disparaître, sur le champ de
bataille, mais pour lui-même, pour son compte, son intérêt personnel,
jamais pour une autre nation. Les nations ne sont pas des
individus. L'individu peut si cela lui plaît sacrifier
sa vie pour un corps collectif, mais jamais une nation entière.
Celui qui exige de la Nation Arménienne un si grand sacrifice, ne
devrait-il pas mettre dans son programme, ne serait-ce qu'un mot,
en faveur de son autonomie ? Les "Jeunes" devraient, au moins, avoir
ce noble geste, sachant, surtout, que la fin du peuple arménien
serait ce que nous avons décrit plus haut, si jamais il voulait
les suivre en estimant au-dessus de tout le principe de l'indépendance
douteuse et de l'intégrité compromise de l'empire ottoman!
Dans le travail La Jeune Turquie,
que nous avons publié en 1899, nous avons démontré la ligne de conduite
et la tactique des "Jeunes". Depuis cette époque, ils n'ont pas
fait un pas en avant. Il n'y a absolument rien de changé dans leur
programme!
®
Nous ne voulons pas nous arrêter
sur la Déclaration olla podrida que les congressistes ont
publiée ; elle représente sûrement la réalisation du cher désir
que les "Jeunes Turcs" caressaient depuis longtemps; mais quelle
en sera la conséquence ?
Depuis qu'elle s'est réfugiée à l'étranger la "Jeune Turquie" cherche
par tous les moyens à démontrer que la tyrannie du Sultan ne met
aucune différence entre l'Arménien, le Turc, le Macédonien et les
autres nationalités de l'empire ; que tout le monde souffre de la
même persécution, des mêmes vexations, des mêmes spoliations de
sorte que le sort du Turc n'est pas plus brillant que celui de l'Arménien
ou du Macédonien ! Elle a, de plus, cherché à prouver qu'il n'y
a ni question arménienne, ni question macédonienne; que toutes ces
questions sont les questions intérieures de la Turquie dont la solution
dépend du changement de la personne du Sultan Hamid!...
Admettons que l'on ait emporté une victoire à la Pyrrhus. En faisant
signer une telle inexactitude par quelques Arméniens, mais cela
changerait il, en quoi que ce soit, les faits matériels, les vérités
exactes, puisqu'ils existent et qu'à chaque instant ils crient qu'ils
sont là ? !
Qui est-ce qui prétend que le seul et l'entier responsable
des massacres arméniens fut le sultan Hamid ? Alors toute
notre Cause n'aurait jamais dépendue que d'un seul individu? Dans
ce cas-là, comment expliquer les massacres de Chios, du Liban, les
"Atrocités bulgares"?... Les massacres, comme l'a démontré
avec beaucoup d'autorité M. Anatole Leroy-Beaulieu, font partie
inhérente du système politique turc. La cause et le facteur responsable
des massacres d'Arménie a été le nationalisme turc ; ceci nous l'avons
amplement prouvé dans notre travail intitulé : "La politique
nationale turque". Le sultan Hamid n'a été qu'un exécuteur de
la "politique nationale turque", pourrait-on, tout au plus dire,
le principal exécuteur, et c'est tout!
Nous dirons plus :
L'idée de massacre général, pénétrée jusqu'aux os de la populace
turque - grâce aux termes " Krarez! Kesserez! " (nous casserons;
nous massacrerons!) devenus synonymes des simples plaisanteries
populaires - fait partie du programme de la "Jeune Turquie"
!
Est-ce faux?
De 1840 à 1850 les meneurs de la politique intérieure
turque étaient les Jeunes
Turcs. Rechid-Pacha et ses collègues omnipotents à cette
époque dirigeaient les affaires turques ; or, qui est-ce qui ordonna,
en ces temps, les massacres généraux, les apostasies forcées, l'imposition
de la langue turque? Si ce que nous avançons paraît exagéré, que
l'on lise les écrits de M. Victor Bérard !...
Autre chose! Au moment des Atrocités bulgares, Midhad se
trouvait à la tête de la politique intérieure de la Turquie!...
à qui faut-il attribuer les massacres et les "Krarez !
Kesserez!" de cette époque?!
Non! notre malheur, pas plus que celui des autres, ne peut être
attribué à des individus ; et ce n'est point par le changement
des personnes que notre Cause trouvera sa solution. Le soldat
turc, instrument direct, a eu une large part dans les massacres
arméniens, mais une part non moins importante revient au peuple
turc qui massacra les Arméniens dans leurs boutiques ! c'est lui
qui après avoir fait subir les derniers outrages aux vierges arméniennes
les tua ensuite avec des raffinements satyriques!. C'est lui qui
brûla, par milliers, les Arméniens comme des holocaustes!...
Les Jeunes, s'ils étaient francs, auraient le courage de
reconnaître tout cela. Ils pouvaient, à la rigueur, s'excuser
en alléguant une ignorance, d'ailleurs peu probable, mais jamais
disculper le peuple turc et mettre toutes les responsabilités sur
le compte d'une seule personne.
Tant pis, donc, si en Turquie un seul individu peut commettre de
si monstrueux forfaits! Si un particulier est capable de jouer un
si triste rôle dans un pays, inutile alors d'agiter la question
de réforme générale pour ce pays ; car dans une nation qui veut
se transformer, qui a des nerfs pour s'émanciper, l'individu ne
peut point jouer un rôle si parfaitement diabolique !... La preuve
par laquelle on veut disculper le peuple turc, démontrer la haute
culture de celui- ci, et mettre sur le dos d'un seul l'existence
de la question arménienne, tourne justement contre les Jeunes
Turcs.
Que disent-ils encore les "Jeunes"? Que toutes les agitations,
que tous les désordres ont pris naissance depuis l'avènement de
Hamid !!? - Mais en voilà assez ! nous savons à quoi nous
en tenir sur le compte des "Jeunes Turcs"
Quant à la déclaration qui affirme que les souffrances des
Arméniens sont semblables à celles des Turcs, depuis trente
ans comme maintenant ; que tous les peuples de l'empire, sans distinction,
subissent les mêmes persécutions, les mêmes tortures et les mêmes
privations, cette déclaration, disons- nous, ne peut être faite
que par ceux qui ferment les yeux pour ne pas voir la lumière éclatante
On oblige l'Arménien à s'expatrier, à fuir le sol natal ;
on le met dans la nécessité d'abandonner son foyer; l'ordonnance
gouvernementale le prive de ses terres, de ses biens et fait passer
le tout dans les mains de l'élément turc !... Qui est-ce qui habite
dans les villages arméniens dépeuplés??... Sur le conseil de qui?...
Par l'arrangement de qui?...
Autre chose! Tout Turc peut, aujourd'hui, librement circuler
sur tout le territoire de l'empire ; un Arménien peut-il faire la
même chose? l'élément turc est libre d'aller à l'étranger et d'en
revenir peut-il faire la même chose et l'Arménien?...
Les "Jeunes Turcs" n'auraient rien perdu, s'ils avaient la grandeur
d'âme et d'esprit de reconnaître la situation toute exceptionnelle
faite aux Arméniens, tout particulièrement ! Mais nous ne nous en
étonnons pas outre mesure, sachant que le motif qui les pousse à
agir ainsi est de prouver d'abord que la Question Arménienne n'a
pas de raison d'être
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