> VI - Histoire > Le XX siècle > Article traduit du Journal Hentchak sur les Jeunes-Turcs et publié en 1908 à Paris (L'Indépendance arabe)
> 163 > 164 > 165 > 166 > 167 > 168 > 169 > 170

  • L'INDÉPENDANCE ARABE - Paris - Rédacteur en chef : Négib Azoury - N° 11-12 Fév-Mars 1908, pp163-170
  • LA TYRANNIE TURQUE ET LES JEUNES-TURCS par S. Sapah-Gulian, Rédacteur du Hentchak
  • article traduit de l'arménien par M. Serge d'Herminy

page 166


Puissances Étrangères; de refuser le moindre droit à la classe des travailleurs et producteurs, et enfin, de faire régner dans toute sa splendeur, dans toute sa force, le nationalisme panislamique. La voilà à nu la Constitution de Midhat; voilà le régime représentatif des congressistes!! On ne peut guère mieux démasquer ces Turcs qui s'intitulent généreusement Jeunes! et qui ne veulent rien, absolument rien; abandonner des idées des. vieux Turcs!!...

Mais puisque les Jeunes Turcs annoncent un régime représentatif sans préciser davantage, il serait peut-être utile de dire quelques mots sur cette expression.

Sont représentatifs tous les régimes dans lesquels le peuple participe aux actes législatifs et gouvernementaux du pays. Mais le point principal, essentiel et décisif est de savoir comment et jusqu'à quel point cette participation se pratique. Le mode et la mesure de participer aux actes législatifs et gouvernementaux, seuls, mettent donc une différence entre les régimes représentatifs. Sont gouvernées par ce régime l'Angleterre, la Belgique, l'Autriche, la Prusse. La Russie par sa Douma et la Perse par son Médjlis, etc.; y a-t-il une différence entre ces divers pays au point de vue constitutionnel?

Certes, oui!

En Prusse et en Russie, par exemple, rien qu'une certaine catégorie de gens - la haute noblesse, le clergé, les propriétaires, les bourgeois - participe au suffrage et aux affaires de l'Etat; le peuple proprement dit, la masse, n'y a aucune part ; pas plus d'ailleurs que les penseurs et les intellectuels s'ils ne sont en même temps propriétaires ou rentiers. Ici on ne veut reconnaître et respecter ni le principe de l'existence individuelle des races, ni les institutions politiques locales. Le Landtag de Prusse ne laisse aucun doute à ce sujet.

Le "régime représentatif " existe aussi en Autriche et en Belgique, mais, dans ces pays, presque toutes les couches de la société participent par leurs votes aux actes législatifs et gouvernementaux ; de plus, on y respecte - exemple l'Autriche - les droits distincts des races, droits provenant d'un passé historique ou de conditions locales.

Eh bien, laquelle de ces deux formes de "régime représentatif" désirent-ils appliquer à leur pays les Jeunes Turcs? Est-ce au "régime représentatif " à vote censitaire ou bien sous la forme du suffrage universel, direct, secret et égal?

Cette dernière forme seule est exigée par tous ceux qui se chargent de la lourde mission de créer du nouveau.

Ne pas se prononcer d'une façon nette et tranchante, avoir une attitude équivoque à ce sujet donnerait à penser à l'observateur impartial, que les Jeunes Turcs en faisant adopter par le "Bureau" et le "Congrès" la phrase régime représentatif ne visaient que la fameuse Constitution de Midhad !...

D'ailleurs, le Mechveret, organe officiel du Comité ottoman d' Union et de Progrès, qui se dit aussi l'organe de toute la Jeune Turquie - et cela est exact en ce sens qu'il est le champion inébranlable des principes de la Jeune Turquie historique - le Mechveret, disons-nous, se charge de nous édifier complètement à ce sujet ! Dans son numéro du 1er janvier 1908, cette feuille écrit: "... Nous déposerons nos armes dès que le Parlement sera reconstitué;... "

Chaque fois que les Jeunes Turcs ont employé, en termes courant, les mots parlement et régime représentatif, ils ont toujours compris la Constitution de Midhad. Ceci est une vérité indéniable. Mais le mot Reconstitué du Mechveret,

très typique, vient bien à propos, confirmer d'une façon très nette et très précise cette vérité indéniable. Ordinairement on reconstitue une chose qui a déjà existé, or ce qui a déjà existé en Turquie, c'est la constitution de Midhad !

Donc, l'assertion suivant laquelle dans l'esprit des "Jeunes Turcs" "rétablir le régime représentatif (parlement)" n'a jamais signifié autre chose que la mise en pratique de la Constitution de Midhad, est surabondamment prouvée. Nous en concluons que les "Jeunes Turcs" maintenant comme jadis défendent les mêmes principes ; qu'ils n'ont fait aucune concession ; qu'ils n'ont introduit aucun changement dans leur programme en demandant l'assistance et la collaboration des autres partis politiques du pays pour la rénovation générale de la Turquie.

Ici, une autre question :
Par l'application de la Constitution de Midhad, la Turquie, comme Puissance, ne serait-elle pas suffisamment transformée pour relativement améliorer la condition des nations qui s'y trouvent et celles des classes laborieuses ?

Certainement non !

Il ne faut pas perdre de vue l'exigence, plutôt cocasse, de la "Jeune Turquie". Elle exige, en effet, du Macédonien, de l'Arménien et de l'Arabe d'oublier sa Cause déjà internationale et depuis longtemps historique, d'effacer toute son histoire, tous les événements de ces temps derniers ! Elle propose à l'Arabe, à l'Albanais, au Grec de mettre bas les armes, en lui murmurant des mots vagues autant qu'incertains !

Et nous autres, Arméniens, rien que pour des promesses fallacieuses venant des "Jeunes Turcs" nous devrions non seulement renier notre Cause reconnue par les Grandes Puissances, mais encore renoncer aux droits qu'au prix de notre sang nous avons fait connaître à l'univers entier : que dans l'empire ottoman l'Arménie, le peuple arménien a besoin d'institutions appropriées aux conditions locales ! droits que le sultan Hamid, le tyran lui-même, a été obligé de reconnaître diplomatiquement !

Que d'exigences, que d'arrogances, que d'étroitesses d'esprit de la part de ces "Jeunes Turcs"qui désirent, affirment- ils, la rénovation générale de toute là Turquie, et qui ne veulent pas avoir la condescendance d'admettre ce que le représentant actuel de la dynastie d'Osman - Abd-ul-Hamid -a reconnu !! Plus royalistes que le roi, ces "Jeunes" !!

Revenons à la seconde condition sine qua non de l'invitation.

Le Bureau organisateur a nettement déclaré que tous ceux qui veulent participer au "Congrès" doivent d'avance et sans appel reconnaître et respecter le principe de l'indépendance et de l'intégrité de l'empire ottoman.

Tous ceux qui de loin ou de près se sont intéressés à l'histoire de l'Orient savent fort bien que toutes les fois que les Puissances Européennes ont voulu partager la Turquie, ou bien la démembrer, elles ont toujours annoncé qu'il faut "conserver l'indépendance et l'intégrité de l'empire Turc" ! Cette expression diplomatique prit naissance lors du traité de Paris (1856), mais elle n'empêcha point la séparation de l'empire ottoman, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Bosnie-Herzégovine, de Chypre, de la partie Nord-Est de l'Arménie et, tout dernièrement encore, de la Crète !

Mais, pourquoi les "Jeunes Turcs" s'acharnent-ils après

 

163 - 164 - 165 - 166 - 167 - 168 - 169 - 170

-I.Présentation - II.Arménologie - III.Recherches-Analyses-Approches ADIC - IV.La vie arménienne en diaspora -V.La culture arménienne et l'art- VI.Histoire - VII.Arménie(s) - VIII.Les différents environnements & l'Arménie - IX.Génocide de 1915 et enchaînements politico-médiatiques - X.Inconscient(s) collectif(s), Mémoire(s) et 1915 - XI.Religion(s) et Théologie(s)