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- Chapitre XI -
Christianisme oriental, islam
et dialogue(s) islamo-chrétien(s)
page en cours de finition

A la MAISON DE L’UNESCO - PARIS / 28-29 Sept.2015
a eu lieu le 100ème anniversaire de la fondation de
L'ORDRE SOUFI ALÂWÎ
en Algérie par
Ahmad AL ALAWI (1874-1934)

LE COLLOQUE INTERNATIONAL SUR
'L'ISLAM SPIRITUEL ET LES DÉFIS CONTEMPORAINS'
PROGRAMME PDF organisé par AISA ONG Internationale.
Le Président d'Honneur de cette association est Khaled BENTOUNÈS
qui est un acteur du dialogue inter-religieux

LETTRE OUVERTE ENVOYÉE AU CHEIKH KHALED BENTOUNES DE AISA-ONG
  • Sujet du e-mail : Le vénérable Maitre Soufi Ahmad AL-ALAWAI (1874-1934) a-t-il été au courant du Génocide des Arméniens en 1915 ? Qu'a-t-il pensé du laïcisme d'Ankara instauré par Mustafa Kemal Ataturk ? Un blocus de l'islam spirituel pour que le crime de 1915 ne soit pas condamné religieusement à l'époque ? Un négationnisme d'État bétonné qui dure encore aujourd'hui par exportations industrialisées de falsifications historiques, de dénis et d'occultations.
  • J'ai pris connaissance de votre association soufie en trouvant la page webe sur votre Colloque international concernant 'L'ISLAM SPIRITUEL ET LES DÉFIS CONTEMPORAINS' à l'Unesco, les 28-29 septembre 2015.(01*) J'en suis très heureux et vos 20 pages PDF de votre compte-rendu nous sont accessibles (02*) A cette occasion voici ci-dessous dix links sur les relations spirituelles entre l'islam et les arméniens au hasard des siècles. Cela intéressera certainement les intervenants-chercheurs qui ont participé à votre colloque sur le soufisme Allawiyya :
    - Les travaux de Mme Seta B. Dadoyan (Beirut), The Armenians in the Medieval Islamic World / Paradigms (03*) ;
    - Manuscrits arméniens médiévaux étant des extraits traduits du Coran (Revue Handes Amsoria, pp.35-44, Wien 1980) (04*) ;
    - Le privilège accordé aux Arméniens par le quatrième Calife Ali Ibn Talip (05*) ;
    - Le soufi arménien Farqad Sabakhi qui était élève de l'éminent soufi Hassan el-Basri (IX° siècle) (06a*) ;
    - L'architecte arménien Vartan qui restaure la Mosquée-Mausolée du Prophète Mohammad à Médine (06b*) ;
    - Le théologien arménien et connaisseur éclairé du Coran à Ispahan au XVIII siècle (07*) ;
    - Le soufi arménien de l'Inde moghole, Sarmad Kashani (1590-1661) (08*) ;
    - La publication Al-Nafarhat de Londres pendant la Nahda par l'écrivain arménien de Syrie Rizqallah Hassoun (1825-1880) : dédicacée à l'Emir Abdelkader en 1867 (09*) ;
    - Le peintre symboliste Vardguès Soureniants (1860-1921) (10*) : l'Alhambra de Grenade en Andalousie (10a*) | le poète Firdousi récitant des poèmes à la cour persane (10b*) ;
    - Restauraion du Monastère de Haghartsin en Arménie (10c*) par la générosité de Sultan Bin Mohammed Al Qasim de Sharjah (10d*) -touché par la beauté spirituelle de cette église arménienne (10e*) face aux destins tragiques des autres églises en territoire turc.(10f*)

    Cependant, Monsieur le Président Cheikh Khaled Bentounes, je m'adresse d'abord à vous comme arrière-petit-fils du cheikh Ahmed al-‘Alâwî (1869-1934), reconnu et vénéré comme l’un des plus grands saints du 20ème siècle. Peut-être par transmission mémoriale dans votre famille, avez-vous eu écho si votre illustre aïeul était au courant des événements s'acharnant à l'encontre du peuple arménien ?

    Peut-être a-t-il dit quelque chose sur ces événements meurtriers qui se sont passés à son époque dans l'Empire ottoman ? Peut-être certains de ses propos à ce sujet ont été transcrits par témoignages dans des manuscrits arabes connus des chercheurs ? En particulier pour les points suivants :

    - les massacres hamidiens de 1894-96 (11*) : des massacres révélant une ancienne violence intrinsèque en déni dans l'Empire ottoman (12a*) à l'encontre des populations autochtones chrétiennes -une violence étudiée par la sociologue turco-américaine Fatma Müge Göçek de l'Université du Michigan (12b*) ;

    - les massacres de Cilicie en 1909 (13a*) sachant qu'ils furent condamnés par le Grand Cheikh Salim al-Bishri, recteur d'Alzhar (13b*) ;

    - la proclamation officielle de la Guerre Sainte en novembre 1914 à Constantinople (14a*) : cela d'autant plus qu'il y a eu des échos en Algérie française (14b*);

    - le firman en 1917 (15a*) du Cheikh Hussein Ibn Ali, shérif des Lieux Saints de La Mecque et Emir hachémite du Hedjaz (15b*) : demandant aux musulmans de bien accueillir les rescapés arméniens de la déportation ;

    - les violences à l'encontre des femmes arméniennes (16a*) et les déshumanisations qui ont eu lieu en Syrie et en Iraq lors du génocide.(16b*)

    Votre illustre aïeul, le cheikh Ahmed al-‘Alâwî, a-t-il rencontré des algériens envoyé en Orient par l'armée française ou le Quai d'Orsay et qui lui auraient parlé des survivants arméniens de la déportation qui avait institualisée par le Parlement ottoman ? Je pense en particulier à deux de ses compatriotes contemporains notoires où il y a des pistes de recherches :
    - Hadj Colonel Chérif Cadi (1867-1939) (17a*)
    - Si Kaddour Benghabrit (1868-1954) (17b*)

    Peut-être ces deux algériens ont-ils eu en main des journaux arabes qui rapportaient des agissements de l'armée turque malgré la censure ottomane (18a*) ? Peut-être parlant arabe, ont-ils eu des contacts avec la population leur désignant des lieux de déportations, d'internements ou d'enfumades (18b*) ?

    Après la défaite de l'Empire ottoman, on sait que les realpolitiks étatiques en géostratégies-mercantilismes des Grandes puissances ont continué de plus belles. Ainsi il y eu le Traité de Sèvres 1920, qualifiée de 'sinistre comédie' par l'historien Arthur Beylérian -à la page LXIII de l'introduction de son livre publié en 1983.(19*) Après l'armistice, les rescapés arméniens de 1915 étant retournés en Cilicie au Nord de la Syrie, furent abandonnés plus tard aux mains des bandes armées kémalistes -suite aux accords secrets d'Angora de 1921.(20*) En 1923, le Traité de Lausanne annulant le précédant, officialise internationalement l'impunité du crime légalisé-organisé : avec toutes ses conséquences ravageuses en déshumanités provoquées-banalisées (21a*) et en déstructurations symboliques instituées.(21b*)

    Ainsi avec le nouveau régime kémaliste, comment votre aïeul le cheikh Ahmed al-‘Alâwî (1869-1934) a-t-il perçu, comment a-t-il pensé :

    - la suppression du Califat aboli en 1924 ? On en donne habituellement des raisons politiques.(22a*) Il y eut diverses conséquences dans le monde musulman -l'historiographie eurocentriste cherchant surtout à faire prévaloir la "laicité" de la nouvelle Turquie. Est-ce que votre aïeul a compris qu'il s'agissait en fait d'un laïcisme nationaliste au service d'un État ? En faisant un blocus de l'islam spirituel -parce que, en dialogue traditionnel avec les Chrétiens d'Orient (22b*) ? Dans cette suppression du Califat, y a-t-il perçu un NON-DIT (22c*) : pour ne pas avoir un jour un Calife qui puisse condamner ce crime, un crime désapprouvé par l'humanité, l'islam et tous les musulmans -comme nous le rapporte un témoin arabe musulman oculaire dont le témoignage fut publié au Caire en 1917.(22d*)

    - l'interdiction du port du couvre-chef masculin, le fes oriental ? Ce décret kémaliste en 1925 cherchait à donner une apparence européenne aux Turcs. Il s'agissait avant tout de faire glisser subtilement le souvenir iconographique des massacreurs sur les autres peuples de la région conservant l'habit traditionnel (23*) -c'est-à-dire sur les Kurdes et les Arabes.

    - l'abandon de l'alphabet arabe pour adopter l'alphabet latin en 1928 ? (24a*) Au delà de raisons linguistiques ou d'ascendance en euro-diplomatie, il importait surtout que les générations postérieures turques ne puissent pas lire et savoir ce qui s'était passé avant -en particulier le jugement des criminels par contumace lors du tribunal militaire de 1919 à Constantinople.(24b*)

    L'impunité du crime ottoman des Jeunes-Turcs de 1915-1918 a légitimé l'impunité kémaliste quant aux massacres organisés des Kurdes du Dersim 1937-38.(25*) On comprend que le kémalisme avait une grande faveur chez les nazis.(26a*) Les nazis sont arrivés au pouvoir en 1933. Cheikh Ahmed al-‘Alâwî en a-t-il parlé ? Peut-être a-t-il été mis au courant par des voisins ou des amis juifs d'Algérie ? On sait la phrase de Hitler avant d'attaquer la Pologne "Qui se souvient de l'extermination des Arméniens ?" (26b*) Les Arméniens déjà avant la Première Guerre Mondiale étaient considérés dans une certaine littérature allemande comme "les Juifs de l'Orient".(26c*) Aujourd'hui on sait comment au cours de l'histoire agissent les filiations perverses des génocides et de leurs dénis.(26d*) Comme on sait avec le recul comment l'État turc met en oeuvre sa diplomatie multi-séculaire pour noyer chaque fois le poisson : cela depuis plus de cent trente ans et encouragée par la realpolitik occidentale.(27*)

    Au Moyen-Orient, les situations militaires, stratégiques, politiques, diplomatiques, économiques et humaines, se dégradant, il n'est pas envisageable que l'Etat turc puisse reconnaître le Génocide de 1915 dans un avenir prochain. Par une fuite en avant, il y a un acharnement répété d'Ankara à l'encontre des Kurdes (le dernier peuple autochtone resté en Turquie) incriminés en "bâtards d'arméniens".(28*) Les vieux démons turco-ottomans et kémalistes remontent à la surface en confrontation avec le nouveau monstre voisin -DAECH. Ce n'est pas un hasard si DAECH s'est développé dans les lieux de déshumanisations et d'exterminations des familles arméniennes déportées (30a*). Avec le TERRORISME D'UN GÉNOCIDE (30b*), ce crime imprescriptible avec un siècle d'impunités, de dénis officiels banalisés, a produit sa mutation politico-anthropologique en DAECH (30c*) -en incidence avec les interventionnismes eurocentristes-occidentalistes.

    Ces phénomènes relèvent de mécanismes profonds enracinés dans l'idéologie du pantouranisme et non pas dans la religion comme le Catholicos Aram Ier ne manque pas de le dire.(31*) Ainsi la Guerre Sainte déclarée en novembre 1914 à la Mosquée Fatih (32a*) l'avait été par des religieux sous influence maçonnique (32b*). Ce Djihad avait été pensé par les orientalistes allemands (32c*) au service de la politique impériale du Kaiser.(32d*) C'est ainsi que l'expression de 'co-responsabilité' a été formulée dans les débats du Génocide de 1915 au Bundestag.(32e*) L'islamophobie occulte ces faits historiques. L'islamophobie ne retient que la partie visible des fanatismes turco-islamistes : des fanatismes instrumentalisés par la structure génocidaire pantouranienne -sous l'étandard du djihadisme.(32f*)

    Aujourd'hui en Turquie, il y a une mémoire trouée (33a*), aliénante (33b*), induite par le négationnisme bétonné de l'État turc : comme si une Allemagne nationaliste n'avait pas reconnu les crimes nazis de la Shoah.(33c*) On ne peut que s'interroger alors sur l'autonomie spirituelle de la Présidence des Affaires religieuses, la DIYANET à Ankara, qui est la courroie de transmission du turco-nationalisme au peuple des croyants en Turquie -et dans sa diaspora.(34*) En effet, combien de religieux musulmans, combien de docteurs de l'islam, combien de soufis en Turquie ont signé la pétition sur web mise en ligne par des démocrates turcs -et demandant pardon aux arméniens et rejettant l'injustice-l'indifférence faites à l'encontre des arméniens (35a*) ?

    En Turquie, il y a une production industrialisée en négationnismes truqués et truquants -comme une drogue en monopole d'Etat et exportée dans le monde entier : en symbiose avec des centres de lobbyings politico-patronaux ou incitant différentes communautés musulmanes à en consommer. De plus, cette drogue sacralisée pour ne pas dire iolâtrée en production à Ankara se déverse à flot contre le peuple kurde -se voulant en surenchère avec Daech.(35b*)

    On ne peut pas occulter, escamoter l'origine de ce phénomène ravageur : le négationnisme du génocide des Arméniens en 1915. Il s'agit d'un négationnisme d'Etat d'un génocide organisant ses dénis concertés, un négationnisme qui cherche à faire accepter la déportation, l'extermination, l'éradication d'un peuple -comme si de rien n'était. Le négationnisme, c'est vouloir tuer une deuxième fois, c'est essayer d'occulter la déshumanisation, c'est-à-dire de la banaliser. Tout cela est si contraire à la foi de l'islam et de toutes les religions du monde. C'est pour cela qu'il est important que des institutions religieuses comme la vôtre, des centres de théologie islamique, des grandes mosquées dans le monde -et en particulier les mosquées de France (36a*) et leurs CRCM (36b*)- puissent reconnaître le Génocide des Arméniens en 1915 et désavouer son négationnisme : comme l'a fait l'Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris le mardi 5 mai 2015.(36c*)

    En tant que Chrétiens d'Orient, nous savons que l'islam spirituel peut beaucoup et peut aller plus loin que l'islam officiel astreint aux contingences étatiques. Ce fut le cas en octobre 2007 avec la déclaration de 'A Common Word Between Us and You' en octobre 2007 (37a*). Voici les deux messages du Catholicos Karékine II d'Etchmiadzine en Arménie (37b*) et du Catholicos Aram Ier d'Antelias au Liban (37c*). Ces deux messages, à notre connaissance et avec nos très faibles moyens, n'ont malheureusement pas eu d'échos dans le monde de l'islam officiel des différents pays musulmans. (37d*).

    Ainsi, au-delà des flous médiatiques et des vernis officiels habituels dans les relations internationales, sachant l'impératif du Vivre Ensemble dans la diversité de nos sociétés, j'ose vous demander, Monsieur le Président Cheikh Khaled Bentounes, ceci : quand la reconnaissance du Génocide des arméniens en 1915 et le désaveu de son négationnisme, pourront-ils faire l'objet un jour d'un autre colloque de AISA-ONG dans le cadre de L'ISLAM SPIRITUEL ET LES DÉFIS CONTEMPORAINS ? Développant votre colloque de septembre 2015, contribuer ainsi à protéger la dignité humaine de descendants de victimes non-exterminées et survivantes par miracle. Cela pourra être bénéfique aussi bien pour les turcs d'aujourd'hui, victimes eux aussi du négationnisme de leur État : ainsi turcs et arméniens sont ensemble dans un double (ou un même) enfermement génocidaire de leurs Inconscients collectifs respectifs.(38a*). Les turcs démocrates et pieux l'ont bien compris. Heureusement l'Allemagne a su reconnaître ses crimes passés et ne manque pas de le reconnaitre chaque fois si nécessaire. On ne peut que rendre hommage au courage et à l'humilité de Willy Brandt dans son geste fort, profond, riche et visionnaire (38b*) -le 7 décembre 1970 à Varsovie.(38c*)

    Enfin, pour terminer, nous pouvons remarquer avec un certain sentiment du destin qui dépasse la simple coïncidence, que le 24 avril 1975, Monsieur le Président Cheikh Khaled Bentounes, vous êtes devenu, le 46ème guide spirituel de la Voie Soufie Alâwiyya.(39*) Or le 24 avril, est la date de commémoration du Génocide de 1915 -le jour où la police ottomane avait raflé les intellectuels arméniens de Constantinople (40a*) pour les exiler sur les chemins de la mort. Depuis lors, les 24 avril ont lieu des messes dans toutes les églises arméniennes du monde entier : des messes lithurgiques dédiées à la mémoire des un million et demi victimes du Génocide des Arméniens. Ces martyres ont été sanctifiés depuis l'année dernière par notre Sainte Église Apostolique.(40b*) Le 24 avril 1975 est aussi le jour où a été chantée pour la 1ère fois la chanson de Charles Aznavour : Ils sont tombés.(40c*) Je rappelle que Charles Aznavour est le Président d'Honneur de la Délégation permanente de l'Arménie à l'Unesco (40d*) et que son gendre est d'origine algérienne.(40e*)

    En vous remerciant de votre attention et dans la confiance de votre considération par spiritualité islamique face à ce nouveau défi contemporain, nous vous prions de croire, Monsieur le Président Cheikh Khaled Bentounes, l'expression de nos sentiments distingués.

Carte du Maghreb : détail tiré de la Mappemonde arménienne imprimée à Amsterdam en 1695 sur le site Gallica de la BNF


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