ce principe ? Ils ne savent donc pas qu il
ne peut, effectivement, être question de l'indépendance et de l'intégrité
d'une Puissance, quand cette Puissance est réellement indépendante
et qu'elle se trouve dans les conditions requises pour conserver
son intégrité? Ignorent-ils, ces mêmes "Jeunes Turcs" que depuis
la fin du XVIIIe siècle la Turquie n'est plus de facto, indépendante
?
Le Droit International, le droit des Gens reconnaissent aux Puissances
le droit de Souveraineté, c'est-à-dire que chaque Puissance, dans
la limite de ses frontières, est maîtresse absolue, souveraine,
et personne ne peut s'immiscer dans ses affaires intérieures.
L'Allemagne, la France, la Russie etc., sont des Etats Souverains,
en ce sens que, dans ces pays, aucune intervention étrangère ou
extérieure ne peut être tolérée pour tout ce qui concerne la gestion
des affaires intérieures. Dans ces pays, il y a Etat et Peuple,
qui sont les maîtres absolus de leurs actes et de leur destinée
et qui ne supporteraient, pour rien au monde, l'ingérence étrangère
ou l'intervention extérieure. Le contraire serait un cas de guerre
(Casus belli).
Donc théoriquement aussi bien que diplomatiquement, l'indépendance
de toute Puissance est reconnue autant que respectée ; aucune puissance
ne peut dire un mot désobligeant, à ce sujet, à sa voisine.
Mais ceci est-il vrai aussi pour la Turquie? La Turquie est-elle
un état souverain?
- Pas du tout!
La Turquie est privée de son droit indépendance, d'état souverain,
sinon depuis François Ier, lors de la signature des Capitulations,
quand elle devint, pour la première fois, la débitrice des Européens
et qu'elle mit ses droits de souveraineté en gage chez ses créanciers
- du moins après le traité de Carlowitz, indubitablement! Une Puissance
exclue du Congrès de Vienne (1815), qui a reconnu et signé les traités
de Paris, de Chypre et de Berlin ne peut prétendre au droit; d'indépendance,
à plus forte raison au respect de cette indépendance, dans les conditions
actuelles!
Puisque, au point de vue diplomatique autant qu'historique, la Turquie
est privée de son droit d'indépendance pourquoi, alors, les "Jeunes
Turcs" s'accrochent-il toujours tant à cette idée et pour quelle
raison cherchent-ils à la faire admettre aux peuples qui composent
l'empire ottoman? C'est parce qu'ils ont une arrière-pensée!
Et il est point nécessaire d'être d'une perspicacité extraordinaire
pour la pénétrer. Ils cherchent à faire partager cette idée
aux nations qui composent l'empire, pour que celles-ci renoncent,
de leur propre gré, aux importants droits qu'ils ont acquis au prix
de leur sang.
Le jour où la Turquie fut expulsée du Droit des Gens (1815), parce
qu'elle déchiquetait les races soumises à son autorité, de ce jour
l'intervention extérieure devint inévitable pour mettre un terme
à l'anarchie causée par les soulèvements motivés, par les combats
sanglants des peuples hétérodoxes et hétérogènes qui vivent côte
à côte dans cet empire. D'ailleurs, la Turquie elle-même
fut obligée de reconnaître officiellement ce droit d'intervention
par les traités qu'elle signa de gré ou de force.
L' intervention étrangère, porta atteinte à l'indépendance de la
Turquie, c'est entendu; mais n'empêche que l'intervention des Puissances
conféra aux peuples, torturés par les Turcs, des droits sous
forme de réformes, d'autonomie ou d'indépendance complète
souscrits par les Sultans eux- mêmes. Par quelle aberration d'esprit
pensent-ils les
"Jeunes", que ces mêmes peuples
ne reconnaîtraient; ne respecteraient plus leurs droits, reconnus
par toutes les Puissances ? Personne ne peut nier ou ne pas reconnaître
ses propres droits, quand, déjà, ces droits reposent sur des faits,
connus et admis par les autres.
Citons quelques faits.
Les "Jeunes Turcs" attaquent en termes très violents les Puissances
Européennes parce qu'elles interviennent en ce moment-ci
laissons de côté les motifs des Puissances dans les affaires
Macédoniennes pour l'application. du programme de réforme qu'elles
ont proposé et défendu. Les "Jeunes" s'en froissent sous prétexte
que cette intervention porte préjudice à l'indépendance et à intégrité
dé la Turquie. Ils prétendent que les Puissances Étrangères n'ont
aucun droit d'y intervenir, que la question des réformes de Macédoine
doit dépendre uniquement des droits du gouvernement turc...
Si les "Jeunes Turcs" défendent une semblable thèse, les révolutionnaires
macédoniens peuvent-ils la défendre aussi?
Jamais!
Les "Jeunes Turcs n'ont jamais voulu reconnaître l'existence de
la Question Arménienne ; ils l'ont combattue avec autant
sinon plus! d'acharnement que les "Vieux". D'après eux, l'article
61 du Traité de Berlin; le Projet du 11 mai 1895, sont des Actes
qui piétinent le principe de l'indépendance de l'empire ottoman.
Aussi, ont-ils combattu de toutes leurs forces les Puissances qui,
d'une façon ou d'une autre, ont montré quelques velléités à l'application
de ces actes.
Un parti politique arménien peut-il faire la même chose?
Nous répondons: "Non!"
Comment peut-on demander à quelqu'un de combattre ses Propres droits
? Car, ces droits, seraient-ils même insignifiants, qu'ils n'en
seraient pas moins, quand même, des droits. Suivant la thèse des
"Jeunes Turcs" les Arméniens et les Macédoniens doivent à l'occasion
- pour avoir le plaisir de respecter l'intégrité de l'empire turc!
- se battre contre les Puissances Européennes, si jamais elles intervenaient
dans les affaires turques à cause des Arméniens ou des Macédoniens!!!
C'est une exigence - pour ne pas employer une expression plus forte,
partant plus offensante ! -plus qu'inadmissible ! Une telle idée
ne peut guère germer que dans le cerveau des "Jeunes Turcs" !...
Admettre l'intégrité de la Turquie est chose relativement facile
; mais comment accommoder cette idée avec les faits et les réalités
?
Ne pas se séparer de la Turquie ne point être séparatistes, disent
les "Jeunes"!.... Mais pourquoi le séparatisme a-t-i1 toujours été
un phénomène inséparable de l'existence politique de la Turquie?
Evidemment cela doit provenir de certaines causes qui ont existé,
qui existent toujours en Turquie, et qui ayant jeté des racines
très profondes ne peuvent sûrement pas être supprimées par la simple
phraséologie...
Partout où il y a séparatisme et scission, il y a incohérence et
forces centrifuges, et la Turquie a toujours été et est encore,
pour ainsi dire, le prototype des incohérences et des forces centrifuges!
Il est certain que l'esprit séparatiste disparaîtra à l'instant
même où la cause qui le fait naître cessera d'exister; mais tant
qu'il y aura une cause, l'effet sera toujours inévitable. Puisque
c'est ainsi, les "Jeunes Turcs" mettent-ils en avant un programme
politique
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