- Il s'agit d'évènements qui se sont passés le 26 août 1896 et celui qui les raconte est un officier français embarqué à bord du Sidon.
"...Les Turcs massacraient tous les Arméniens qui se trouvaient sur leur passage. A la hauteur du pont de Stamboul, il y avait une foulle énorme, et les soldats qui circulaient m'empéchèrent d'approcher. Des Turcs, armés de matraques énormes en bois de hêtre, parcouraient des groupes en tous sens. Tout à coup je vis un rassemblement se produire près du pont, et aussitôt se lever les bâtons. Ce furent alors des cris de terreur, d'épouvante et d'angoisse. Un pauvre diable tombe assommé. J'en vois trainer un autre, tout couvert de sang et auquel, au passage, chacun donne un coup de talon sur la tête. Et, tandis que les scènes de ce genre se multiplient, la troupe est immobile, baïonnette au canon. Elle semble indifférente à ce qui se passe. Les officiers de police ne s'occupent même pas de ce qui vient d'arriver. Cependant, aux coups sourds de matraques, est venu s'ajouter le bruit d'une fusillade ininterrompue.
"Je rentre à bord où tout le monde est consigné. Quelques personnes affolées sont venues y demander asile. De la dunette où nous sommes rassemblés, mes camarades et moi, nous pouvons suivre les péripéties de la tuerie. Dans une petite ruelle de Galata, nous voyons, descendant d'une masure en planches, quelques hommes, une femme et un enfant. A leur costume, je les reconnais pour des Arméniens... Tous disparaissent dans la foule... Sur leur passage, une bagarre se produit, un homme parvient à se dégager et s'échappe en courant du coté du bord. Il a sans doute l'idée de se réfugier à l'abri du pavillon français. Mais les Turcs le poursuivent avec acharnement et il n'a pas faut vingt pas qu'il recoit des coups de matraque. le malheureux néanmoins ne tombe pas plus loin, à une vingtaine de mètres du bord ! Les Turcs alors s'acharnent sur lui, la tête est littéralement brisée, et le sang coule sur les plaies béantes. Puis les Turcs qui passent frappent le cadavre à coups de talons de botte..."
- Vues de Constantinople par M. Louis de Launay, membre de l'Institut, Le Tour du Monde, Paris, Tome XIX, Nlle Série, 21-24 mai 1913, pp234-235
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