Les Arméniens polonais ou ukrainiens? Sur la méthode d’écrire l’histoire des Arméniens sur les territoires de l’actuelle Ukraine Occidentale. Dr hab. Krzysztof Stopka Université Jagellone, Cracovie L’historiographie ukrainienne contemporaine, pour dénommer les Arméniens de l’ancien Royaume de Pologne, ensuite de la Galicie Orientale et enfin des voïvodies orientales de la Pologne d’entre les deux guerres, utilise avec conséquence le terme “Arméniens ukrainiens”. Cette définition contraste avec celle traditionnellement utilisée pour dénommer ce groupe par l’historiographie polonaise, qui depuis longtemps parle des “Arméniens polonais” ou bien des “Arméniens en Pologne”. La tradition historiographique polonaise s’accorde sur ce point avec la tradition du groupe-même. Les grands historiens arméniens percevaient depuis longtemps l’histoire de ces colons à travers leurs liaisons avec la Pologne. Il suffit de rappeler ici deux personnages éminents, dont les études, considérés classiques, sont cités jusqu’à present: Franciszek Zachariasiewicz et Sadok Barącz. Le premier publia en 1842 Wiadomość o Ormianach w Polszcze (Information sur les Arméniens en Pologne), le second, en 1856, Żywoty sławnych Ormianw Polsce (Les vies des Arméniens célèbres en Pologne). Dans l’autre ouvre de ce dernier auteur, Rys dziejów ormiańskich (Une esquisse de l’histoire arménienne) les mots “Pologne” et “polonais” n’apparaissent pas”, mais ils traitent l’histoire des Arméniens en général. Cependant tout de suite après avoir décrit l’histoire des Arméniens dans leur ancienne patrie, Barącz y insère un chapitre intitulé “Les Arméniens en Pologne”. L’historiographie polonaise contemporaine modifie légèrement cet approche, en utilisant le terme “en ancienne Pologne”, ce qui met l’accent sur les liaisons des Arméniens avec la culture polonaise et - au même titre - signale les changements politiques après la deuxième guerre mondiale. Le terme “Arméniens ukrainiens” s’est rependu en Union Soviétique après l’annexion en 1939 des territoires polonais où se concentraient les anciennes colonies arménienne, suivie de leur intégration définitive en 1944 à la République Socialiste Soviétique de l’Ukraine. En Union Soviétique cet approche historiographique était communément en vigueur, pour rappeler ici l’étude intitulée Drevnie gosudarstva na teritorii SSSR. Ce qui comptait, ce n’était pas la réalité historique mais l’actuelle appartenance politique. Ce schéma historiographique était officiellement recommandé, ou même obligatoire en Arménie Soviétique. Les historiens arméniens parlaient donc des “colonies arméniennes en Ukraine”. Comme dans les républiques sœurs, il n’y avait qu’un seul modèle de mémoire collective imposé, ils parlaient aussi des liaisons historiques et de l’amitié entre les deux peuples, arménien et ukrainien (tels étaient aussi les titres de trois conférences organisées dans les années soixante-dix et quatre-vingt du vingtième siècle par les Académies des Sciences de deux Républiques liées d’amitié). Pourtant, si les historiens ukrainiens continuaient avec persistance et conséquence à utiliser les notions “Arméniens en Ukraine” ou “Arméniens ukrainiens”, leur collègues arméniens préféraient parler des “colonies arméniennes d’Ukraine et de Pologne”, ou même des “Arméniens dans la Pologne médiévale”. Ils disposaient d’un argument qui pouvait justifier cette définition conforme au schéma recommandé: en fait, une des communes arméniennes se trouvait à Zamość, une ville qui après la deuxième guerre mondiale est restée polonaise. La vision historiographique des Ukrainiens a été tracée d’une manière plus complète par un chercheur de Lvov, Yaroslav R. Dashkévytch, fils de Roman Dachkévytch, politicien connu et militant pour l’indépendance, et d’Olena Stepaniv, héroïne des luttes de la Légion de Chasseurs Ukrainiens de Sitch, prisonnière en Union Soviétique. D’autres historiens ukrainiens suivent son exemple. La conception de Dachkévytch a été exposée aux chercheurs de l’Europe Occidentale par la “Revue des Études Arméniennes” dans l’article intitulé Sur la question des rélations arméno-ukrainiennes au XVII e siècle. Voila ses thèses:
La vision présentée ci-dessus a été imposée à l’historiographie occidentale. Les projets de recherche et les conférences scientifiques internationales, dernièrement assez nombreuses, concernent l’histoire des Arméniens en Ukraine. C’est par exemple le cas du colloque organisé du 29 au 31 mai 2008 par Peter Jacyk Centre for Ukrainian Research of the Canadian Institute of Ukrainian Studies, University of Alberta, University of Michigan Department of Near Eastern Studies, Ukrainian Catholic University, Institute of Ukrainian Archeology of the Ukrainian Academy of Sciences, Lviv Branch. La citation suivante présente ses objectifs et ses perspectives : « Twenty papers were read [...] on various aspects of Armenian-Ukrainian relations over the past five hundred years. The papers covered such aspects as the administrative structure and privileges of Armenian communities in Ukraine, social realities, cultural influences, church and religion, identity and literature, and art and architecture. Many of the papers were based on archival materials or took a fresh look at the field, at once reflecting an on-going, lively interest, and one of the goals of the conference : to shed new light on the Armenian-Ukrainian relations. [...] the conference was an important step towards realizing one of the fundamental and long-standing elements of the mission of the Armenian Studies Program at Michigan to act as catalyst for promoting and fostering Armenian Studies in various parts of the world. It is hoped that the precedent set in L’viv will involve a pattern of periodically held conferences. The paper will be posed on the websites of both the Armenian Studies Program and the other sponsoring organizations at the same time as plans are developed to publish the proceedings as a volume in English. » * Au cours du débat on traitait l’Ukraine comme un état qui existe sans discontinuité depuis le Moyen Âge. Elle était présentée comme un lieu de refuge pour les Arméniens, comme leur point de repère et l’organisme qui avait rendu possible leur évolution économique et culturelle. Dans les communications des historiens, la Pologne était presque absente. Par contre on pouvait y entendre le terme “Pologne”, non pas au sens de la province créée par les Autrichiens, existant dans les années 1772-1918, mais d’une réalité vague et immémoriale dont les frontières restaient indéfinies. Bien que les rois qui avaient accordé aux Arméniens de différents privilèges n’avaient pas de noms, le titre du colloque suggérait, qu’ils étaient des souverains ukrainiens. Les liaisons politiques, économiques et culturelles avec d’autres régions de la Pologne n’étaient pas l’objet du débat, vu que ces dernières avaient été situées au delà des frontières de l’Ukraine, soit actuelles, soit – selon les conférenciers – celles d’autrefois. Cette conception historiographique suscite une vive opposition soit pour les raisons de son contenu, soit pour celles de ses sources. Je me permettrai donc ici d’exposer une série d’objections :1. Au Moyen Âge, l’État nommé Ukraine n’existait pas. Admettons même que à l’État ukrainien corresponde à 2. Au début du XVIe siècle on ne savait rien de la prétendue installation des Arméniens sur les territoires de l’État de Volhynie et de Galitch (en polonais Halicz) ou de la principauté de Kiev. Un observateur attentif de la vie des Arméniens de Lvov, Martin Gruneweg de Gdansk, nota que les Arméniens s’y étaient installés sous le règne du roi Casimir le Grand (vers la moitié du XIVe siècle). Au XVIe siècle, pour des motifs purement polémiques, voulant prouver qu’ ils n’étaient guère des intrus sur ces terrains où ils étaient arrivés bien avant ceux qui actuellement y exerçaient le pouvoir, ils construisirent un mythe généalogique. Ils se servirent d’un document délivré –à ce qu’on disait - par un prince ruthène (dont la personalités restait inconnue), qui les avait invités dans son pays, en leur promettant la liberté pour trois ans. Cette “trouvaille” historique ressemblait probablement aux documents d’un célèbre patriote tchèque Vaclav Hanka (fabriqués au début du XIXe siècle, mais retenus originaires du XIIIe/XIV) et servant au même but (légimitation du faible devant le partenaire plus puissant). En vérité, les Arméniens ne possédaient aucun document délivré par les princes ruthènes. La théorie qui parle des conditions particulièrement favorables, dont ils jouissaient dans la principauté de Volhynie et de Galitch, c’est de la pure imagination, une fantaisie créée à la base de l’ancienne mystification. Presque tous les privilèges dont juissaient ces colons, sujets de l’État polonais, leur avaient été accordés par les rois de Pologne, sauf quelques uns, qu’ils avaient obtenus des rois de Hongrie, de grands-ducs de 5. Les Arméniens n’avaient jamais eu aucune “autonomie” (ni à l’époque ruthène, ni polonaise), tout au plus avaient-ils le droit à quelque forme d’autogestion. Nous ne savons pas non plus s’il existait sous l’autorité des princes ruthéniens. Seulement le roi polonais Casimir le Grand garantit leur autogestion religieuse et juridique formellement et par écrit dans la charte des privilèges qui conféra à la ville le droit de Magdebourg. Cet acte donna aux Arméniens la faculté de choisir entre le droit allemand et le leur. Sous le règne de Louis I d’Anjou ils réussirent à créer un tribunal d’échevins, organisé d’après le modèle allemand. Pour juger les causes, ce tribunal appliquait l’ancien droit arménien codifié au XIIe siècle. Après quelques modifications il fut approuvé par le roi de Pologne Sigismond I sous le nom Statuta iuris armenici en 1519. Ce droit était appliqué jusqu’à la fin du XVIIIe siècle dans toutes les communes arméniennes en Pologne ayant leur système d’autogestion. Pourtant il ne faut pas oublier que même dans les villes qui avaient des tribunaux arméniens, certains Arméniens acceptaient le droit allemand, ou habitaient dans les quartiers dans lesquels le droit arménien n’était pas en vigueur (par exemple Podzamcze de Lvov qui appartenait à la juridiction du staroste royal). Même si les Arméniens avaient leur juridiction, ils dépendaient des conseils municipaux de droit allemand auxquels – en tant que non catholiques - ils n’avaient pas accès. L’une des conditions qu’il fallait satisfaire pour avoir une représentation dans les institutions de droit allemand était la confession catholique. Cela explique la position privilégiée de la population polonaise, allemande et italienne, toutes les trois catholiques, dans les villes de l’ancien Royaume de Pologne. La municipalité de Lvov au XVe siècle, lorsqu’elle était encore dominée par les colons allemands, pour pouvoir surveiller l’ensemble du système juridique de la ville, se soumit le tribunal arménien (en 1467). Le tribunal arménien ne fût pas supprimé, mais désormais il était présidé par le maire élu selon le droit allemand. Yaroslav Dachkévytch décrit le tribunal arménien comme arméno-polonais. Cette définition ne trouve aucune justification dans les sources. Le droit en vigueur dans ces tribunaux n’était pas polonais, ses membres n’étaient pas Polonais non plus, sauf le président (initialement d’ailleurs de nationalité allemande). À Kamenets Podolski fonctionnaient trois tribunaux : l’un pour les jugement des causes de droit allemand, l’autre - arménien, le troisième – ruthène. La municipalité latine (germano-polonaise) pendant longtemps refusait aux Arméniens le statut de citadins. Encore sous le règne de Casimir Jagellon (1454-1492) ils étaient considérés habitants (incolae), et non pas citadins de plein droit (cives). Les tribunaux arméniens faisaient partie du système juridique de l’État polonais. Ils prononçaient les jugements au nom du roi de Pologne. Les Arméniens qui pouvaient faire recours au tribunal royal, en abusaient très souvent. 7. Au cours de leurs migrations les Arméniens continuaient à subir une acculturation incessante : perse en Perse, turque en Turquie, kiptchak en Crimée et dans les steppes de 8. Au XVIe siècle la situation linguistique dans les villes de l’ancienne Ruthénie subit un rapide changement, qui porta à l’établissement de la nouvelle hierarchie des langues. Le polonais continuait à repousser avec conséquence l’allemand et le ruthène et il s’étendait petit à petit à toute l’espace urbaine. Le rythme de ce changement était plus rapide à Lvov et plus lent à Kamenets, chef-lieu de la voïvodie de Podolie, située près de la frontière moldave. À la fin du XVIe siècle, bien que la connaissance du ruthène ne soit pas encore totalement disparue, la polonisation était déjà un fait accompli. Quant aux Allemands à Lvov, Martin Gruneweg constata: Noch heutigtigs tages sein in dieser Stadt die Deutzen vor anderer Nationen mer anghenemer, sitzen auch im Rhatte. Untter der vornemsten geschlechttern sein eittel deutze namen, welche noch heute betzeigen, das da von den deutzen ein gros wesen war. Wiewol fiele namen gaur auf polnisch getolmetzt warden oder von den nachkömlingen also geradbrecht, das sie keinen deutze verstandnusse in sich in sich haben. Es tzeigen noch die alten burgen, das sich alle andere natzionen dieser Statt den Deutzen in kleidunge, in geberden nachhielten. Ich fantt noch in der erste buerger und buergerin gnug auf die deutze manier gekleidert, ob sie schon ohnne polnisch kein ander wort wuesten”.* Le même phénomène caractérisait aussi les Arméniens. Simeon Lehac‘i, un Arménien de Zamosc, dont les parents étaient arrivés en Pologne de 9. Les Arméniens n’étaient pas persécutés en Pologne. Leurs nombreux privilèges, accordés tant par les rois de Pologne, que par les grands seigneurs, en constituent une preuve suffisante. Ils s’accomodèrent aux besoins et aux interêts de l’élite politique, sociale et culturelle du Royaume. Ils se spécialisèrent principalement dans le commerce avec les pays lointains. De 10. Les restrictions imposées au commerce arménien étaient une conséquence des privilèges qui avaient été accordés aux municipalités de droit allemand. Les Arméniens pourtant arrivaient presque toujours à les contourner. Ils étaient capables de repousser avec succès les groupes plus faibles. Avant la fin du XVIe siècle, ils réussirent à chasser de Lvov presque tous les Ruthènes. Même les patriciens catholiques commencèrent à s’inquiéter de leur propre futur. Les tensions dues à la rivalité économique devinrent un élément quotidien de la vie urbaine seulement à Lvov. À Kiev, Kamenets, Louck, Kiev, ainsi que dans les villes privées Zamosc et Stanislavov, elles étaient inconnues ou insignifiantes. Pour se défendre contre les patriciens catholiques, les Arméniens recourraient aux alliances avec les nobles polonais et en cours d’assimilation, ou bien cherchaient la protection auprès du roi de Pologne. Malgré les efforts, les bourgeois polonais étaient incapables de faire face à la concurrence des Arméniens, renforcés par leurs puissants protecteurs. Ne pouvant faire autrement, ils se limitaient à des tentatives occasionelles de revanche. La revanche n’était pas l’expression du conflit entre les Arméniens et les Polonais, mais seulement entre les Armeniens et les bourgeois. Ajouter à ce phenomène un aspect nationnal n’est qu’un malentedu. Considérant la culture et l’identité nationale sans aucun doute polonaises des nobles alliés des Arméniens, on pourrait aussi bien le qualifier comme une preuve de l’amitié arméno-polonaise. 11. Les Arméniens ne se solidarisaient pas avec la population ruthène. Même pendant la periode de fortes tentions dues à l’introduction du calendrier grégorien par les catholiques, les Ruthènes n’obtinrent de leur part aucun support. Ils restèrent indifférents aux appels à la solidarité lancés par le patriarque de Constantinople. Les Ruthènes reprochaient ouvertement aux Arméniens de Lvov, qu’étant eux-mêmes victimes des chicanes, ils ne leur avaient offert ni conseil, ni assistance. Mais à quoi l’alliance avec un groupe vraiment marginal leur aurait-elle servi ? Quant à eux, ils ont réussi à s’opposer à l’imposition du nouveau calendrier. Pendant l’insurrection de Khmelnitsky, les Arméniens, comme les Juifs, étaient impitoyablement assassinés par les Cosaques. Un voyageur orthodoxe, Paul d’Alep, louait un hetman cosaque qui, « après avoir pris d’assaut plusieurs villes, extermina leurs habitants étrangers, y compris les Arméniens, méchants et hérétiques». Pendant les soi-disant persécutions religieuses liées à l’établissement de l’Union avec Rome dans le diocèse de Lvov, les Arméniens ne cherchaient pas d’aide auprès des Ruthènes. Même si cela peut avoir l’air paradoxal, il est vrai que pendant deux décennies ils boycottaient leur évêque uniate, en fréquentant les églises catholiques. 12. Les Arméniens avaient une perception positive du catholicisme. Nombreux d’entre eux, après avoir adopté la nouvelle religion, maintenaient des rapports avec leurs anciens coreligionnaires. Pour ce peuple de commerçants et d’artisans, de complexes problèmes théologiques n’avaient pas d’importance. Le clergé arménien retenait que leur patriarche, Katholicos, acceptait la primauté de Rome et seulement par peur des musulmans, il n’entretenait pas de relations régulières avec le pape. Les Arméniens accueillaient chez eux les légats papaux et les hiérarques catholiques. Ils léguaient par testament de l’argent aux églises catholiques, ils fondaient des objets du culte, par exemple les croix de pierre. Martin Gruneweg nota: « Ils aiment tous l’église catholique, mais ils ne suivent pas ses commandements». Nous connaissons aussi des legs faits par des Armenéniens en faveur des églises et des monastères orthodoxes, mais nous n’avons pas les preuves de leurs relations plus étroites avec la religion orthodoxe. 13. L’Union avec Rome, introduite sans doute contrairement à la volonté de la communauté arménienne, fut une conséquence des querelles au sein de la commune de Lvov. La partie plus faible chercha l’appui auprès du clergé catholique et le trouva chez les nonces apostoliques. L’attitude de l’évêque arménien qui adhéra à l’union pour les motifs personnels, ne trouva pas d’approbation auprès des autorités polonaises, en particulier auprès du roi Ladislas IV. Généralement l’État polonais n’intervenait pas dans les affaires de l’église, exception faite pour la nomination des évêques par le roi. Il ne pouvait donc pas être question de persécutions des Arméniens organisées pour des raisons confessionnelles et moins encore de la politique tendant à « l’anéantissement » du peuple arménien. Au XVIIe et au XVIIIe siècle les Arméniens de l’Orient continuaient à s’installer en Pologne, où ils obtenaient, comme groupe, des privilèges collectifs. Même le catholicisme de l’église arménienne en Pologne n’était pas pour eux un obstacle. À la fin du XVIIe siècle la nouvelle génération acceptait sans objections l’union avec Rome. Le dévouement à Rome remplaça l’ancien attachement à Echmiadzine (le siège du Katholicos de l’église arménienne). L’Union ne porta pas à la dénationalisation des Arméniens. Leur église ne perdit pas son autonomie, parce qu’elle protégeait sans cesse son indépendance des évêques latins ainsi que sa langue et ses traditions liturgiques. Le diocèse arménien de Lvov survécut jusqu’au 1945. 14. Les Arméniens n’étaient pas discriminés dans leur accès à l’éducation. Les écoles arméniennes fonctionnaient près des églises, les jeunes Arméniens fréquentaient aussi les écoles catholiques. L’union avec Rome leur ouvrit les portes de toutes les institutions scolaires. En 1616 ils fondèrent la première imprimerie, mais quelques temps après celle-ci cessa son activité. Sa fermeture fut due non pas aux persécutions, mais à la faillite. Les Arméniens étaient habitués à utiliser les livres liturgiques en manuscrits et ils achetaient les livres laïques imprimés en polonais. 15. À l’exeption de cas vraiment sporadiques, les Arméniens étaient des sujets loyaux de l’État polonais. Les immigrés de l’Orient prêtaient serment de fidélité au roi de Pologne. Au cours de quatre cents ans les marchands arméniens rendaient de nombreux services à la diplomatie polonaise. Ils apportaient des nouvelles sur la situation dans l’Empire Ottoman et chez les Tartares, ils avertissaient les Polonais des dangers qui menaçaient leurs frontières, ils rachetaient les captifs, ils étaient guides et traducteurs des messagers polonais dans un labyrinthe complexe de la diplomatie ottomane, parfois – jouant le rôle d’agents diplomatiques - ils réglaient les affaires de moindre importance. Pendant les guerres avec 16. Dans la chronique tenue par les prêtres arméniens de Kamenetz Podolski on peut trouver un grand nombre de signes de solidarité des Arméniens avec les triomphes de l’armée polonaise. Je présenterai ici deux citations, qui montrent des réactions opposées des habitants arméniens et ruthènes de cette ville aux victoires des Polonais remportées sur 17. Avec le temps, les Arméniens commencèrent à percevoir 18. Un sens d’étrangeté et de distance envers les compatriotes de l’Orient naquit avec le temps chez les Arméniens polonais. Il concernait aussi le clergé. Les légats de la plus haute hiérarchie arménienne n’étaient pas tous accueillis sans objections. Même Sebastien Petricius, mal disposé pour les Arméniens de Lvov, dut reconnaitre qu’ils « ne se sentaient pas étrangers » En 1630, l’archévêque arménien Mikolaj (Nigol) Torosowicz, voulant se débarasser du mesager du katholicos d’Echmiadzine qu’il trouvait malveillant, fit venir des Polonais qui auraient temoigné contre lui. Ila auraient constaté que le légat (nvirag) « était venu du pays turque en espion, pour s’informer sur tout ce qui concernait l’état de n o t r e pays ». 21. Après la première guerre mondiale les Arméniens, décidément contraires aux aspirations nationales des Ukrainiens, s’engageaient dans la lutte visant à faire de 22. Après la deuxième guerre mondiale et l’annexion des terrains orientaux de Dr hab. Krzysztof Stopka Université Jagellone, Cracovie Traduit du polonais par Anna Górka
* ils connaissent peu l’armenien, seulement le ruthène * “Encore de nos jours il y a dans cette ville des Allemands situés mieux que les autres éthnies et ayant leur représentants dans le Conseil [Municipal]. Parmi les familles les plus nobles il ya des noms purement allemands, qui encore aujourd’hui prouvent que [jadis] l’importance des Allemands y avait été très grande. Parce que plusieurs noms de famille avaient été tradiuts en polonais ou simplement altérés par les descendants d’anciens colons, ils n’ont plus aucune signification en allemend. Encore aujourd’hui les vieux bourgeois signalent que toutes les autres éthnies de cette ville imitaient les Allemands dans leur façon de se vêtir et de se comporter. J’ai rencontré parmi les bourgeois et les bourgeoises les plus riches [des personnes] vêtues complètement à l’allemande, cependant hors le polonais ils ne connaissaient aucune autre langue”. * „Je m’étonne, honorable père que Vous, vivant depuis si longtemps en Pologne, sous maintenez [les coutumes] turques; Ne serait-il donc pas mieux, si – pour avoir le coeur tranquille - Vous m’enfermiez à la turque [à la maison] en m’obligeant à voiler le visage » |