capable d'effacer les causes
du séparatisme ? Reconnaissent- ils le droit d'existence individuelle
des nations soumises à leur empire? respectent-ils les institutions
propres à chaque nationalité?
- Non!
- Alors pourquoi exiger la suppression d'un phénomène qui inévitablement
continuera à exister malgré les bons désirs exprimés de part et
d'autre?!...
Elle est donc tout à fait déplacée la prétention des "Jeunes Turcs"
quand elle demande aux peuples conquis de renoncer à leurs droits,
de protester contre l'intervention des Puissances Etrangères quand
celles-ci font des démarches en leur faveur, de se battre contre
elles, si l'une d'elles avait l'ombre d'une intention de léser le
droit de l'indépendance politique et l'intégrité de la Turquie.
C'est une prétention tellement réactionnaire que même les "Vieux
Turcs" auraient honte d'y avoir jamais recours!!
®
Cependant, les "Jeunes Turcs",
qui redoutent tant l'intervention étrangère, qui sont prêts à tout
sacrifier au fallacieux principe d'indépendance et d'intégrité de
l'empire ottoman - pour lequel d'ailleurs, ils cherchent à étouffer
la voix et la Cause des peuples protestataires - auraient, jusqu'à
présent, dû comprendre que la force qui a tant soit peu poussé la
Turquie vers le progrès, vers la civilisation a justement été l'intervention
extérieure!...
Ce que nous avançons là, n'est ni une hyperbole, ni un paradoxe,
mais un fait historique qui fait partie de l'existence réelle de
la Turquie.
En effet, Si cette intervention extérieure ne s'était jamais produite,
la Turquie aurait été ou bien engloutie par les plus forts, ou bien
elle serait restée au niveau du Maroc d'aujourd'hui ou de l'Afghanistan.
Si l'intervention étrangère a porté un coup au principe de l'indépendance
- et il ne pouvait en être autrement - il faut convenir aussi qu'elle
a laissé survivre la Turquie dont l'existence même est un anachronisme
criard et dont les institutions vermoulues sont dépourvues de tout
fondement de vitalité réelle..
De sorte que, au lieu de s'effrayer de l'intervention extérieure,
les " Jeunes Turcs " devraient au contraire.- si réellement ils
avaient le désir de créer une Nouvelle Turquie - mettre en cette
intervention une part de leurs espoirs, pour faire triompher la
cause qu'ils défendent.
Il est impossible de ne pas s'apercevoir des conditions créées.
On sait que la plupart des Puissances Européennes ont franchement
désiré voir une Nouvelle Turquie, elles changeront certainement
d'idées quand elles apprendront que les "Jeunes Turcs", au lieu
de chercher à démolir le Vieux et à donner dans le "Nouveau" une
part positive aux peuples tributaires, tendent, au contraire, indirectement,
à la continuation de la Tyrannie. Si les "Jeunes" ne jouissent pas
de la confiance générale des gouvernants européens, pas plus que
de celle des esprits indépendants, c'est parfaitement par leur faute.
®
Mais, passons à une autre question
beaucoup plus importante. Il est de vérité historique que partout
où il y a révolution, il y a aussi contre-révolution. Ces deux phénomènes
intimement liés, forment une unité indissoluble. Il ne peut y avoir
révolution sans contre-révolution. Et cela est compréhensible. La
force révolutionnaire, quand bien même elle se déchaînerait, dés
le début, avec une très
grande violence, quand bien
même elle serait triomphante dans son premier mouvement, ne peut
tout de même pas effacer, en une seule fois, les traces de l'Ancien.
Dans cette passagère phase historique, les forces anciennes cherchent
toujours à revenir sur l'eau, à organiser un système de résistance
pour continuer la lutte. L'ancien régime ne peut point être par
terre dans une seule et unique lutte ; c'est ce que nous dit l'histoire,
c'est ce que nous enseigne le passé des peuples révolutionnés.
Pour la victoire décisive et la domination finale il faut une lutte
plus longue, une série de luttes, recommencées à plusieurs
reprises, et ce, suivant la culture des peuples et les forces antagonistes
qui apparaissent à l'horizon.
Examinez un peu la force occulte et mystérieuse, aux racines très
profondes, sur laquelle s'appuient le sultanisme et le fanatisme
religieux en Turquie, considérez l'ignorance de la masse et rappelez-vous
que le mollah est encore le maître des mosquées et la mosquée est
tout pour la foule turque. Regardez la vitalité des anciennes forces
turques et comparez avec elles cette masse si peu compacte qui tend
peu ou prou vers l'européanisme, et par-dessus le marché, ajoutez
à tout cela la perspective de la phase contre-révolutionnaire.
L'élément progressiste ou révolutionnaire est appelé avoir en face
de lui cette force occulte qui a désespéré tous ceux qui ont connu
et apprécié la Turquie actuelle. Et quand cette force tombera, avec
toute sa brutalité, sur la Grande Victime, sur l'Arménie, faudra-t-il
encore respecter le principe "de l'indépendance et de l'intégrité"
et accepter d'avance l'obligation inique de combattre l'intervention
étrangère?? !
Dans l'immense empire russe aussi les partis rétrogrades étaient
nombreux et très forts. Les Khoulicans, les Patriotes,
les Vrai-Russe, les Fils Orthodoxes, etc., étaient
sans contredit, à tout point de vue, incomparablement supérieurs
aux forces occultes qui existent en Turquie. Malgré cela, quel parti
politique russe pour avoir le concours de tous les autres partis
politiques, exigea-t-il d'avance le respect de l'intégrité et de
l'indépendance de la Russie ?
Pressurés depuis vingt ans, une immense richesse de plusieurs centaines
de millions fruits de nos labeurs et de nos peines
est tombée lâchement volée - dans les poches des fonctionnaires
prévaricateurs ! Nos foyers et nos biens furent généreusement offerts
aux mahométans étrangers, spécialement transplantés chez nous !
Nous avons déjà donné, une fois, 300.000 victimes et maintenant
nous nous préparerions à en donner le double pour la rénovation
de l'empire ottoman ! ? Que nous nous retrempions dans le sang!
en promettant, au préalable, qu'en ce moment-là, nous serons non
seulement contre l'intervention étrangère, mais encore, nous la
combattrons par les armes! !
Cette exigence n'est-elle point, tout simplement, monstrueuse et
insensée de la part des "Jeunes Turcs"??!
Si les "Jeunes Turcs" prétendent mettre l'indépendance et l'intégrité
de l'empire ottoman au-dessus de tout, et veulent tout subordonner
à cette question, quelle logique, quel sentiment, quelle thèse politique
ou quel exemple nous prohiberait-il de déclarer aussi tout haut
que, pour nous, l'existence et la délivrance de la Nation Arménienne,
du peuple arménien, est au-dessus et par-dessus tout! Si leur position
est irréductible, pourquoi ne le serait-elle pas notre ?
L'histoire a démontré qu'un peuple peut mourir, à jamais
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