Puissances Étrangères; de refuser le moindre
droit à la classe des travailleurs et producteurs, et enfin, de faire
régner dans toute sa splendeur, dans toute sa force, le nationalisme
panislamique. La voilà à nu la Constitution de Midhat; voilà le
régime représentatif des congressistes!! On ne peut guère mieux
démasquer ces Turcs qui s'intitulent généreusement Jeunes!
et qui ne veulent rien, absolument rien; abandonner des idées des.
vieux Turcs!!...
Mais puisque les Jeunes Turcs annoncent un régime représentatif
sans préciser davantage, il serait peut-être utile de dire quelques
mots sur cette expression.
Sont représentatifs tous les régimes dans lesquels le peuple participe
aux actes législatifs et gouvernementaux du pays. Mais le point principal,
essentiel et décisif est de savoir comment et jusqu'à quel point cette
participation se pratique. Le mode et la mesure de participer aux
actes législatifs et gouvernementaux, seuls, mettent donc une différence
entre les régimes représentatifs. Sont gouvernées par ce régime l'Angleterre,
la Belgique, l'Autriche, la Prusse. La Russie par sa Douma
et la Perse par son Médjlis, etc.; y a-t-il une différence
entre ces divers pays au point de vue constitutionnel?
Certes, oui!
En Prusse et en Russie, par exemple, rien qu'une certaine catégorie
de gens - la haute noblesse, le clergé, les propriétaires, les bourgeois
- participe au suffrage et aux affaires de l'Etat; le peuple proprement
dit, la masse, n'y a aucune part ; pas plus d'ailleurs que les penseurs
et les intellectuels s'ils ne sont en même temps propriétaires ou
rentiers. Ici on ne veut reconnaître et respecter ni le principe de
l'existence individuelle des races, ni les institutions politiques
locales. Le Landtag de Prusse ne laisse aucun doute à ce sujet.
Le "régime représentatif " existe aussi en Autriche et en Belgique,
mais, dans ces pays, presque toutes les couches de la société participent
par leurs votes aux actes législatifs et gouvernementaux ; de plus,
on y respecte - exemple l'Autriche - les droits distincts des races,
droits provenant d'un passé historique ou de conditions locales.
Eh bien, laquelle de ces deux formes de "régime représentatif" désirent-ils
appliquer à leur pays les Jeunes Turcs? Est-ce au "régime représentatif
" à vote censitaire ou bien sous la forme du suffrage universel,
direct, secret et égal?
Cette dernière forme seule est exigée par tous ceux qui se chargent
de la lourde mission de créer du nouveau.
Ne pas se prononcer d'une façon nette et tranchante, avoir une attitude
équivoque à ce sujet donnerait à penser à l'observateur impartial,
que les Jeunes Turcs en faisant adopter par le "Bureau" et
le "Congrès" la phrase régime représentatif ne visaient que
la fameuse Constitution de Midhad !...
D'ailleurs, le Mechveret, organe officiel du Comité ottoman
d' Union et de Progrès, qui se dit aussi l'organe de toute la
Jeune Turquie - et cela est exact en ce sens qu'il est le champion
inébranlable des principes de la Jeune Turquie historique -
le Mechveret, disons-nous, se charge de nous édifier complètement
à ce sujet ! Dans son numéro du 1er janvier 1908, cette feuille écrit:
"... Nous déposerons nos armes dès
que le Parlement sera reconstitué;... "
Chaque fois que les Jeunes Turcs ont employé, en termes courant, les
mots parlement et régime représentatif, ils ont toujours compris
la Constitution de Midhad. Ceci est une vérité indéniable. Mais le
mot Reconstitué du Mechveret,
très typique, vient bien à propos, confirmer
d'une façon très nette et très précise cette vérité indéniable.
Ordinairement on reconstitue une chose qui a déjà existé,
or ce qui a déjà existé en Turquie, c'est la constitution de Midhad
!
Donc, l'assertion suivant laquelle dans l'esprit des "Jeunes Turcs"
"rétablir le régime représentatif (parlement)" n'a jamais signifié
autre chose que la mise en pratique de la Constitution de Midhad,
est surabondamment prouvée. Nous en concluons que les "Jeunes Turcs"
maintenant comme jadis défendent les mêmes principes ; qu'ils n'ont
fait aucune concession ; qu'ils n'ont introduit aucun changement
dans leur programme en demandant l'assistance et la collaboration
des autres partis politiques du pays pour la rénovation générale
de la Turquie.
Ici, une autre question :
Par l'application de la Constitution de Midhad, la Turquie, comme
Puissance, ne serait-elle pas suffisamment transformée pour relativement
améliorer la condition des nations qui s'y trouvent et celles des
classes laborieuses ?
Certainement non !
Il ne faut pas perdre de vue l'exigence, plutôt cocasse, de la "Jeune
Turquie". Elle exige, en effet, du Macédonien, de l'Arménien et
de l'Arabe d'oublier sa Cause déjà internationale et depuis longtemps
historique, d'effacer toute son histoire, tous les événements de
ces temps derniers ! Elle propose à l'Arabe, à l'Albanais, au Grec
de mettre bas les armes, en lui murmurant des mots vagues autant
qu'incertains !
Et nous autres, Arméniens, rien que pour des promesses fallacieuses
venant des "Jeunes Turcs" nous devrions non seulement renier notre
Cause reconnue par les Grandes Puissances, mais encore renoncer
aux droits qu'au prix de notre sang nous avons fait connaître à
l'univers entier : que dans l'empire ottoman l'Arménie, le peuple
arménien a besoin d'institutions appropriées aux conditions locales
! droits que le sultan Hamid, le tyran lui-même, a été obligé de
reconnaître diplomatiquement !
Que d'exigences, que d'arrogances, que d'étroitesses d'esprit de
la part de ces "Jeunes Turcs"qui désirent, affirment- ils, la rénovation
générale de toute là Turquie, et qui ne veulent pas avoir la condescendance
d'admettre ce que le représentant actuel de la dynastie d'Osman
- Abd-ul-Hamid -a reconnu !! Plus royalistes que le roi, ces "Jeunes"
!!
Revenons à la seconde condition
sine qua non de l'invitation.
Le Bureau organisateur a nettement déclaré que tous ceux qui veulent
participer au "Congrès" doivent d'avance et sans appel reconnaître
et respecter le principe de l'indépendance et de l'intégrité de
l'empire ottoman.
Tous ceux qui de loin ou de près se sont intéressés à l'histoire
de l'Orient savent fort bien que toutes les fois que les Puissances
Européennes ont voulu partager la Turquie, ou bien la démembrer,
elles ont toujours annoncé qu'il faut "conserver l'indépendance
et l'intégrité de l'empire Turc" ! Cette expression diplomatique
prit naissance lors du traité de Paris (1856), mais elle n'empêcha
point la séparation de l'empire ottoman, de la Roumanie, de la Bulgarie,
de la Bosnie-Herzégovine, de Chypre, de la partie Nord-Est de l'Arménie
et, tout dernièrement encore, de la Crète !
Mais, pourquoi les "Jeunes Turcs" s'acharnent-ils après
|