers l'européanisme, et par-dessus le marché, ajoutez à tout cela la perspective de la phase contre-révolutionnaire.

L'élément progressiste ou révolutionnaire est appelé avoir en face de lui cette force occulte qui a désespéré tous ceux qui ont connu et apprécié la Turquie actuelle. Et quand cette force tombera, avec toute sa brutalité, sur la Grande Victime, sur l'Arménie, faudra-t-il encore respecter le principe "de l'indépendance et de l'intégrité" et accepter d'avance l'obligation inique de combattre l'intervention étrangère?? !

Dans l'immense empire russe aussi les partis rétrogrades étaient nombreux et très forts. Les Khoulicans, les Patriotes, les Vrai-Russe, les Fils Orthodoxes, etc., étaient sans contredit, à tout point de vue, incomparablement supérieurs aux forces occultes qui existent en Turquie. Malgré cela, quel parti politique russe pour avoir le concours de tous les autres partis politiques, exigea-t-il d'avance le respect de l'intégrité et de l'indépendance de la Russie ?

Pressurés depuis vingt ans, une immense richesse de plusieurs centaines de millions — fruits de nos labeurs et de nos peines — est tombée — lâchement volée - dans les poches des fonctionnaires prévaricateurs ! Nos foyers et nos biens furent généreusement offerts aux mahométans étrangers, spécialement transplantés chez nous ! Nous avons déjà donné, une fois, 300.000 victimes et maintenant nous nous préparerions à en donner le double pour la rénovation de l'empire ottoman ! ? Que nous nous retrempions dans le sang! en promettant, au préalable, qu'en ce moment-là, nous serons non seulement contre l'intervention étrangère, mais encore, nous la combattrons par les armes! !

Cette exigence n'est-elle point, tout simplement, monstrueuse et insensée de la part des "Jeunes Turcs"??!

Si les "Jeunes Turcs" prétendent mettre l'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman au-dessus de tout, et veulent tout subordonner à cette question, quelle logique, quel sentiment, quelle thèse politique ou quel exemple nous prohiberait-il de déclarer aussi tout haut que, pour nous, l'existence et la délivrance de la Nation Arménienne, du peuple arménien, est au-dessus et par-dessus tout! Si leur position est irréductible, pourquoi ne le serait-elle pas notre ?

L'histoire a démontré qu'un peuple peut mourir, à jamais

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