Il y a à Ankara le Secrétariat aux Affaires religieuses qui dépend directement du Premier ministre : c'est
la Dinayet.
En Turquie, les institutions religieuses musulmanes n'ont aucune autonomie comme c'est le cas en France ou dans d'autres pays occidentaux pour les Eglises chrétiennes. L'islam est bridé en Turquie et vidé de sa spiritualité religieuse -comme figé en un islam des Janissaires au service de l'Etat et de son idéologie kémaliste.
La Turquie est "un pays laïc" ? C'est une erreur sémantique, un abus de langage, passant de la réalité laïciste au désir de laïcité. Au delà de la myopie eurocentriste, du dogmatisme jacobin ou tout simplement du manque de précision, il y a aussi certains politiciens ou commentateurs politiques qui instrumentalisent cette imposture sémantique -cherchant ainsi à brouiller les cartes au détriment des pays arabes.
Sachant que l'idéologie kémaliste est une idéologie nationaliste basée sur le négationnisme (et
en filiation avec les Jeunes-Turcs), dire que la Turquie est "un pays laïc", c'est que l'on préfère (en non-dit) occulter le crime imprescriptible de génocide. C'est vouloir encore plus que diaboliser ou calomnier l'islam par delà de toute ignorance pour l'enfermer dans l'obscurantisme religieux et dans une régression intellectuelle. Au lieu de mettre en avant la spiritualité de l'islam du Livre enrichie de l'exég
èse des Réformateurs musulmans du XIX
ème si
ècle* -qui ne pourraient que condamner le génocide- accepter le négationnisme de l'Etat turc par eurocentrisme, c'est aussi promouvoir et banaliser l'impunité recherchée actuellement par les terroristes islamistes.
En France en officialisant une telle préférence à l'occultation de ce négationnisme, c'est agresser la foi de millions de citoyens de confession musulmane et c'est alimenter en parallèle l'islamophobie comme si de rien n'était. C'est enfin chercher à bloquer
un authentique dialogue islamo-chrétien si nécessaire à notre société française : ou bien le fausser en essayant d'imiter le dialogue
entre le catholicisme romano-germaniste et le laïcisme turco-kémaliste -comme ce fut le cas avec le voyage de Benoit XVI en Turquie.
Si la Turquie avait été un pays laïc, ses imams, ses muftis ou docteurs de l'islam auraient la liberté de pouvoir exprimer leur compassion religeuse aux prêtres arméniens assassinés et auraient demandé pardon à L'Église arménienne. Ce fut le cas en France avec la Conférence des Évêques pour la Shoah organisée par le Gouvernement de Vichy complice des crimes de l'occupant nazi à l'encontre des Juifs..
Nil Agopoff
* - comme par exemple Djemal el Afghani qui fut le collaborateur de l'Arménien Adib Ishak (1856-1886) au journal el-Misr au Caire